Bona Ketehouli, mort d’une conscience morale du Togo

bonna-ketéhouli« Ne demandez pas pour qui sonne le glas, il sonne pour vous« , dit le poète John Donne. C’est effectivement une partie morale du Togo qui s’en va avec la mort annoncée de Bona Djato Awilon Ketehouli, l’ancien ministre de la Communication et de la culture du gouvernement de la Transition. M. Ketehouli est décédé le 04 mars dernier au CHU Sylvanus Olympio. Il était avant sa mort, membre de la Commission Vérité Justice et Réconciliation (CVJR).
Kabyè de la Kozah, Bona Ketehouli n’a pas hésité à prendre le contre-pied du pouvoir, et à surprendre les cadres kabyè et du Nord. Dans un Togo monolithique dominé par le parti unique, la pensée univoque, et un discours politique souvent mensonger sur l’unité et la solidarité de la nation togolaise, il créa en 1990, en pleines effervescences démocratiques, Différences positives, une association de lutte contre le tribalisme, le régionalisme, et l’ethnocentrisme. Un véritable pied de nez à Eyadema et son Rassemblement du peuple togolais (RPT), dont le discours dominant était d’avoir réussi à ramener la paix au Togo en mettant fin à division et le tribalisme du régime Olympio. Bona Ketehouli, avait une longueur d’avance sur son époque. Dans un Togo des années 1980-1990 baigné par le tribalisme et l’ethnocentrisme instauré par le régime Eyadema, M Ketehouli, alors directeur de l’Ecole normale supérieure d’Atakpamé, fut l’un des rares à avoir dénoncé un phénomène qui mettait en danger l’équilibre de la nation.
Travaillant dans le Sud et connaissant parfaitement le problème du foncier togolais, il avait suggéré à Eyadema la nécessité de mener des actions urgentes pour régler les conflits fonciers les propriétaires terriens, originaires du Sud et les exploitants, venus du Nord. Une suggestion qui lui a valu bien des déboires plus tard.

Son association ne parlait pas que d’un ethnocentrisme institutionnel qui ne disait pas son nom, il relevait également le tribalisme et le racisme latents qui minaient la société togolaise dans son ensemble, et remontait souvent à ses origines dans un passé très récent. Il était une conscience morale qui s’exprimait sur des  problèmes devant lesquels les officiels menaient la politique de l’autruche.

Les événements sanglants de Bodjé et Médjé, dans le Kloto et d’Adzakpa,  dans l’Agou, se produisirent comme une vision chaotique des alertes de M. Ketehouli.

Relégué aux oubliettes par le régime Eyadema, qui a toujours vu en lui un opposant et un traître, M. Bona Ketehouli prit sa revanche morale quand Faure Gnassingbé le nomma à juste titre membre de la Commission Vérité Justice Réconciliation.

Ce presque septuagénaire était  linguiste, enseignant, Directeur de l’Ecole Normale Supérieure (Formation des professeurs de collèges), Professeur à l’Institut National des Sciences de l’Education (Université de Lomé, formation des Professeurs de lycées, des Inspecteurs et Conseillers pédagogiques), Professeur de Communication à l’Ecole Africaine et Mauricienne d’Architecture et d’Urbanisme (EAMAU) à Lomé, Professeur vacataire à l’Institut Supérieur panafricain d’Economie Coopérative (ISPEC) à Cotonou au Bénin.

 


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A propos Komi Dovlovi 1122 Articles
Journaliste chroniqueur, Komi Dovlovi collabore au journal Le Temps depuis sa création en 1999. Il s'occupe de politique et d'actualité africaine. Son travail est axé sur la recherche et l'analyse, en conjonction avec les grands  développements au Togo et sur le continent.

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