Des chercheurs marocains en sociologie et en psychologie se sont intéressés au récent phénomène remarqué lors des matchs de la Coupe d’Afrique des Nations (CA 2025), organisée au Maroc, où de nombreux Marocains ont montré un fort soutien aux équipes étrangères. Certains chercheurs ont expliqué cette tendance par une « appartenance culturelle » des concernés, ou la traduction de liens économiques, politiques avec le Maroc, mais d’autres ont trouvé ce comportement « difficile à analyser ».
Pendant cette Coupe d’Afrique 2025, le public marocain a montré un fort engouement pour soutenir des équipes africaines, menant certains stades à afficher complet. Les encouragements et l’engouement de ces spectateurs marocains ont été perçus comme excessifs surtout que l’équipe du Maroc est en compétition, et le public lors des matchs des Lions de l’Atlas a été peu réactif, très en deçà des attentes. Les supporters marocains ont même hué l’équipe nationale lors du dernier match contre le Mali.
Face à cette situation dualiste, des chercheurs en psychologie et en sociologie ont été interrogés pour tenter d’expliquer ce phénomène d’encouragement très marqué pour les équipes adverses. Selon certains, ce soutien « reflète une représentation de l’appartenance culturelle des concernés, et c’est un phénomène naturel tant qu’il se limite aux équipes dont les pays manifestent un soutien politique et économique aux intérêts du Royaume, sans nuire à la société marocaine ».
D’autres ont estimé qu’« encourager une équipe dont l’État ne cesse de porter atteinte au Maroc et à sa société reste un comportement difficile à analyser sur le plan psychologique et social, et qu’il va à l’encontre de la solidarité nationale face à cette atteinte ».
La solidarité nationale ?
« Soutenir des équipes autres que celles que l’on représente n’est pas nouveau, on observe ce comportement dans tous les stades de football à travers le monde », a indiqué le sociologue Ali Chaâbani. Selon lui, lors des compétitions continentales et mondiales, « les supporters se divisent en plusieurs groupes : certains soutiennent leur équipe, d’autres peuvent la critiquer, surtout s’ils estiment qu’elle ne progresse pas comme ils l’espèrent ».
Et de noter à titre d’exemple que « c’est ainsi que nous avons observé qu’une partie du public marocain soutient certaines équipes au détriment d’autres sélections participant à la CAN 2025, comme cela a été le cas, par exemple, pour les équipes égyptienne, tunisienne, algérienne et soudanaise ».
Le sociologue interrogé par Hespress a ajouté que cela a pu être observé lors de la Coupe arabe où les désignations étaient divisées entre Arabes d’Afrique et Arabes d’Asie, ajoutant que ce serait un phénomène naturel. « On observe aujourd’hui une distinction entre les équipes d’Afrique du Nord et les équipes africaines subsahariennes », a-t-il déclaré, en soulignant que les supporters marocains tendent davantage à soutenir les clubs d’Afrique du Nord, et soutiennent rarement d’autres équipes, « notamment le Sénégal ou la Côte d’Ivoire, qui sont connues pour être proches du Maroc en termes notamment de positions politiques ».
« L’homme tend à se tourner vers ceux qui le soutiennent et qui sont politiquement et économiquement en accord avec lui, sans nuire à sa société », a-t-il ajouté, mais le sociologue reste perplexe quant à l’explication du soutien des Marocains à l’équipe algérienne.
« Certaines formes de soutien des Marocains échappent à l’analyse, notamment pour l’équipe algérienne dont le pays ne cesse de porter atteinte au Royaume », a-t-il observé, soulignant que « soutenir l’équipe algérienne signifie exprimer une position qui ne correspond pas à ce que pourrait réaliser la solidarité nationale face aux atteintes de cet État au pays ».
Toutefois, dit-il, « les motivations psychologiques, sociales et éthiques qui peuvent pousser un Marocain à soutenir l’équipe égyptienne, tunisienne ou soudanaise peuvent être normales et s’inscrire dans une logique de solidarité arabe continentale ».
Il estime que ces supporters « cherchent peut-être à montrer qu’ils ne sont hostiles à personne et qu’ils soutiennent le fair-play, indépendamment des différends politiques », mais il insiste sur le fait que « ce phénomène est difficile à analyser, car il mêle des aspects psychologiques, éthiques et politiques ».
De plus, ajoute le sociologue « une grande partie du public s’est retournée contre l’équipe marocaine, par des critiques virulentes et du bruit, ce qui peut décourager ses membres, surtout face au soutien apporté aux équipes concurrentes ».
Représentations sociales
De son côté, Mohamed Habib, chercheur en psychologie, a expliqué que le soutien des Marocains aux équipes arabes concurrentes lors de la CAN Maroc 2025, « ne peut être considéré comme un comportement spontané ou une simple émotion sportive, mais revêt une signification symbolique liée à leur sentiment d’identité et à leur lien avec la mémoire sociale », soulignant que « du point de vue des représentations sociales, cela reflète comment ils perçoivent l’autre dans l’espace arabe ».
« Ce soutien pose une question profonde sur l’appartenance des Marocains : sommes-nous Arabes, Africains ou un État indépendant ? », a-t-il fait observer, avant de préciser que « le public marocain face à ces comportements se divise en trois catégories principales ».
La première catégorie qui rejette le soutien aux équipes concurrentes, mettant l’accent sur le nationalisme sportif marocain, ces personnes ne soutiennent que l’équipe nationale. Certains vont plus loin, considérant que les Marocains sont d’origine amazighe et doivent uniquement soutenir leur équipe nationale. Cette orientation nationaliste a été reflétée par la réponse de l’entraîneur national Walid Regragui à une question sur l’identité représentée par l’équipe : « Nous représentons uniquement notre pays, le Maroc ».
La deuxième catégorie, soutient les équipes arabes concurrentes par sentiment d’appartenance à la communauté arabe et partage des éléments de culture et de langue arabes et la troisième catégorie, profite simplement des opportunités offertes par certaines rencontres retransmises gratuitement, sans intention préalable de soutenir une équipe plutôt qu’une autre pour des raisons ethniques, idéologiques ou autres.
Hespress
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