Une victoire pour Bandiagou Bertin, étudiant à la Faculté de Droit de l’Université de Lomé. La procédure disciplinaire enclenchée à son encontre par la Commission des affaires disciplinaires , à l’instigation de la présidence de l’Université, est abandonnée. C’est ce qui ressort du courrier adressé à l’intéressé par le président de la Commission des affaires disciplinaires, le Professeur Adjita Shamsidine.
« Je viens par la présente porter à votre connaissance que la procédure enclenchée à votre encontre est annulée sur demande du même Président », écrit dans une lettre en date de ce 22 avril 2024 Prof Adjita Shamsidine.
Cette annulation de la procédure annonce la fin, du moins officielle, du harcèlement dont est victime l’étudiant juriste depuis quelques jours. Tout commence par une interview accordée à des médias sur le campus de l’Université de Lomé. C’était en marge d’une rencontre d’échange sur le changement constitutionnel en cours dans le pays. Dans la vidéo qui fait le buzz sur les réseaux sociaux, l’étudiant déplore la menace qui pèse sur la liberté d’expression au Togo.
Evoquant la modification de la constitution, Bandiagou Bertin rappelle que le mandat des députés est arrivé à son terme depuis plusieurs mois. Le protocole additionnel de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance interdit toute modification substantielle de la constitution en période électorale, ajoute-t-il.
Avoir souligné qu’en 1992, la constitution a été adoptée à 97 % et que c’est une minorité qui veut imposer par la force un changement constitutionnel serait à l’origine de la tentative de réprésailles .
«En 1992, il y a eu 97 % de oui pour le référendum sur cette constitution. Ce sont les 3 % qui avaient voté contre et leurs progénitures qui s’évertuent à faire un coup d’État constitutionnel », décrypte l’étudiant Bandiagou Bertin.
Il affirme haut et fort que « le peuple ne l’accepte pas. Les étudiants de l’Université de Lomé ne l’acceptent pas. Révoltez-vous. Faites tous ce que vous pouvez pour que cette 5ème république ne soit jamais appliquée ». «Vive le peuple togolais! Vive la République togolaise ! Vive la 4ème république », scande-t-il, les poings levés.
Le président Adama Kpodar s’évite un camouflet
La suite, c’est une convocation à se présenter devant la commission de discipline de l’université de Lomé. Avec la précision que vu la gravité des faits allégués à son encontre, « la Commission tient à [sa] présence personnelle à ladite audience afin de [lui] permettre de faire valoir vos droits de défense ».
Finalement, la procédure est annulée. On retient néanmoins que, dans le débat sur le changement de régime constitutionnel, l’étudiant est plus « éclairé » que les professeurs Kokoroko, Kpodar, Hounakey et cie, les soutiens intellectuels du putsch. Pourtant, ces thuréféraires du régime le dénonçaient il y a quelques années. Au Togo, le ridicule ne tue pas.
Autre fait, dans les courriers adressés à l’étudiant Bandiagou Bertin, le Prof Adjita Shamsidine dégage sa responsabilité. Ce dernier précise dans la première lettre que la convocation est faite à la demande du Pr Adama Kpodar, frère siamois de son prédécesseur Dodzi Kokoroko. Ce dernier est le responsable de la fin de l’inviolabilité et la neutralité politique de l’Université. Dans la seconde lettre, le Prof Adjita Shamsidine mentionne que l’annulation de la procédure vient du même président de l’Université de Lomé.
Ces précisions valent leur pesant d’or puisque le président de la Commission des affaires disciplinaires fait partie des opposants à la modification constitutionnelle. Et puisque c’est en marge d’un débat initié par une association présumée d’universitaires que l’étudiant s’est prononcé, le sanctionner serait contraire à l’éthique de l’université.
Sans doute, Adama Kpodar s’est-il rendu compte que la commission épargnerait l’étudiant. Même en cas de sanction, Bandiagou Bertin paraitrait comme un héro pour avoir défendu la république là où des professeurs agrégés la foulent aux pieds. Pour des intérêts personnels.
Jean-Baptiste Edina
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