Toute la politique au Togo est bâtie sur le mensonge et le mal, pourrait-on dire en paraphrasant Hannah Arendt.
Dans Kossi Efoui, on trouve que le Togo est un pays fictif. Le pays réel n’est jamais présent dans les livres d’histoire ni dans la presse quotidienne, ni dans aucun manuel. Le pays réel n’est jamais dit. Il porte surtout le caractère fictif des indépendances et le masque de fiction dont le néocolonialisme a besoin pour tenir ensemble colonialisme et indépendance dans un monde post-nazisme qui ne pouvait plus s’accommoder du colonialisme.
Faux pays, fausse indépendance, faux Etat, fausse armée, fausse démocratie, fausses élections, faux observateurs, faux rapports, fausse communauté internationale, fausse compassion… La seule chose un peu sincère dans cette histoire de faussaire, c’est la soif d’alternance d’un peuple n’en pouvant plus d’agoniser.
Etonnant accord de la littérature et de la politique quant à la perception du réel au Togo ; le mensonge est évidemment utilisé uniquement dans le but de la conservation du pouvoir et débouche sur la violence pour être imposé.
La querelle des chiffres post-électorale n’est qu’un aspect de ces choses.
Quelle est la véracité des chiffres donnés par la CENI et quelle est celle donnée par les partis politiques participant au scrutin ? Les résultats donnés par la CENI sont-ils issus d’un bourrage des urnes ou ont-ils été inventés ? A l’absence de centaines voire de milliers de procès-verbaux, sur quoi s’est fondée la CENI pour donner ces chiffres astronomiques ?
Un président d’un Centre de vote d’Adidogomé n’a rendu sa copie que lundi 24 février, soit 24 heures après la proclamation des résultats. Et pourtant, la CENI a donné tous les résultats du Golfe 5. Comment comprendre cela ?
De même en 2015, selon une anecdote, un magistrat d’une CELI de la Savane était en chemin pour rendre son rapport quand, arrivé au niveau d’Atakpamé, il apprit la proclamation des résultats par la radio. Il a alors préféré prendre une bière dans la capitale de la région des Plateaux et rebrousser chemin.
Sur-inscription sur les listes électorales, inflation des procurations et des dérogations, au point que finalement la taille des populations électorales entraînent des anomalies démographiques. La Savane pourrait voir sa population tripler, de même que Sotouboua. De la région des Plateaux à la Savane, tout le nord du Togo est une zone grise, zone de non-droits, zone hors-la-loi.
Pays fictif, faux pays. Jetez un coup d’œil sur le site de l’INSEED (Institut national de la statistique et des études économiques et démographiques) dont les travaux nous servent à la fois pour les projections économiques et les politiques publiques. Même un étudiant en première année de statistiques verrait que les données sont fausses, incohérentes, pas crédibles, avec des nomenclatures imbéciles.
Vous verrez par exemple, la ministre des Transports, Zouréatou Lassa Traoré, débiter devant Cyril Ramaphosa que le Port autonome de Lomé contribue à 60% au budget de l’Etat et 80% aux recettes douanières !!! C’est avec de tels trucages que l’on arrive à un taux de chômage démentiel de 3,5%. Ils ne savent visiblement pas qu’aux alentours de 4% voire 5% on parle de « plein emploi ». Heureusement que le ridicule ne tue pas ; sinon le Togo serait le Royaume des morts !
En vérité, on bricole les chiffres de façon à ne pas ruiner la crédibilité de la liste électorale et des pseudos politiques économiques. Nos dirigeants n’ont aucun scrupule à manipuler les données statistiques fondamentales ; ce que s’interdisent les Etats sérieux. Donc en définitive, les statistiques togolaises peuvent être considérées fausses ; toutes autant qu’elles sont : démographiques, économiques, électorales…
Dans un tel contexte, il ne faut pas s’étonner du score stalinien de Faure Gnassingbe, de même que le théâtre de la fausse manifestation populaire, dite spontanée, le 24 février au palais de la présidence pour confirmer son élection.
Togo, pays fictif ; pays du faux, du mensonge d’Etat.
Dans un environnement de fausseté généralisée, les oppositions togolaises (société civile et partis politiques) devraient avoir le courage moral et politique de hausser le ton et rejeter tout ce mensonge institutionnel.
Si tout est fictif, foin donc des chiffres ! Le bon sens voudrait peut-être l’annulation de ces résultats. Mais qui dit annulation dit aussi reprise du scrutin. L’état des institutions n’étant nullement favorable à un scrutin démocratique, ces militaro-civils au pouvoir peuvent comme au Kenya modifier les règles du jeu… au cours jeu. Ce n’est pas à un président déloyal et moralement discrédité, qui refuse de s’appliquer la limitation du nombre de mandat pourtant voulue par lui-même, qu’il faut confier l’organisation d’une élection.
Les Togolais n’ont pas d’autre choix que de renverser la table : oublier les élections et donner un bon de sortie à Faure Gnassingbé. Pas de quatrième mandat pour Faure Gnassingbe ! Point barre.
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