Afrique: La Cour constitutionnelle appelle l’ancien président Alpha Oumar Konaré au chevet du Mali

L'ex président Alpha Oumar Konaré, appelé au chevet du Mali

Dans un courrier dont Le Temps a eu copie, la présidente de la Cour constitutionnelle du Mali sollicite vivement l’ancien président Alpha Oumar Konaré à intervenir pour une résolution de la crise politique et éviter au pays le naufrage.

«En vous confiant sa destinée à un moment donné de son histoire, le Peuple malien faisait de vous les Dignes Héritiers des Héros de l’Indépendance nationale, les Sentinelles pour la Sauvegarde de l’Unité nationale et des Acquis démocratiques», écrit en guise de rappel la présidente de la Cour Mme Manassa Danioko à M. Konaré. Et «la cessation de la fonction présidentielle ne met pas fin à votre devoir moral et patriotique de préserver les fondements de la République », intime Mme Manassa Danioko.

Selon la présidente, «les piliers de la République sont fortement fragilisés par la crise multidimensionnelle » que subit le pays depuis 2012. En effet, le Mali traverse une grave crise d’instabilité liée d’une part au séparatisme touareg au nord, et d’autre part à un réveil identitaire peul au centre sur fond d’intégrismes islamiques dans le Sahel et de guerres intercommunautaires très meurtrières. A ceci s’ajoute une forte présence militaire étrangère au chevet d’un pays dirigé par une gouvernance impopulaire, incompétente et gangrenée par la corruption. Avec le délitement politique et le désespoir social, les Maliens expriment surtout un sentiment de dépossession nationale par les puissances étrangères.

Alpha Oumar Konaré, premier président d’un Mali post-parti unique

Et au regard de ce tableau chaotique, il est une impérieuse nécessité que l’ancien président de la Commission de l’Union Africaine participe « aux initiatives en cours pour la préservation de la cohésion de l’Unité nationale », conclut la présidente de la haute juridiction.

L’immixtion de la suprême institution constitutionnelle du pays dans la politique et donc dans un domaine qui ne relève guère de sa compétence peut surprendre. Le Mali  a un président élu, le président Ibrahim Boubacar Keita, réélu en mars 2018, ainsi qu’un parlement.  L’action politique relève du domaine de ces deux corps.

Mais Mme Manassa Danioko justifie son acte par l’article 85 de la constitution malienne. Pour elle, la Cour constitutionnelle n’est pas « figée ». Si elle est juge de la constitutionnalité des lois, garante des droits fondamentaux et des libertés publiques et de la personne humaine, elle est  aussi «l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des Pouvoirs Publics». Certes, il s’agit d’une surinterprétation de la Constitution, mais elle témoigne du désespoir voire du désarroi moral qui frappe les Maliens devant l’inefficacité des solutions apportées à la crise.  La nation est à terre, l’Etat quasi inexistant, il n’y a pas que nécessité d’un « sursaut moral », il faut plutôt un homme providentiel.

Et Alpha Oumar Konaré, 73 ans, homme politique, historien et intellectuel, a fait montre d’une profondeur psychologique et du sens de l’Etat quand il était aux affaires de 1992 à 2000. Il fut non seulement le leader de la contestation qui a mis fin à la dictature du parti unique de Moussa Traoré, mais il a aussi donné au pays une orientation démocratique avérée en quittant le pouvoir à la fin de son deuxième mandat. Ceci lui donne une aura politique, un empire de probité et d’intégrité. Premier président de la Commission de l’Union Africaine, il a su de par son aura donner et redorer l’image de l’institution panafricaine. D’ailleurs, aucun président de la Commission de l’institution panafricaine n’a fait mieux.

Besoin d’un homme providentiel ?

Certes, son passage au chevet d’un pays sahélien aux ressources limitées et parmi les nations les plus pauvres au monde, laisse un bilan mitigé sur le plan économique. Il a su néanmoins mettre le pays en orbite indispensable pour lancer le développement national.

Cependant, Alpha Oumar Konaré est aussi quelque peu responsable de la crise en n’ayant pas su préparer sa succession. La perte du pouvoir par l’Adema au profit de son successeur Amadou Toumani Touré, un président idiot quoique héro de la Transition, n’est-elle pas l’une des raisons de la crise actuelle ? Avec la présidence ATT paraissent les premières fissures dans l’institution de l’Etat. Arrivé au pouvoir sans parti, l’ancien capitaine a dû composer avec les forces politiques et sociales en distribuant ou en cédant, rendant débiles le parlement et la société civile, et renforçant le pouvoir des imams.

La crise malienne est très profonde, et les solutions ne sont pas réellement évidentes pour croire qu’un homme providentiel pourraît être la solution. Mais ce besoin d’homme providentiel pour sauver les meubles ou nettoyer les écuries d’Augias est aussi l’expression de la médiocrité de la classe politique actuelle. A commencer par le successeur d’ATT, Ibrahim Boubacar Keita, l’actuel président. D’ailleurs, la Cour Constitutionnelle n’est-elle pas peut être aussi responsable en validant par deux fois l’élection controversée d’IBK ?


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A propos Tony Feda 141 Articles
Journaliste indépendant. Ancien Fellow de l'Akademie Schloss Solitude (Stuttgart, Allemagne), Tony FEDA s’intéresse à la sociologie, la culture- ses domaines de prédilection sont la littérature et les arts de la scène du Togo. A travaillé pour plusieurs journaux dont Le Temps, Notre Librairie. www.culturessud.com. Depuis août 2018, s'inspirant de Robert Park et de Bourdieu, il entame sur son blog www.afrocites.wordpress.com des projets sur des thèmes concernant la ville.

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