Affaires CAMES: La part de vérité des professeurs Dodzi KOKOROKO et Adama KPODAR

Messieurs Dodzi Kokoroko et Adama Kpodar, respectivement, professeurs agrégés, titulaires de Chaire, président de l’Université de Lomé et vice-président de l’Université de Kara, sont accusés, par Victor TOPANOU et autres de « manquements à l’éthique et à la déontologie » dans les processus d’évaluation des enseignants candidats aux grades universitaires.  Convoqués le 16 avril 2016, au siège du Conseil africain et malgache pour l’enseignement supérieur (CAMES) sis à Ouagadougou, plus précisément devant la Commission d’éthique et de déontologie, les mis en cause,  qui s’y sont bien rendus, ont dénoncé une violation des textes et des éléments basiques du droit processuel.

Le Temps, qui a publié une série d’articles sur cette affaire, dans l’unique but d’informer ses lecteurs, n’avait pas eu accès à la version des faits, du côté des personnes mises en cause. Le journal n’avait jamais eu l’intention de dissimuler la vérité ; et c’est ce qui nous motive à revenir sur ce dossier, avec la part de vérité des professeurs de droit auxquels nos articles précédents ont paru partiaux et orientés.

Les dits, les non-dits et les clair-obscurs de l’affaire 

Un flot d’informations avec son cortège de vérités et de mensonges. Les Professeurs kokoroko, Loada, kpodar, Salami, Gnamou, Meledje sont-ils suspendus du CAMES comme l’atteste Monsieur Pagnou-Sasso ? La réponse est non. S’il advenait que cette volonté de suspendre soit du ressort exclusif du Secrétaire Général du CAMES, le Professeur Mbatchi, qui a pu, sans texte motivé, y procéder, cela relève de la voie de fait tel que rappelé par la décision Action Française !                                               

Sur les manquements à l’éthique et à la déontologie reprochés aux mis en cause, leurs avocats se déclarent horrifiés par la non communication des pièces de l’accusation conformément aux dispositions du code en vigueur. Logiquement, toute personne qui est accusée d’un manquement, doit connaître ce dont on l’accuse et, surtout, de quoi précisément on l’accuse  (c’est un standard du procès équitable). In concreto, il leur est reproché entre autres, par des collègues de rang inférieur de les avoir empêchés de réussir aux différents grades du CAMES et de favoritisme.

En premier lieu, l’accusation de blocage semble grossier quand on sait que les universités de Lomé et de Kara ont, depuis 2013 et de 2016 adopté des textes qui encadrent la sélection et la participation au concours d’agrégation en sciences juridiques et politiques et en Science économiques et de gestion. L’accusation parait dès lors mesquine et subjective quoique les acteurs en cause sont des mortels avec leur prudence et imprudence. Apprendre sans livre et sans maitre est vain, disait Confucius et l’Université, lieu de socialisation par excellence ne saurait méconnaître la hiérarchie pour ceux qui aspirent à gravir les échelons universitaires.

En second lieu, le lieu par excellence de vérification des dossiers de thèse demeure la DAAS. Le SG CAMES peut-il instruire un dossier de favoritisme de telle nature sans consulter les archives de la DAAS.  Auprès de la DAAS, selon de sources bien informées, aucune demande de consultation des dossiers n’a jamais été introduite par le CAMES (formidable procédure de révélation de la vérité) et Mme Gnamou Dandi n’est pas la seule collègue ayant bénéficié des attestations de co-direction de thèse de l’UL. On sent alors la jalousie de l’amoureux éconduit, M. Topanou, contre son ex-compagne, Mme Gnamou Dandi, qui est devenue brillamment Professeure Titulaire.  Un ancien directeur de service de l’UL, va loin, en partant de l’instrumentalisation de l’ancien directeur de la DAAS, Pr Koffi Jondo, frustré par la perte de son poste de directeur et témoin du SG CAMES dans l’affaire de favoritisme, que ce dernier au pire ne récoltera que le recel de documents administratifs puni par la loi en vigueur.  Il n’est pas sans rappeler, conclut-il, que le Président de l’Université a le pouvoir exclusif d’autoriser ou de ne pas autoriser une soutenance de thèse et qu’il est surpris de l’acharnement dont est l’objet le Président de l’Université, Pr Dodzi KOKOROKO.

Enfin, les mis en cause reprochent au SG Cames, président de la CED, le manque d’impartialité par ses liens assumés avec les plaignants. Il en va ainsi de la fuite des éléments de l’instruction organisée au profit des plaignants et du rôle de témoin assumé par le SG CAMES dans des affaires au pénal contre l’un des plaignants en la personne de M. Topanou. De même, le SG CAMES fait l’objet de plaintes déposées devant la CED par les Professeurs Loada et Kokoroko pour trafic d’influence dans le cadre des procédures d’inscription sur les listes d’aptitude CAMES et divulgation de document individuel et personnel.

Plus grave au plan de l’instruction des plaintes, il y a eu la session du 21 au 26 janvier 2019 de la commission d’éthique et déontologie où des plaignants et leurs témoins ont été entendus et ont fait des déclarations sur la base desquelles, on souhaite nous (partie accusée, ndlr) entendre. On demande de savoir ce qu’ils ont déclaré au cours de cette session.   Rien, on ne veut pas nous donner les éléments de cette déclaration. Mieux, nous avons fait une sommation interpellative au secrétaire général du CAMES, par voie d’huissier deux fois, les 5 et 12 avril 2019 pour qu’on nous donne les pièces et les dépositions qui ont été faites lors de la session précédente contenant des allégations qui, peut-être, sont à charge contre nous. On ne nous les a pas communiquées et c’est une infraction violente contre les basiques de l’instruction. On nous change notre droit des libertés fondamentales, dixit Me Éric Sossah, conseil juridique des plaignants !

Le comble est atteint quand le SG CAMES pond un règlement intérieur (RI) qui déroge substantiellement aux dispositions du code de l’éthique et de la déontologie. Or, il existe un élémentaire en droit administratif qui veut que le RI soit un acte interprétatif et non impératif. Devant cette forfaiture, il est cohérent, au risque de douter de leur compétence en droit, que les 5 professeurs refusent de se voir appliquer un tel texte in situ. La cohérence procédurale, dira-t-on, l’a emporté devant l’amateurisme processuel. Au surplus, un tel acte administratif n’a aucune valeur (ou en tout cas, ne peut être en vigueur) tant qu’il n’a pas été publié. Or, le règlement intérieur qui a été signifié aux Professeurs, par le SG, à quelques heures de leur comparution était confidentiel jusqu’à ce moment-là. On nous dit qu’il a été élaboré le 21 janvier 2019, il ne porte que la seule signature du SG lui-même.  On ne sait qui et comment ce document a été élaboré », dénoncent Me Eric Emmanuel Sossah et ses confrères.

La contrariété du règlement intérieur adopté en catimini aux dispositions du code de l’éthique et de la déontologie

Le SG CAMES serait-il un administrateur partial, utilisant la CED à des fins de règlement de compte avec un règlement intérieur taillé sur mesure et adopté en catimini ? Il n’y a qu’un pas à franchir en remontant les faits et les explications des conseils juridiques….En ce sens, Me Séraphin Somé, précise que le code de l’éthique et de déontologie est ferme sur la procédure pour faire comparaitre les enseignants-chercheurs devant la CED. En l’espèce, le SG CAMES, président de la CED mutile les règles primaires de l’instruction des plaintes avec un RI voulu pour les besoins du règlement des comptes et remis aux mis en cause, la veille de l’audience. En illustration, les personnes mises en cause n’ont jamais été entendues par celui-là qui devait être considéré comme un rapporteur. De même, l’article 30 du code dispose précisément que la personne mise en cause a le droit d’avoir le dossier, de le consulter. Et pourtant, le refus de transmission du dossier est cinglant ! Le code conclut que la personne mise en cause a le droit d’être assistée d’un conseil de son choix. Et pourtant, le RI en disposera autrement en restreignant leurs droits, en refusant au conseil de poser des questions aux plaignants et à leurs témoins. Ceux-ci ont été convoqués par le SG du CAMES qui leur a payés des billets d’avion, leur logement dans des hôtels, avec des per-diem, alors même que les accusés n’avaient pas le droit de faire venir et de faire entendre leurs témoins. De plus, les membres de la CED ont été élargis à d’autres enseignants qualifiés d’experts par le RI. Il s’agit là aussi d’une violation du Code d’éthique, qui n’a pas prévu cette possibilité, même si le RI prend la maligne précaution de prévoir que ces derniers n’ont pas voix délibérative. Sauf à renier leurs expertises dans le contentieux, les Professeurs mis en cause savent encore comment s’opère la procédure de l’amicus curae. Ils contestent la légalité de la CED ainsi composée.

Devant cette parodie de commission disciplinaire, loin de demander une faveur puisque tous étaient là, ils ont décidé, selon leur conseil juridique, de ne pas se voir appliquer des textes iniques, par une CED mal composée. Il en va encore de confiance au droit que nous enseignons au risque qu’on doute de nos connaissances juridiques telles que proposées par les couturiers du droit. Ceux qui ont pris allègrement part à cette comédie de conseil disciplinaire, surtout juristes, ont bien révélé leur légèreté intellectuelle devant des règles procédurales uniques sur Terre.

Le Journal le Temps promet à ses lecteurs de continuer à suivre le feuilleton de cette affaire, pour le moins complexe, impliquant des sommités des universités francophones d’Afrique. Nous nous réjouissons à cet effet de l’ouverture d’esprit manifestée par les deux grands juristes, en fournissant à notre organe des éléments de faits qui aideront assurément nos lecteurs à se faire une idée plus claire de ce qu’il en retourne dans cette histoire de concours d’agrégation.

La Rédaction


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