Cela fait longtemps que l’homme fort du Togo remue ciel et terre pour être reçu à l’Elysée. Pour les proches collaborateurs de Faure Gnassingbé, c’est devenu la mission à accomplir absolument, au moment où le régime tente à sa manière à réaliser les réformes exigées par ses adversaires. A la clé: un quatrième mandat pour le fils et successeur du dictateur Gnassingbé Eyadema, avec l’onction de Paris.
D’après des informations parvenues au Temps, des émissaires togolais et autres lobbyistes étrangers se succéderaient à l’Elysée, afin de négocier une visite officielle du président togolais à Paris. Ce dernier mettant en avant les “relations légendaires” avec la France, pleurniche carrément pour que la visite en France puisse intervenir dans les plus brefs délais. Face à la réticence de la partie française, les missi dominici de Gnassingbé ne lésineraient pas sur les arguments. Ils prétendent que le régime en place à Lomé est celui qui peut au mieux garantir les intérêts de la France au Togo et dans la sous-région.
La persistance du président togolais à aller à Paris a un seul but: recevoir l’onction d’Emmanuel Macron pour s’arroger un quatrième mandat à la tête du Togo. Les couleurs pour cette prétention doivent être données, dans la foulée des modifications constitutionnelles, à l’agenda de l’assemblée nationale que le régime s’est octroyée le 20 décembre 2018. Il faut donc faire vite, et avoir la complicité du pouvoir tutélaire; pour éviter toute surprise. La chose devient d’autant plus urgent que ce ne sont pas des ambitions qui manquent au Togo pour succéder à celui dont la famille aura passé 52 années à la tête du pays.
Macron et le régime renégat du Togo
Le 7 Juin 2018, au profit d’un sommet du G8 au Canada, le militant de l’opposition et activiste de la diaspora, (par ailleurs universitaire Joel Amovin) avait réussi le coup d’éclat d’interpeller le président Macron à propos du Togo. Alors que la sécurité présidentielle ne voulait pas permettre à l’intéressé d’approcher le dirigeant français, M. Amovin avait crié des questions à M. Macron qui s’est vu obligé d’y répondre, en le laissant s’approcher de lui. On apprendra que le leader français n’a jamais voulu accorder d’audience en tête-à-tête à son homologue togolais, qu’il était attentif à la crise dans ce pays… Macron avait déclaré qu’il souhaiterait voir la médiation africaine aboutir et que les réformes souhaitées soient mises en oeuvre.
Il avait également mentionné la “limitation du mandat” présidentiel et l’organisation d’élections démocratiques, afin “que le peuple togolaise puisse s’exprimer librement”. Il a mentionné l’urgence que le Togo puisse connaitre l’alternance, comme d’autres pays. Mais Emmanuel Macron a aussi insisté sur le fait qu’il ne voulait pas s’immiscer dans les affaires du Togo. Il voulait laisser ce rôle à la diplomatie africaine.
Entre temps, la CEDEAO et sa médiation étaient passées par là. Sa feuille de route n’a pas été suivie dans sa première phase et le pays approche la seconde, avec la réalisation des réformes essentielles sur lesquelles le régime s’était engagé. Le dialogue est au point mort et les partisans du régime n’ont qu’un seul rêve: maintenir leur champion à la tête du Togo.
Les relations France-Togo à la croisée des chemins
Le dossier togolais apparaît comme celui qui devrait définitivement consacrer le renouveau de la politique africaine de la France, telle que le président Macron l’a annoncé consécutivement à Ouagadougou puis à Dakar, lors de ses deux visites sur le continent. En refusant de recevoir en visite officielle un dirigeant dont l’origine du pouvoir et les pratiques politiques sont des plus décriées en Afrique francophone, Macron est resté dans une cohérence plutôt rare chez les dirigeants français concernant un pays d’Afrique.
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Ce qui se joue au-delà des intentions du président français en termes de nouvelle approche de coopération entre l’ancienne puissance coloniale et des pays africains, c’est le rôle de la France dans le devenir politique du Togo. En effet, Faure Gnassingbé est sur le point de boucler son troisième mandat. La revendication phare des populations togolaises et de l’opposition est l’alternance à la tête du pays. Or, Faure en tant qu’héritier d’un pouvoir autocratique se voit dans le devoir de perpétuer le régime à tout prix. Si Macron lui étale le tapis rouge tout en connaissant une telle ambition, c’est comme si la France cautionnait la dictature au Togo.
Lomé serait prêt à montrer pattes blanches pour prouver ses bonnes dispositions vis-à-vis de la France. Parmi les garanties qui seraient offertes, on évoque l’ouverture du secteur de télécommunication à une grosse multinationale française: Orange pour ne pas la citer. Il est aussi question de la banque UTB dont la privatisation pourrait tomber dans l’escarcelle française. On n’exclut pas que le pouvoir de Lomé se montre particulièrement généreux lors des prochaines élections en France, vis-à-vis du parti d’Emmanuel Macron.
Certains observateurs pensent que l’avenir du Togo se jouerait dans l’attitude que Paris va afficher dans cette affaire d’audience, dans les prochains jours. La mise à contribution par le pouvoir togolais des différents réseaux d’affaires, des réseaux militaires et d’autres mafieux montre à quel point le régime est conscient du poids de la France. Et au regard des changements en cours sur le continent, tout mauvais calcul de Paris pourrait être chèrement payé.
Les Togolais observent, affaiblis par les pratiques de la dictature mais plus que jamais déterminés à prendre leur destin en main.
K. AGBOGLATI
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