Politique togolaise: Quand le gouvernement veut décapiter le PNP

Tsatikpi Ouro-Djikpa est le bras droit du président du PNP

L’arrestation et la mise en détention de certains cadres du PNP est un coup dur pour ce parti de l’opposition togolaise, après l’échec de la marche du 13 avril. Après avoir contraint Tipki Atchadam à l’exil (intérieur ou extérieur), les exactions contre ses collaborateurs visent à réduire au silence le parti qui passe pour le plus exigent du moment.

Considéré comme la bête noire du régime de Faure Gnassignbé depuis les événements du 19 Août 2017, Tikpi Atchadam serait-il finalement tombé dans le piège du régime? On est tenté de le croire, après le couperet qui est tombé sur ce parti, dès le lendemain des manifestations du 13 Avril. Certes, la démonstration de force annoncée en grande pompe n’a pas eu lieu, mais avec les dernières arrestations et les charges qui pèsent sur les intéressés, le PNP aurait du mal à se remettre, si les choses n’évoluent pas vite autrement.

D’après les informations glanées par Le Temps auprès du milieu judiciaire à Lomé, la principale charge des autorités contre les trois cadres du PNP est “trouble à l’ordre public” et “rébellion”. Elles reprochent au parti d’avoir enfreint l’interdiction de manifestation du ministère de l’administration territoriale, en maintenant la manifestation du 13 Avril, dans des localités où elles étaient interdites. Le plan est de faire juger les personnes concernées et de les condamner à des peines privatives de liberté.

Une source nous indique par ailleurs, qu’un “lourd” dossier serait constitué sur le PNP et son leader. Les griefs seraient variables et à part les troubles allégués, on parle aussi d’une hypothétique “atteinte à la sûreté de l’Etat”. Cela fait longtemps que des responsables du pouvoir accusaient le PNP de tous les maux, mais ils n’étaient guère allées aussi loin. Pour l’instant même les avocats des concernés n’ont pas accès aux dossiers, mais l’Etat use de ses prérogatives pour museler plus que jamais ce parti d’opposition.

Ouro-Djikpa, l’homme lige d’Atchadam

Tsatikpi Ouro-Djikpa a été longuement entendu par les agents du Service de Renseignements et d’Investigation les 15 et 16 Avril. Alors que certains croyaient qu’il a été arrêté en déféré à la prison civile de Lomé, en même temps que ses camarades, Le Temps a eu confirmation que le conseiller spécial de Me Atchadam a pu échapper au triste sort. Sébabé-Gueffé et Keziré Azizou ont eux été réellement été pris et seront prochainement jugés.

Il était rentré au Togo au début de l’année 2017, venant d’Allemagne où il a résidé pendant plus de 10 ans. Homme de confiance et très proche du leader du PNP, Tsatikpi Ouro-Djikpa est le métronome du parti. Il n’est membre du bureau du parti. Son titre officiel: Conseiller du président. Mais en réalité, il est presque le numéro 2 du parti. C’est lui qui représentait Atchadam dans toutes les réunions de la Coalition des 14 partis de l’opposition. On se rappelle aussi qu’il était à la table des négociations lors de la médiation de la CEDEAO dans la crise politique en 2018. Discret de nature mais très réfléchi dans ses prises de parole, Ouro-Djikpa est un homme convaincu qui se donnait à fond pour le changement au Togo.

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Fin du rêve du soulèvement populaire?

Le PNP incarnait jusqu’ici la position du parti radical qui ne voulait rien concéder au pouvoir en place. Dans les messages de son leader Atchadam comme dans la communication au cours des rencontres hebdomadaires, le parti affirmait clairement qu’il n’était pas question de participer à un quelconque processus électoral si les réformes n’étaient pas réalisées, à la satisfaction du “peuple”.

La force du PNP, c’est avant tout les réseaux communautaires tem (Kotokoli), présents dans toutes les localités du pays. Même si le parti refuse qu’on lui colle cette étiquette, il va sans dire que l’ancrage dans la région centrale (Thaoudjo, Assoli notamment) est le véritable atout qui a permis à cette formation de s’organiser et fonctionner dans le pays et en dehors. Certains observateurs n’hésitent pas à ramener le bras de fer du PNP avec UNIR, à la vieille adversité entre les Kabyè et les Kotokoli, deux ethnies proches mais rivales.

Cela fait des mois que le PNP parle de mobilisation populaire et de “maillage du territoire. Si tout cela repose sur une organisation conséquente, il pourrait se remettre de la mise sous éteignoir de ses leaders. Tout dépendra de ce que les autorités au niveau national et dans les préfectures vont décider de faire. Car on a vu, dans le Kloto et dans l’Avé, les prises de position “irresponsables” de certaines autorités administratives et traditionnelles contre les initiatives de ce parti.

Malgré ce que certains observateurs jugent comme des “erreurs tactiques”, le PNP conserve de réels potentiels pour peser sur la marche du Togo vers le changement. Sa capacité à gérer la crise actuelle et à se repositionner pour le futur serait le gage de sa survie.

Tickpi Atchadam introuvable depuis plus d’un an, et ses proches collaborateurs désormais en prison, la chose arrive au moment où le parti faisait cavalier seul, après sa séparation d’avec ses alliés de la C14. Les réactions des autres partis d’opposition sont restées au niveau des déclarations. Mais le musellement du PNP n’est manifestement que le début du grand braquage par lequel Faure Gnassingbé tente de se maintenir au pouvoir.

Joséphine Bawa


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A propos Joséphine Bawa 55 Articles
Responsable Desk politique et Afrique Joséphine Bawa capitalise 17 ans d'expérience en matière de communication et journalisme. Diplômée de Wit University (Johannesbrg, South Africa) elle a collaboré avec diverses agences de presse internationales dont AP, Reuters. Josephine dirige le desk politique de la Rédaction du journal Le Temps. Joséphine est également consultante auprès de plusieurs cabinets en Afrique et en Amérique du Nord.

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