Presse : RSF rappelle le rôle important de la presse contre la corruption

Les journalistes sont en première ligne de la lutte contre la corruption, d’après un rapport  publié par Reporters Sans Frontière à l’occasion de la Journée internationale de lutte contre la corruption ce 9 novembre. L’ONG internationale pour la liberté de la presse rappelle « rappelle le rôle majeur joué par les journalistes qui dénoncent des scandales parfois au plus haut sommet de l’Etat, et qui s’exposent pour cela à de graves dangers. »

L’organisation appelle à une protection renforcée des médias et des journalistes qui, en luttant contre la corruption, défendent les fondements des institutions démocratiques et l’État de droit.

La corruption reste endémique et préoccupante dans de nombreux pays du monde, y compris dans les pays développés. Et la corruption reste un sujet tabou  auquel un journaliste doit s’attaquer. Les journalistes payent souvent au prix fort le fruit de leur lutte « pour empêcher que la corruption ne sape la démocratie et n’entraîne davantage de violations des droits de l’homme», selon le communiqué de RSF.

Le dernier Classement de l’ONG Transparency International sur le niveau de corruption des pays dans le monde et le Classement Mondial de la Liberté de la Presse 2016 montrent une certaine corrélation entre les pays ne disposant pas ou peu de liberté de l’information et ceux où la corruption est la plus présente, ajoute Virginie Dangles. Ce n’est pas un hasard si des pays comme le Danemark, la Finlande ou la Suède figurent en tête des deux classements ou qu’en revanche, des pays comme l’Erythrée, la Corée du Nord et Soudan sont les plus mal notés par les deux organisations. Il est urgent que ces pays fassent de la lutte contre la corruption et de la protection des journalistes une priorité.”

“Les guerres, les crises politiques et économiques et les dérives autoritaires sont les principaux facteurs favorisant la corruption, constate Virginie Dangles, rédactrice en chef de Reporters sans frontières. De la Turquie à l’Érythrée en passant par la Somalie, le Mexique, la Russie, la Malaisie ou encore l’Iran, on constate que ce fléau choisit régulièrement ses victimes dans les rangs des journalistes et des journalistes citoyens. ”

Un journaliste tué au Mexique

Faire des enquêtes contre la corruption est une activité à risque pour les journalistes. Et nombreux sont ceux qui risquent leur vie ou la prison pour leur courage de mener des investigations contre un phénomène qui gangrène les sociétés modernes.

Le journaliste mexicain Marcos Hernández Bautista (38 ans), du journal Noticias Voz e Imágen a été tué par balle près de San Andres Huaxpaltepec (’État de Oaxaca), le 21 janvier 2016, peu de temps après avoir publié des articles touchant aux « intérêts de chefs de la région ».

Des ennuis judiciaires pour des journaux et des journalistes

En 2016, des centaines de représentants de médias turcs continuent d’être poursuivis en justice pour avoir évoqué ou dénoncé les allégations de corruption des proches de l’ex Premier ministre et actuel président Erdogan. En Russie, le journaliste d’investigation Alexandre Sokolov, spécialisé dans les affaires de corruption à grande échelle, est aujourd’hui l’une des figures emblématiques de la répression qui s’abat sur tous ceux qui osent exposer de tels abus.

Les condamnations pour « diffamation » ou « atteinte à l’honneur » pleuvent sur les journalistes qui exposent les conflits d’intérêts et la collusion entre des appareils de l’Etat et les acteurs privés. Le 11 mars 2016, David Natera Febres, directeur du journal vénézuélien Correo del Caroni, a été reconnu coupable de « diffamation et injure » et condamné à quatre ans de prison par le tribunal pénal de l’Etat du Bolivar.

 En Angola, le journaliste Rafael Marques de Morais a été condamné le 28 mai 2015 à six mois de prison avec sursis pour « dénonciation calomnieuse », après avoir exposé de graves violations des droits de l’homme ainsi que des actes de corruption liés à l’exploitation diamantifère dans la région des Lundas (nord-est du pays).

Au Panama, dans les jours précédant le sommet international de la lutte contre la corruption, du 1er au 4 décembre, le journaliste néerlandais Okke Ornstein, a été arrêté par les douanes à l’aéroport international de Tocumen (Panama City), et immédiatement placé en détention.

Poursuivi par le pouvoir malaisien, Zunar fait face à neuf chefs d’accusation, relevant tous du Sedition Act, et risque jusqu’à 43 ans de prison pour avoir publié sur Twitter neuf dessins de presse dénonçant la corruption du gouvernement de Najib Abdul Razak et le procès très médiatisé de l’opposant politique Anwar Ibrahim.

Comme Zunar, le blogueur singapourien Roy Ngerng s’est attiré les foudres de son Premier ministre, Lee Hsien Loong, après avoir publié, en mai 2014, un article s’interrogeant sur la gestion par le gouvernement du fonds de retraite de Singapour (Central Provident Fund, CPF). Dans de nombreux pays situés dans le dernier tiers du Classement mondial de la liberté de la presse, l’absence d’indépendance de la justice et la collusion entre le pouvoir, les hommes d’affaires et les magistrats sont un obstacle additionnel au journalisme d’investigation.

Lanceurs d’alerte également menacés

Les lanceurs d’alerte, qui informent sur les pratiques opaques et parfois illégales des grandes entreprises privées sont tout autant, voire dans certains cas davantage, exposés au danger des représailles judiciaires. En témoigne la condamnation de l’ancien employé du cabinet PricewaterhouseCoopers (PwC), Antoine Deltour, et de son ancien collègue Raphaël Halet par la justice luxembourgeoise le 29 juin dernier. Les deux hommes ont écopé de douze et neuf mois de prison avec sursis pour avoir contribué à mettre en lumière les pratiques fiscales de grandes multinationales établies au Luxembourg, et ce malgré l’acquittement du journaliste Edouard Perrin, également mis en cause dans cette affaire. Tous trois ont fait appel de la décision de la justice en première instance.

 

 


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A propos Komi Dovlovi 1148 Articles
Journaliste chroniqueur, Komi Dovlovi collabore au journal Le Temps depuis sa création en 1999. Il s'occupe de politique et d'actualité africaine. Son travail est axé sur la recherche et l'analyse, en conjonction avec les grands  développements au Togo et sur le continent.

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