Dans une déclaration remise à la presse, des responsables fédéraux du CAR s’apprêtent à destituer le président national, Me Dodji Apevon, violemment constesté depuis quelques mois. Les responsables fédéraux décident de “réunir le samedi 22 octobre 2016 les représentants des 36 fédérations pour qu’ils prennent les dispositions qu’il faut pour suppléer au vide constaté”.
Dans leur déclaration, les six membres signataires se fondent sur le “vide statutaire” dans lequel “sont tombés les organes nationaux issus du Congrès du mardi 18 octobre 2008” et décident donc de se réunir en congrès pour renouveler les instances dirigeantes du parti.
Dans un courrier précédent au Président National du CAR, les signataires lui avaient rappelé “que son second mandat ainsi que ceux des autres organes nationaux du Parti arrivent à expiration le 17 octobre 2016 à minuit et qu’il lui revient de convoquer dans le délai statutaire, le Congrès du Parti en vue de leur renouvellement“.
Retour d’un ancien président âgé de 73 ans
La sortie sur la possible et prochaine destitution de Me Dodji Apevon n’est pas une surprise. Le CAR traverse une crise depuis plusieurs mois depuis que son ancien Président, Me Yawovi Agboyibo, a fait part ouvertement de sa volonté de reprendre les rênes du parti. Un retour qui a suscité le tollé dans l’opinion et menace le parti d’implosion voire d’explosion. Le fonctionnement du bureau national est paralysé depuis des mois, et les principaux cadres du parti sont divisés sur la perspective du retour du bélier noir de la tribu des Madji, surnom totémique de l’ancien Premier Ministre Me Yawovi Agboyibo. Le parti est désormais partagé entre les pro-Agboyibo et les partisans de Me Dodji Apévon, à qui des rumeurs prêtent l’intention de vouloir créer également son propre parti si les affidés de l’ancien président arrivent à leur fin.
Reste à savoir si les signataires ont le droit de convoquer une Assemblée générale de renouvellement des instances dirigeantes en évoquant la notion du “vide statutaire”. Cette notion évoquée par analogie au “vide constitutionnel” est aussi considéré par les praticiens comme un nul en droit. La jurisprudence ayant montré que dans le cas d’espèce, les instances dirigeantes restent en place jusqu’à leur renouvellement.
L’ancien premier ministre qui veut reprendre la direction du parti est âgé de 73 ans et a perdu de son aplomb physique.. Il ne risque pas de surprendre en continuant de gérer le parti par procuration.
Me Apevon, un président inexistant
Parti créé en 1991 dans la mouvance des soubresauts démocratiques qui ont suivi le 05 octobre 1990, le CAR reste l’un des plus grands partis de l’opposition togolaise. Premier parti du Togo lors des législatives de 1994, sa victoire dans les urnes ne s’est pas matérialisée par la prise du premier ministère. Par des tours de passe passe juridique et des retournements spectaculaires de l’histoire, le partenaire de la coalition CAR-UTD, Edem Kodjo, a chipé la primature à Me Yaovi Agboyibo en s’alliant au RPT, l’ex-parti unique, sevrant ainsi l’opposition d’un changement potentiel de régime en prenant l’essentiel du pouvoir au général Eyadema Gnassingbé.
Le CAR ne s’est jamais remis des tribulations de 1994 et est tombé depuis de déroute électorale en déroute électorale. Malgré le passage de Me Agboyibo à la primature en 2006, le parti n’a pu avoir que quatre sièges aux législatives d’octobre 2007. Il n’a pu faire mieux lors des législatives de 2013. Le parti n’a même pas eu de candidat à la présidentielle d’avril 2015. Cantonné dans le Yoto et le Vo, préfectures d’origines de la plupart des cadres dirigeants, et une poche de Lomé, le CAR a perdu toute assise nationale et apparaît désormais comme un parti tribal.
Nommé à la tête du parti en 2008 après le départ applaudi de Me Yaovi Agboyibo, Me Dodji Apevon n’a jamais réellement exercé ses présidences et a toujours paru agir par procuration. Pour Me Yaovi Agboyibo, lequel s’est toujours comporté comme si le parti lui appartenait en propre; d’ailleurs, le symbole du CAR, un bélier noir, ne le représentait-il pas de façon totémique ?
Depuis le début des années 2000, le CAR a connu le départ de plusieurs cadres dont les universitaires Afan Huénumadji et Apedo-Amah Togoata considérés comme de grands intellectuels, pour des raisons concernant la conduite hasardeuse du parti et surtout l’abandon de la lutte populaire.
Affaiblissement continu de l’opposition
La crise au CAR illustre fort symboliquement le délitement de l’opposition togolaise que l’on suit à travers les déchirements qui ont suivi l’implosion de l’UFC, l’émasculation de la CDPA, et de nombreux autres partis. Ceci n’est que l’avatar d’une faiblesse continue de l’opposition togolaise devenue totalement atone depuis la présidentielle d’avril 2015. Ni l’ANC et ses partenaires au sein du CAP 2015 ne sont en mesure de faire une grande mobilisation des populations déçues de la direction de la lutte et de l’échec du processus démocratique. L’implosion du CAR, aujourd’hui et de l’UFC, hier, n’est que la face visible d’un phénomène partisan qui a mal démarré au début du processus démocratique avec la création tous azimuts de partis politiques sur des bases non idéologiques.
En dépit des scandales à répétition au sommet de l’Etat, du délitement des services publics, de la paupérisation des populations, le pouvoir UNIR a devant lui un grand boulevard du fait de l’affaiblissement des partis.
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