Andoch Nutepe Bonin, disparition d’un des derniers Mohicans

Andoch Nutepe Bonin

Andoch Nutepe, virulent opposant au général Gnassingbé Eyadema, est décédé à Lomé le dimanche 5 octobre. Il vouait à l’ancien dictateur un mépris aristocratique, et le considérait comme un soudard bassement inculte qui n’était pas à sa place à la tête du Togo.

Ancien secrétaire général adjoint de la Conférence du peuple africain à Accra, Ghana (en 1960), enseignant à l’Ecole supérieure des traducteurs de l’Institut des langues du Ghana, traducteur et interprète-organisateur de conférence internationale, Andoch Nutépé Bonin  fut  chargé de mission à la Présidence togolaise sous Eyadema, et fut son interprète et traducteur.  Il démissionna du poste en 1982, et rejoignit l’exil.  Il  témoigna plus tard, au cours d’une interview, avoir  accepté son travail à la présidence  sous la contrainte,  avant d’en démissionner.

Andoch Nutepe Bonin a été révélé à l’opinion publique pendant la conférence nationale, à laquelle il ne participait pas mais à la faveur de laquelle il était rentré d’exil. Il fut enlevé et molesté par les sbires du régime et ne dut sa libération que grâce à la mobilisation des conférenciers qui avaient exigé en direct sa libération. Il était auteur d’un livre de témoignage à sensation, Le Togo, du sergent au général. Un livre acerbe contre l’ex président togolais dans lequel il décrivait par le menu croustillant la mascarade par  laquelle Eyadema accepta l’assassinat du père de l’indépendance, Sylvanus Olympio. Selon Nutépé Bonin, le meurtre de l’ancien président a été exécuté par un commandant français, qui a fait porter quelques heures plus tard, le chapeau à Eyadema, un soudard de l’armée coloniale française.

Je travaillais à l’ambassade d’Amérique en 1963 lorsque l’incident s’était produit. Et je crois que nous devons ensemble chercher les auteurs de cet assassinat que je considère comme une ombre qui plane sur le Togo et qui nous empêche de faire notre devoir. Je l’ai toujours dit, Eyadema, petit sergent qu’il était ne pouvait pas tuer un Olympio. Ce n’était pas possible. Ce n’est pas facile de tuer un être humain. On peut me donner une arme tout à l’heure, un pistolet, un revolver pour tuer l’autre, mais si mon esprit n’est pas supérieur à l’autre, je ne pourrai pas. Eyadema n’aurait pu, confiait-il à notre confrère Liberté.

Homme d’une instruction sans faute,  issu de la bourgeoisie de la côte, Andoch Bonin avait un grand mépris pour Eyadema, malgré les années passées à ses côtés comme chargé de mission et interprète.  Dans le livre, il présentait l’ancien chef d’Etat comme un soudard méprisable, un homme peu policé. Un jugement qui a réduit la portée de son livre, tout comme plus tard les critiques acerbes de cette grande gueule  contre Gilchrist Olympio n’eurent pas beaucoup d’échos.

 Après l’échec du régime de transition suite à la restauration militaire du général Eyadema, M Andoch Nutepe Bonin reprit le chemin de l’exil pendant  pour de longues années, avant son retour  définitif en 2009. Un retour qu’il mit sur le compte de la nostalgie et de sa volonté de mourir au pays natal, tout en omettant de signaler que le dégel suite à l’arrivée de Faure Gnassingbé a aussi favorisé son retour. Mais il mit à  profit ce retour pour se mettre en scène et asséner au passage quelques vérités  pour rétablir l’histoire réécrite et sans cesse réinitialiser du Togo.

Avec lui, on sut par exemple, que Gilchrist Olympio, considéré comme le responsable de ce qu’on appelle officiellement « l’agression  terroriste du 23 septembre », aurait  plutôt contribué à faire échouer l’entreprise. M. Andoch Bonin présente l’opposant historique comme un  amateur, un opportuniste, dépourvu de sens politique.

Avec M. Andoch Bonin commence à s’effacer de la scène politique une génération d’hommes politiques, nostalgiques du régime Sylvanus Olympio, qui ont combattu durement de l’extérieur la dictature Eyadema  et envisagé maintes fois d’en découdre par la force. On peut juger de la pertinence de leur lutte et du tropisme de leur opposition, mais on ne peut leur nier leur rectitude et leur mépris sans faille pour Eyadema.  Il était une grande gueule et l’un des derniers Mohican.


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A propos Komi Dovlovi 1148 Articles
Journaliste chroniqueur, Komi Dovlovi collabore au journal Le Temps depuis sa création en 1999. Il s'occupe de politique et d'actualité africaine. Son travail est axé sur la recherche et l'analyse, en conjonction avec les grands  développements au Togo et sur le continent.

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