5 octobre 1990: Un bilan s’impose à l’heure du vingt-cinquième anniversaire en 2015

ameganvi

Le 5 octobre 1990, le jugement de deux activistes politiques fut à la base du déclenchement de soubresauts démocratiques qui ont ébranlé les fondements de la dictature militaro-civile instaurée par le général Gnassingbé Eyadema depuis 1967. L’organisation d’une conférence nationale souveraine et un régime de transition dirigé par un Premier ministre issu de l’opposition, n’ont pas suffi à installer la démocratie. A travers une restauration militaire menée par les Forces armées togolaises, l’organisation d’élections frauduleuses, le tripatouillage de la constitution, le verrouillage des institutions, le pillage des ressources et l’exploitation de la misère des populations dont près de 70% vivent en dessous du seuil de pauvreté,  l’ancien parti unique, le Rassemblement du peuple togolais (RPT), et son avatar, UNIR, rendent impossible l’alternance démocratique.

Pire, on constate l’épuisement voire le délitement de l’opposition démocratique, l’absence d’une opposition crédible pouvant constituer une solution alternative au pouvoir en place dont l’incurie est avérée, vu la faillite de la gestion du pays et la pauvreté des masses. A l’orée de la présidentielle 2015, qui s’apparente de plus en plus à une vaste mascarade pour faire triompher sans frais Faure Gnassingbé, le fils du général Eyadema, c’est l’échec du processus démocratique qui est ainsi consacré, la vanité des convulsions populaires au bilan lourd sur le plan humain.

Opportunément, 2015 sera l’année du 25ème anniversaire du soulèvement populaire du 05 octobre. Le Parti des Togolais, dirigé par Claude Ameganvi, infatigable opposant au régime en place, l’un des rares hommes politiques à refuser le chemin voué à l’échec des dialogues politiques, propose à l’opinion togolaise de faire une analyse des 25 ans de lutte.

Nous vous proposons de lire la déclaration du Parti des Travailleurs.

 Déclaration du Parti des Travailleurs

Ouvrons un an de débat sur le thème :

« 25 ans après le soulèvement du peuple togolais, quels bilan et perspectives ? »

Le 5 octobre 2015 marquera le 25e anniversaire du soulèvement populaire du 5 octobre 1990 par lequel le peuple togolais s’est levé pour en finir avec la dictature sanglante d’EYADEMA-GNASSINGBE.

Pour préparer la commémoration de cet événement, le Parti des travailleurs propose solennellement aux travailleurs, paysans et jeunes togolais d’ouvrir pendant un an, à partir de ce 5 octobre 2014 marquant son 24e anniversaire, le débat sur le bilan des 25 ans qui se seront écoulés depuis cette date qui a marqué l’histoire contemporaine de notre pays. Pourquoi ?

— 25 ans, soit un quart de siècle, c’est la période par laquelle les historiens conviennent généralement de compter l’écoulement d’une génération humaine ;

— 25 ans, c’est la durée pendant laquelle il est généralement convenu qu’un jeune arrivé à maturité à l’âge adulte donne à son tour la vie pour perpétuer le cycle ininterrompu de la reproduction du genre humain ;

— 25 ans, c’est la durée au terme de laquelle une nouvelle génération est appelée à prendre la relève des générations précédentes en assumant ou non ses responsabilités historiques ;

— 25 ans, c’est la période que retiennent les historiens pour étudier comment les défis posés à une génération humaine ont été relevés.

C’est pourquoi, afin que le peuple togolais puisse maîtriser sa destinée, les 25 ans écoulés depuis le 5 octobre 1990 appellent la nécessité d’un bilan collectif rétrospectif pour évaluer en toute conscience si le chemin parcouru depuis cette date historique a véritablement permis d’atteindre l’objectif déclaré de sa raison d’’être : en finir avec le régime dictatorial du clan des EYADEMA-GNASSINGBE. Et, si ce n’est pas le cas – comme nous ne le savons malheureusement que trop – de chercher à savoir non seulement pourquoi mais surtout comment faire pour que cet objectif soit enfin atteint.

Cela ne peut qu’aider à sortir de l’impasse politique actuelle en évitant à chacun de sombrer dans le pessimisme et la démoralisation pour qu’en acteur conscient de sa propre destinée, il puisse tirer des enseignements de l’histoire contemporaine de notre pays la confiance nécessaire à la poursuite de la lutte pour un meilleur devenir de notre peuple.

 Que nous enseignent les luttes récentes d’émancipation du peuple togolais ?

 Lorsqu’on revisite l’histoire des luttes du peuple togolais contre le joug colonial français et l’oppression dictatoriale, on constate que les différentes générations qui se sont succédé ont su prendre d’une façon ou d’une autre leurs responsabilités pour que nous en arrivions à notre émancipation d’aujourd’hui.

C’est ainsi que :

1°) Les 24–25 janvier 1933 : la puissante révolte des femmes de Lomé contre l’augmentation des taxes de marché par le Gouverneur Robert De GUISE, représentant le pouvoir colonial français, fit surgir la première génération qui porta la première manifestation du nationalisme togolais au devant de la scène de l’histoire de notre pays.

2°) Le 27 avril 1958 : 25 ans plus tard, l’éclatante victoire électorale de l’« Ablodé ! » fit surgir la nouvelle génération qui réalisa l’aspiration à l’émancipation nationale avec la conquête de l’indépendance.

3°) Les 19 juillet 1988 – 5 octobre 1990 : 25 ans plus tard, la révolte à la Prison civile de Lomé, le 19 juillet 1988, prépara l’irruption, deux ans plus tard, du puissant soulèvement populaire du 5 octobre 1990 qui tenta de balayer la dictature sanglante d’EYADEMA au pouvoir depuis 23 ans. Une nouvelle génération surgissait, 27 ans après le coup d’Etat du 13 janvier 1963, pour restaurer les conquêtes démocratiques arrachées de haute lutte le 27 avril 1958 et enregistrées par la proclamation de l’indépendance nationale deux ans plus tard, le 27 avril 1960.

4°) Et 2015 : 25 ans après le soulèvement populaire du 5 octobre 1990, la nouvelle génération saura-t-elle tourner les pages sombres de 50 ans de règne dictatorial du même clan familial des EYADEMA-GNASSINGBE ?

Après que le régime monarchique de fait imposé en 2005 à la mort d’EYADEMA, à la faveur du massacre de plus de 1 000 citoyens innocents, ait installé son fils Faure Essozimna au pouvoir, force est de constater que les 9 consultations électorales organisées au Togo depuis 22 ans (1993) ont fait la preuve de leur incapacité à apporter une solution positive à la crise togolaise par la voie des urnes, en ce moment où se prépare une nouvelle mascarade d’élection présidentielle pour février-mars 2015. Dans la situation d’impasse où ceux-là mêmes qui ont au départ porté le soulèvement populaire du 5 octobre 1990 ou qui ont accaparé sa direction l’ont trahi, au nom de la défense de leurs propres intérêts, c’est à la nouvelle génération de jeunes, vouée au manque d’avenir et de perspectives, qu’il revient de relever les précédentes en se portant à l’avant-garde du combat pour en finir avec ce régime cinquantenaire qui n’a suscité que sang, douleurs, misère et larmes au peuple togolais.

Relever ce défi nécessite d’apporter une réponse appropriée aux questions suivantes :

— Comment et pourquoi en est-on arrivé là ?

— Comment peut-on sortir de l’impasse actuelle ?

— Que faire pour cela ?

Telles sont les questions qui se posent de façon brûlante en ce moment de graves incertitudes où chaque citoyen togolais s’interroge sur son propre avenir ainsi que celui de notre pays.

 Quelques premiers éléments de réflexion …

Du 13 janvier 1963 au 5 octobre 2015, il y aura 52 ans, soit deux générations, depuis que l’assassinat du père de l’indépendance, Sylvanus Epiphanio Elpidio Kwami OLYMPIO, a gravement mis en cause l’indépendance de notre pays sur tous les plans c’est-à-dire politique, économique, social et culturel. Mais ce sont le pillage, la gabegie et la corruption qui s’approfondissent depuis les 47 ans de règne du clan des GNASSINGBE qui préoccupent encore plus le peuple togolais.

Sachant que :

— 1°) dans le contexte du procès Kpatcha GNASSINGBE en 2011, le journal Tribune Afrique (n° 87 du 26 septembre 2011) a révélé que ce dernier a déclaré « lors d’un entretien téléphonique » avec un de ses journalistes que : « Les gens disent que mon père a laissé 9.000 milliards (de F CFA) » ;

— 2°) selon le Rapport 2013 de l’ONG américaine « GLOBAL FINANCIAL INTEGRITY » (GFI), le montant des transferts illicites de fonds à partir du Togo sur la période de 2006 à 2010 s’élève à 8.827 milliards de F CFA ;

— 3°) pour la période 2007 à 2014, on peut donc estimer à 1.765,4 milliards de F CFA le montant annuel minimal des transferts illicites de fonds à partir du Togo en prenant comme base prévisionnelle la moyenne du cumul des transferts pour la période 2006 à 2010 soit un total de 7.061,6 milliards F CFA pour cette période de 4 ans ;

on aurait donc un total cumulé de 24.888,6 milliards de F CFA au minimum de fonds illicitement détournés pendant les 47 ans de règne du clan des GNASSINGBE !

Comment ne pas être profondément révolté et indigné que des sommes aussi astronomiques aient été ainsi illégalement détournées à des fins personnelles alors qu’elles auraient pu servir à construire des écoles, des hôpitaux, des infrastructures routières et ferroviaires, à créer des entreprises offrant des emplois et services au profit de l’ensemble de la population !

Comment alors ne pas souhaiter, qu’octobre 1990 qui continue à vivre dans la conscience du peuple togolais, ne cesse de l’inspirer à se mobiliser davantage pour trouver la voie de l’issue victorieuse permettant de mettre fin au règne malfaisant du clan des GNASSINGBE comme on le voit avec les soulèvements qui éclatent à répétition depuis lors.

Cent ans de guerres, de destruction et de génocide dans le monde ….

En cette année 2014 qui commémore le centenaire de la grande boucherie humaine qui eut lieu lors de la Première Guerre mondiale, nous ne pouvons ignorer que, depuis lors, l’impasse du système capitaliste le fit entrer dans sa phase de putréfaction qui l’a transformée en force de destruction du genre humain dans le monde entier à travers toutes ces guerres d’extermination des populations qui, se poursuivant jusqu’aujourd’hui sur tous les continents de la planète terre, en font un énorme génocide.

Sachant que notre pays n’est pas à l’abri de ces processus de dislocation à l’instar de ce que nous voyons au Mali, en Lybie, au Nigeria, en Syrie, etc., il est nécessaire d’intégrer à notre réflexion sur le bilan et les perspectives des 25 ans de combat du peuple togolais, ce qu’il y a lieu de faire pour éviter que notre pays ne sombre à son tour dans de telles sanglantes tragédies.

C’est pourquoi le Parti des travailleurs estime nécessaire que le débat sur la situation togolaise soit élargi à l’ensemble d’une situation mondiale de plus en plus chaotique faite de guerres, de pandémies, de misère et de ruine pour les peuples du monde.

Pour la poursuite de ce débat, il propose à tous ceux qui veulent y prendre part de l’organiser par la voie électronique en envoyant leurs contributions à l’adresse suivante : [email protected] et d’autres canaux de diffusion à venir.

 Vive le soulèvement populaire du 5 octobre 1990 et honneur à tous ses martyrs !

A bas la dictature du clan des EYADEMA-GNASSINGBE !

Lomé, le 4 octobre 2014,

Pour le Parti des travailleurs,

Le Secrétaire chargé de la coordination

Claude AMEGANVI


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A propos Komi Dovlovi 1122 Articles
Journaliste chroniqueur, Komi Dovlovi collabore au journal Le Temps depuis sa création en 1999. Il s'occupe de politique et d'actualité africaine. Son travail est axé sur la recherche et l'analyse, en conjonction avec les grands  développements au Togo et sur le continent.

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