Le Togo vit une crise de surproduction artificielle de maïs. La grogne sourd dans le milieu des groupements de producteurs agricoles, qui n’en peuvent plus des stocks de maïs alors qu’ils attendent la prochaine récolte. De sources proches du ministère de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche, 200.000 tonnes de maïs en stock attendent d’être commercialisées, alors que le marché national est saturé et l’exportation interdite.
Cette quantité incroyable de maïs est due pour une bonne part à une production excédentaire depuis plusieurs années. En 2011, le Togo a dégagé un excédent céréalier de 100.000 tonnes, dont une part importante de maïs. Ce qui a conduit le gouvernement à exporter du maïs vers le Niger, par l’entremise des achats du Programme alimentaire mondial. En 2012, le PAM avait acheté par exemple 32.000 tonnes de maïs.
Mais il s’agit généralement des stocks de maïs de l’Agence de la sécurité alimentaire au Togo (ANSAT), un organisme qui se mêle de commerce alors qu’il n’en a pas le droit. D’après les organisations paysannes, parallèlement à l’ANSAT, les paysans eux-mêmes disposent d’importantes quantités de maïs en stock. C’est ce stock qui n’est pas écoulé, compte tenu des restrictions sur la commercialisation des céréales, spécialement du maïs par le Togo. A cause de la crise alimentaire de 2005, il est interdit aux privés d’exporter le maïs. Ces mesures ont été encore renforcées lors du conseil des ministres du 2 octobre 2013, au cours du duquel, à cause d’un solde déficitaire du maïs égal à 182 tonnes, le Gouvernement a pris des mesures de précaution « destinées à préserver la sécurité alimentaire dont jouit notre pays, en renforçant notamment le stock de sécurité de l’Agence nationale de sécurité alimentaire (Ansat) et en lançant une campagne d’achat dès le mois prochain pour éviter les exportations illicites« .
Or on constate une saturation du marché. Ce qui explique la stabilité du prix du bol du maïs, qui oscille entre 450 CFA et 500 CFA, contrairement aux années 2000-2005. En 2005, le pic a été atteint avec le bol à 1500 voire 1600 CFA sur certains marchés.
Excédents céréaliers, saturation du marché, mesures restrictives sur le commerce, tout cela concourt à avoir un stock de maïs aussi important.
Une situation dangereuse pour la filière, la production pour les prochaines années pouvant être déficitaire. Car le paysan, qui a besoin d’argent frais pour subvenir à ses besoins, a tendance à ne peut plus produire une culture quand le stock n’est pas écoulé.
D’une manière générale, c’est toute la politique agricole entreprise ces dernières années qui est en cause. Echaudé par la crise alimentaire de 2005 et 2007-2008, période des inondations, le gouvernement de Faure Gnassingbé, sous l’impulsion du colonel Ouro-Koura Agadazi, directeur de l’ANSAT, a mis en place une politique pour éviter une telle situation critique à l’avenir. Il a pris des mesures contraignant pour le commerce du maïs. Et en même temps, elle a pris des mesures incitatives pour la production du maïs, ce qui a eu pour conséquence une augmentation de la production. La crise du coton, avec la baisse des superficies consacrées à cette culture, a boosté également la production du maïs. D’où les excédents céréaliers constatés depuis un certain nombre d’années.
Parallèlement, au niveau politique aucune mesure n’est prise pour faire face aux excédents de production du maïs, du moins pour lui assurer des débouchés extérieur. Le ministère de l’Agriculture ne s’est jamais vraiment occupé de la commercialisation des produits agricoles, restant confiné dans une politique obtuse et démagogique appelée « autosuffisance alimentaire », criée sur les toits.
N’eût été le secours du Programme alimentaire mondial (PAM), on ne sait pas quelle quantité de maïs serait aujourd’hui disponible. Le ministère du Commerce et de la Promotion du secteur privé reste également sans vision. La direction du Commerce extérieur ne se préoccupe guère de l’écoulement des produits agricoles.
Un cadre de la Direction peste contre le directeur, incapable de trouver une solution au développement agricole que connait le Togo.
Au cours de nombreuses séances à la direction, on lui a maintes fois dit de faire en sorte que l’on crée des postes d’attaché commercial dans les ambassades du Togo à l’étranger afin de promouvoir ou de trouver des débouchés pour les produits nationaux. Mais impossible, il préfère les missions à Génève parce que c’est plus juteux. La Fonction publique togolaise est la plaie du pays », se plaint ce cadre qui a préféré garder l’anonymat.
Il s’agit manifestement d’un manque d’ambition et de volonté politique, rien que la zone UEMOA constitue un débouché pour le maïs togolais. Le Conseil des Ministres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) a tenu le lundi 20 février 2012 à Ouagadougou, une réunion extraordinaire sur le thème de la sécurité alimentaire dans l’espace communautaire. Selon le Conseil, la zone a connu pendant cette période un déficit brut céréalier dans la zone de 3.095.251 tonnes en 2012. Il estime que le déficit en maïs des pays de l’UEMOA pourrait atteindre 1,3 million de tonnes à l’horizon 2020. Résultat, la zone UEMOA pourrait être le premier débouché pour le maïs togolais, en attendant de trouver une politique idoine pour la transformation agro-alimentaire.
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