Saison agricole sur un air de pré-campagne présidentielle pour Faure Gnassingbé

Distribution du matériel agricole aux populations de la Région des Savanes, élévation de plusieurs producteurs au rang de Chevaliers et d’Officiers dans l’Ordre du Mérite Agricole, la rencontre du chef de l’Etat Faure Gnassingbé avec le monde paysan ce samedi 17 avril à Dapaong, est un signe évident d’une entrée en campagne avant l’heure. Certes, avec le ministère du Développement à la base et de la Jeunesse, et le ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et la Pêche, l’Etat semble accorder une grande importance à un secteur qui contribue à près de la moitié du budget, mais à qui on donne un ingrat traitement. La région des Savanes est la région la plus pauvre du Togo surtout le plans, malgré ses atouts climatiques et agricoles pour les cultures maraîchères, le maïs et le riz, la région n’est pas mise en valeur. La région compte 1 médecin chirurgien pour plus de 700.000 habitants.

A Dapaong, le chef de l’Etat a remis 140 égreneuses de mais (550kg/heure), 9 décortiqueuses de riz (650kg/heure) et 32 bâches. Il a également décoré de nombreuses figures du monde paysan des Savanes, élevées au rang de Chevaliers et d’Officiers dans l’Ordre du Mérite Agricole. L’agriculture est contributrice de 40% au budget de l’Etat et compte 20% des ressources à l’exportation. Un vaste programme de 200 milliards, le Programme national d’investissement agricole et de sécurité Alimentaire (PNIASA), est conçu pour relancer le secteur, qui connaît un net regain avec trois années successives d’excédents céréaliers (maïs, sorgho, mil). Mais le PNIASA, qui a plusieurs volets, cache les incompétences du ministère de l’agriculture, de l’élevage, et de la pêche, à transformer un potentiel agricole affirmé en industrie agro-alimentaire apporter une valeur ajoutée au secteur. L’excédent céréalier est devenu un slogan politique affirmé à tout bout de champ, comme au temps du parti unique, où un petit pas devient un bond pour l’humanité et un échec, une victoire éclatante. Le Togo continue à importer une trop grande quantité de riz, soit plus de 50.000 tonnes par an, essentiellement du riz thaïlandais dont la qualité est moins bonne que le riz local, mal exploité.

faure gnasEn outre, l’Etat veut relancer le secteur du coton, alors  que le prix du coton sur le marché connaît une baisse importante et n’est pas prête de revenir à la hausse les prochaines années, selon les prévisions de l’OMC. Et puis l’Etat a fait “des choses putes” dans le secteur du coton, dit un expert qui a requis l’anonymat. L’Etat doit plus de 40 millions de dollars US aux cotonculteurs. Une partie des dettes a été transformée par l’Etat en parts sociales dans le cadre de la société mixte en place, la Nouvelle société cotonnière du Togo (NSCT), mais de nombreux paysans créanciers sont morts, et il n’est pas sûr que les ayants droit rentrent en possession de leurs biens compte tenu de l’ignorance des textes qui prévalent dans les milieux ruraux. Des paysans se sont suicidés car endettés. L’Etat a dissous la Société togolaise de coton (Sotoco), l’ancêtre de la NSCT sans avoir fait le bilan de la sa gestion. Dans le cadre du PADAT, un sous-programme du PNIASA, des tracteurs achetés par l’Etat sont en train de rouiller dans une zone du Nord. Depuis 3 ans, le PNIASA n’a été exécuté qu’à 3%. “Le ministère manquent de cadres décomplexés pour traduire en acte la nouvelle politique agricole; il y a trop de blocages au nouveau du ministère, avec des cadres qui cumulent la direction des programmes et des projets, ce pourquoi rien ne bouge”, a affirmé un cadre du ministère.

La visite du chef de l’Etat correspond avec le lancement de la saison agricole dans les Savanes. Mais il n’est pas anodin. L’opposition a raflé des sièges dans les Savanes lors des législatives 2013. La région, la plus pauvre du Togo, a connu une jacquerie en 2013. En y distribuant du matériel agricole-et pas que-, en soudoyant quelques notables du coin avec quelques décorations, le président prépare activement sa réélection.

 


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A propos Komi Dovlovi 1103 Articles
Journaliste chroniqueur, Komi Dovlovi collabore au journal Le Temps depuis sa création en 1999. Il s'occupe de politique et d'actualité africaine. Son travail est axé sur la recherche et l'analyse, en conjonction avec les grands  développements au Togo et sur le continent.

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