France: Sarkozy attaque pour se défendre

« Plaidoirie sincère rédigée à l’encre de l’indignation ou contre-attaque excessive faisant feu de tout bois? La tribune au vitriol de Nicolas Sarkozy publiée ce jeudi 20 mars dans Le Figaro n’a en tout cas épargné personne ni laissé grand monde indifférent », écrit aujourd’hui notre confrère Huffington Post.

Si Nicolas Sarkozy a décidé de rompre le silence « par le moyen de l’écrit et non celui de l’image », explique-t-il, c’est parce qu’il a voulu « susciter la réflexion et non l’émotion ». La virulence de ses propos, la précision de ses attaques suggèrent au contraire que l’ancien président de la République a délibérément dégoupillé une grenade destinée à fragmenter et restructurer l’espace politique autour de sa personne.

L’objectif est triple: 1) sortir du silence qui le plaçait à la merci des fuites judiciaires qui se succèdent; 2) se victimiser auprès de son propre camp en prenant les Français à témoin; 3) s’ériger en procureur de ses ennemis politiques pour les maintenir à distance.

Les zones d’ombre de la défense Sarkozy

Dès la publication de sa tribune, Nicolas Sarkozy a marqué des points sur au moins deux de ces trois tableaux. Ses amis se sont empressés de reprendre en boucle ce réquisitoire qui accuse pèle-mêle le gouvernement, les juges et la police de l’avoir illégalement placé sur écoute. La gauche s’est quant à elle indignée des déclarations virulentes de l’ancien président de la République, qui n’a pas hésité à assimiler la surveillance dont il fait l’objet aux méthodes de la Stasi, police politique de l’ex-RDA.

Un pataquès qui a le mérite de faire oublier les charges graves qui menacent Nicolas Sarkozy tout en focalisant l’attention médiatique sur le bras de fer politique qui s’annonce. Car il y a fort à parier que les références à la Stasi feront davantage couler d’encre que les zones d’ombre qui demeurent dans la ligne de défense de l’ancien président.

S’il est en droit de s’indigner contre les écoutes diligentées contre lui, s’il peut légitimement dénoncer la violation quasi-systématique du secret de l’instruction, ce qui bafoue singulièrement son droit à la présomption d’innocence, Nicolas Sarkozy reste mal placé pour découvrir aujourd’hui que ces systèmes de surveillance sont non seulement parfaitement légaux, mais qu’ils ont connu un développement exponentiel ces dix dernières années.

Nicolas Sarkozy assure par ailleurs qu’il a découvert par la presse qu’il était sur écoute. Mais il ne reconnait ni ne justifie l’achat d’un téléphone prépayé sous un faux nom, ni les manœuvres mises au point avec son avocat pour déjouer la surveillance de la justice.

Un coup de poker vis à vis de l’opinion

Ce que l’on ignore encore, c’est si ce coup de poker portera ses fruits auprès de l’opinion. Car si Nicolas Sarkozy demeure extrêmement populaire dans sa famille politique, sa cote de confiance auprès des Français a déjà brutalement dévissé depuis l’affaire des écoutes.

Autant dire que l’ancien président joue à quitte ou double. Si les Français sont convaincus qu’il est bien victime d’un acharnement judiciaire, voire politique, il en sortira renforcé pour le reste du quinquennat. S’ils estiment au contraire qu’il prend en otage les institutions de la République pour se dédouaner, la dégradation de son image pourrait être irrémédiable.

D’où la riposte du gouvernement Ayrault, entièrement centrée sur la défense des institutions. Le premier ministre en tête a notamment fustigé une « grave faute morale », jugeant « insupportable » la comparaison avec l’ex-Allemagne de l’Est. « Aujourd’hui, il y a un ancien président de la République acculé par les problèmes qui s’en prend (…) au fondement même de l’Etat de droit », a renchéri le ministre de l’Intérieur Manuel Valls. « Une injure à l’égard des citoyens français et des juges, une attaque envers les institutions de la République », a déploré la ministre de la Justice Christiane Taubira.

Enfin, si cette stratégie incendiaire lui a redonné la main, elle a aussi un coût. Acculé par la pression judiciaire, l’ancien président de la République s’est résolu à écrire noir sur blanc qu’il n’entendait pas revenir à la vie politique « contrairement à ce qui s’écrit quotidiennement ». Une promesse destinée à dépolitiser son discours pour rendre audible sa ligne de défense.

Nicolas Sarkozy, qui voulait à tout prix éviter un retour prématuré, se retrouve désormais contraint de dévoiler son jeu et de lier son avenir politique à son agenda judiciaire. Ce qui pourrait l’occuper jusqu’en 2017.

Le Temps et Huffington Post


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