En recevant Faure Gnassingbe à l’Elysée, Emmanuel Macron consacre le retour complet du despote togolais sur la scène internationale
Longtemps blacklisté par les différents présidents français depuis Nicolas Sarkozy, Faure Gnassingbe entame du 7 au 9 avril une visite d’amitié et de travail en France, signe d’un retour en grâce du fils et successeur du général Eyadema dont l’arrivée honteuse au pouvoir en 2005 le faisait passer pour un pestiféré.
Le 5 février 2005, suite au décès de son père après 38 ans de règne, Faure Gnassingbe arrive au pouvoir cornaqué par un quarteron d’officiers supérieurs, en violation de l’ordre constitutionnel. L’affaire, bénie par Jacques Chirac, patron de l’Elysée à l’époque, sera bouclée par une mascarade électorale dans un bain de sang ayant fait entre 400 à 1000 morts selon les organisations des droits de l’homme.
Bien que la France ait maintenu dans son intégralité sa coopération avec le Togo, surtout la coopération militaire, Faure Gnassingbe n’a pas bénéficié de l’étroitesse traditionnelle des relations historiques entre les deux pays établie depuis le 13 janvier 1963 – suite à l’assassinat du père de l’indépendance Sylvanus Olympio qui faisait montre de velléités de se dérober de l’influence de la métropole.
Ce voyage officiel, qui intervient après 16 ans de règne et une énième présidentielle controversée, semble être une victoire politique et une consécration pour Faure Gnassingbe.
Pour le chef de l’Etat togolais et son ministre des affaires étrangères, Robert Dussey, ils viennent de décrocher le Graal. Le premier devrait avoir ce sentiment d’indicible joie qui anime un bâtard enfin reconnu par son père, tandis que le second, que l’on qualifiait de diplomate chevronné, se voit récompenser de ses inlassables efforts pour la production de cet évènement.
On doit à Robert Dussey quelques succès bilatéraux, dont le rapprochement avec l’Allemagne soldé par une visite de Faure Gnassingbe à Berlin et celle de Frank-Walter Steinmeier, à l’époque ministre des affaires étrangères fédérales. Depuis les relations entre l’Allemagne et le Togo, naguère difficiles depuis le début du processus démocratique et exacerbées par l’incendie du Goethe Institut lors de la chaotique présidentielle d’avril 2005 et l’exfiltration de François Boko, se sont tassées… pour le bonheur de l’Allemagne dont le cimentier Heidelberg Cement fortement présent au Togo.
Réception à l’Elysée à tout prix
Pour la visite à l’Elysée, Lomé 2 s’est donné quelque peu de la peine, allant allègrement au-devant les désirs insoupçonnés de la France. Acquisition de cinq hélicoptères d’attaque de type Gazelle français, envoi de forts contingents togolais dans le cadre de la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (MISMA), rôle de tuteur et d’intermédiation auprès des putschistes du Comité national du salut du peuple (CNSP), tombeur d’Ibrahim Boubakar Keita, et probable rachat de la CEET par EDF, tout aura été mis en œuvre pour rentrer dans les bonnes grâces du président français. Et malgré l’arrivée en trombe de l’Allemagne et la Chine, les intérêts de la France sont bon an mal an toujours bien sauvegardés. Faure Gnassingbe passe pour un incontournable.
Tout tombe bien alors pour Faure Gnassingbe, les astres sont alignés. La boucle est bouclée. En difficulté en 2017 face à une forte contestation populaire, il a su se défaire habilement de son opposition, au moyen de la force, la ruse et la fraude. Il s’est taillé une nouvelle constitution lui garantissant un boulevard pour deux nouveaux mandats, un parlement godillot, et les oppositions togolaises sont quasiment lessivées.
Et cerise sur le gâteau, la France n’a plus à serrer le nez pour lui parler ; Emmanuel Macron lui serre les pinces. Fini le temps où pour le snober, la France faisait intervenir le président ghanéen John Akuffo Addo dans les discussions intertogolaises.
Tout comme son père, Faure Gnassingbe se sent revenir dans les petits papiers de la France. N’est-il pas malgré son âge, le doyen des chefs d’Etat de la CEDEAO et pour bientôt, dans l’attente de la mort des dinosaures africains, de toute l’Afrique ?
En dépit du discours macronien sur un renouveau des relations entre la France et son pré carré, le despote d’opérette togolais sait que la vêture de la coopération française traînera toujours ses odeurs fétides. Comme le dit l’ecclésiaste, rien de nouveau sous le soleil. La France a besoin du Togo, et Faure Gnassingbe de la France.
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