Jacques Chirac, l’ami personnel d’Eyadema et fossoyeur de l’Afrique, est mort

Jacques Chirac et certains despotes africains au cours d'une de ces messes entre la France et l'Afrique

L’ex président français Jacques Chirac est décédé ce 26 septembre en France. Avec sa mort se tourne une page de l’histoire de la France marquée par son opposition à la guerre des Etats-Unis à l’Irak. Mais l’Afrique gardera de lui l’image d’un ami des dictatures les plus criminelles et prédatrices du continent.

La France politique ne tarit pas d’éloges sur la mémoire de l’ancien président disparu. De la gauche à la droite de l’échiquier politique, il y a quasiment un unanimisme quant à son apport à la grandeur de la France. Même Jean-Luc Mélenchon, peu avare en critique et qui fut son opposant, y va de sa petite éloge.

«L’Histoire de France tourne une page. Recevons la tristesse car elle a ses raisons. Il aimait la France mieux que d’autres depuis. Et pour cette part-là, nous lui sommes reconnaissants», écrit le numéro 1 de La France Insoumise (LFI).

On notera de même la réaction tout aussi subtile de Marine Le Pen, présidente du Rassemblement National, successeur du Front National- (extrême droite). Son père, Jean-Marie, était l’ennemi fondamental de Jacques Chirac et fondateur du FN. L’ancien président se faisait d’ailleurs le chantre de la lutte contre l’extrême-droite qu’il a toujours essayé bouter hors du théâtre politique.

«Malgré toutes les divergences que l’on pouvait avoir avec Jacques Chirac, il aura été un grand amoureux de l’Outre-mer et le Président capable de s’opposer à la folie de la guerre en Irak, renouant avec la traditionnelle position d’équilibre et de diplomatie de la France», réagit Marine Le Pen, sans rancunes.

Exception faite de ces deux réactions mesurées, la droite et la gauche, les mêmes qui dirigent la France depuis 1958, sont tombées dans le dithyrambe. Inutile d’en faire cas ici.

Président fossoyeur de l’Afrique

Cependant, dans la rue africaine, la jeunesse n’a pas de reste ces précieux souvenirs de Chirac, homme politique, maire et président de France. Dans l’éhontée relation entre la France et son pré carré africain, Chirac se faisait le fourrier du foccartisme, de la mafia françafricaine, l’ami des despotes africains .

En 1991, à la faveur du discours de François Mitterrand à la Baule, les jeunesses en Afrique francophone se lancent à l’assaut des citadelles despotiques qui régentent délétèrement leurs destins.  Jacques Chirac, alors maire de Paris, donne le ton dissuasif à Abidjan en volant au secours du président Félix Houphouët-Boigny.  «La démocratie n’est pas une bonne chose pour l’Afrique», déclare-t-il. Avant d’ajouter sur un ton paternaliste et méprisant que le multipartisme est incompatible avec les valeurs (africaines).

Plus tard, à son arrivée à l’Elysée en 1995, la cellule africaine n’a eu cesse de d’infléchir les espoirs de démocratie en Afrique. Ainsi, sous sa présidence, Sassou Nguesso opère  son retour en force au pouvoir au Congo-Brazzaville, à travers une guerre civile, avec le soutien de l’entreprise pétrolière Elf.

Les Togolais, quant à eux, firent la connaissance d’un Chirac peu fiable, capable de mentir publiquement pour aider son « ami » Eyadema. Pendant les années 2000, lors de son passage à Lomé, le président français se porte garant  du retrait du général Eyadema du pouvoir en 2003, au terme de son deuxième mandat. Cependant, le président français  ne l’empêchera point de modifier la constitution togolaise en 2002 alors que lui-même venait d’écourter le septennat. Interrogé, d’ailleurs, sur cette controverse togolaise, Jacques Chirac renia sa parole donnée d’homme d’Etat. En 2005, à la mort du général Eyadema, il apporte publiquement son soutien au putsch militaire qui vient de porter au pouvoir Faure Gnassingbé, malgré la désapprobation de la communauté internationale. C’est « le fils de [son] ami » et il ne se voyait pas en train de « trahir » cette amitié-là, dira-t-il. Jacques Chirac recevra Faure Gnassingbé à l’Elysée en septembre 2006, donnant du crédit à un pouvoir sanguinaire honni.

Son rôle destabilisateur en Côte d’Ivoire

Tout comme les Togolais, les Ivoiriens connaissent les valeurs africaines de Chirac : un amour égal au mépris qu’il témoigne au continent. Fidèle à Houphouët mort en 1993, Jacques Chirac pèsera de tout son poids dans le destin de la Côte d’Ivoire. Il voulut d’abord s’opposer au coup d’Etat du général Robert Guéi en 1999, en remettant au pouvoir Henri Konan Bédié, avant d’en être dissuadé par le Premier ministre socialiste Lionel Jospin. Ce dernier restera d’ailleurs dans l’histoire comme l’un des rares hommes politiques français à vouloir se débarrasser de l’encombrant héritage de la Françafrique. Mais il se rattrapera deux ans plus tard par le soutien la rébellion contre Laurent Gbagbo.  C’est à son instigation que l’offensive de l’armée ivoirienne contre la rébellion fut arrêtée et l’aviation ivoirienne détruite par l’armée française. On sut des années plus tard que le bombardement des forces françaises à Bouaké dont on accusa l’armée ivoirienne, était une grosse machination  savamment orchestrée pour faire tomber le président ivoirien Laurent Gbagbo.

En dernière analyse, Jacques Chirac est de triste mémoire pour les jeunesses africaines. Des scandales de la mairie de Paris aux valises bourrées de billets venant des présidences africaines, le président français représente l’image d’une France détestable et détestée. Celle d’une tarentule qui plonge l’Afrique dans la léthargie pour mieux la dévorer. Chirac n’était juste qu’un triste colonialiste.

Malheureusement, l’Afrique francophone n’est pas au bout de ses peines avec la France. Sarkozy, le successeur de Jacques Chirac, peut être tenu respnsable du chaos en Libye consécutif à la miseà mort de Mouammar Kaddafi. La présidence de François Hollande, peut paraître comme la moins intrusive dans les affaires africaines malgré les opérations Sangaris en RCA et Serval au Mali. Cependant, la présidence d’Emmanuel Macron, en dépit des beaux discours sur les relations avec l’Afrique, perpétue la scandaleuse domination de la France dans ses ex-colonies.


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A propos Komi Dovlovi 1122 Articles
Journaliste chroniqueur, Komi Dovlovi collabore au journal Le Temps depuis sa création en 1999. Il s'occupe de politique et d'actualité africaine. Son travail est axé sur la recherche et l'analyse, en conjonction avec les grands  développements au Togo et sur le continent.

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