L’artiste plasticien Sokey Edorh a décidé de mettre les pieds dans le plat. «Je ne trinquerai plus avec les puissances néocolonialistes qui encouragent les fraudes électorales en Mauritanie ou ailleurs », écrit-il sur sa page Facebook pour dénoncer le soutien tacite de la France aux dictatures africaines.
Le Temps a approché l’artiste en vue de connaître les raisons d’une telle publication. Sokey Edorh dit avoir rejeté l’invitation de l’Ambassade de la France à la célébration de la fête du 14 juillet.
«La France est à l’origine et au cœur des problèmes politiques que connait le Togo. Le 13 janvier 1963, c’est la France. L’arrivée d’Eyadema au pouvoir, c’est la France, l’armée ethnocentrique est formée par la France. Les mascarades électorales depuis 1990, c’est la France. La France est partout au Togo. Aller célébrer le 14 juillet à l’ambassade de France, c’est être complice de cette soumission néocoloniale », a déclaré au Temps, le plasticien, l’un des plus connus sur le continent.
«La France doit réparer les dégâts qu’elle a commis au Togo», ajoute le plasticien, ulcéré.
La sortie de Sokey Edorh intervient dans un contexte culturel togolais inquiétant. Outre la domination politico-économique, et une réduction drastique de sa coopération culturelle au Togo, la France étend désormais ses tentacules par l’aliénation des artistes togolais et une insidieuse mise sous tutelle de l’élite intellectuelle. Depuis quelques années, l’Ambassade de France au Togo fait chevalier des arts et des lettres des artistes togolais. Si l’on ne peut reprocher à la France d’attribuer ses breloques à qui elle veut, ces décorations ne s’apparentent certainement pas à une preuve d’amour envers ces artistes nationaux. Cette soumission de la pensée s’incruste également dans les masses populaires par une présence quasi monopolistique de Canal Plus, l’entreprise du tout-puissant Bolloré.
Sokey Edorh, artiste aux idées politiques
Ce n’est pas la première fois que Sokey Edorh critique la France, mais c’est bien la toute première fois qu’il va aussi loin. Plasticien de renom, il est passé par l’Ecole des Beaux-arts de Paris et de Bordeaux. Très tôt, il se défait des catégories pratiques de la peinture occidentale pour utiliser les matériaux africains comme la latérite et explorer l’écriture dogon. Ce plasticien et performeur ne s’éloigne jamais de la critique sociale, où il plante la matrice de son art. Ses oeuvres sont exposées dans de nombreux musées en Europe et aux Etats-Unis.
Dans son roman La légende l’assassin, le romancier et dramaturge Kangni Alem lui a rendu un hommage bien mérité.
Reste pourtant à savoir quelle sera la suite à donner à cette sortie du plasticien. Le combat contre le néocolonisme français en Afrique n’est pas une sinécure et ne devrait pas s’arrêter à quelques phrases ludiques sur les réseaux sociaux. La France en Afrique, c’est tout un système politique, économique, militaire et culturel énorme dans lequel sont également impliqués des Africains.
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