Des médias français ont sommairement évoqué son rôle dans le blocage du voyage de l’embarquement de l’ancien ministre de l’intérieur François Boko le 28 mars dernier. Ce haut gradé français qui est depuis 2013 conseiller de Faure Gnassingbé pour des questions militaires remue ciel et terre pour atteindre son but.
L’ancien général Raymond Germanos, à en croire le journal Le Monde, fut chef de cabinet de l’ancien ministre français de la Défense Charles Million et ancien conseiller militaire des présidents camerounais Paul Biya et centrafricain François Bozizé. Depuis six ans, il a déposé ses bagages à Lomé où sa mission est tout sauf officielle.
C’est cet homme en charge d’une obscure mission de “modernisation de l’armée togolaise” qui s’occupe de ce qu’on appelle à la présidence du Togo “l’affaire Boko“. Avec ses bras longs, il arrive à distiller fausses informations et manœuvres de réseaux pour empêcher l’avocat franco-togolais de réaliser son projet de retour au pays et d’implication dans le processus électoral de 2020. Et pour cela, il aurait la bénédiction des apparatchiks du régime.
Sa nouvelle trouvaille est de tenter d’opposer Boko à ses anciens frères d’armes en le présentant comme un traître. Il se servirait d’un site d’information peu crédible pour disséminer la rumeur selon laquelle Boko aurait en 2005 livré à la CIA américaine des informations relatives à de supposés liens entre des responsables togolais et la Colombie, pour le trafic de cocaïne.
Le même homme aurait été à l’origine des bruits qui ont couru à Lomé, selon lesquels s’il revenait au Togo, François Boko serait poursuivi pour “désertion” par la haute hiérarchie des FAT. On voit qu’il ne lésine pas sur les moyens dans sa basse besogne.
Ce qui fait courir Germanos et ses comparses togolais, c’est la popularité de François Boko au Togo, y compris au sein des Forces Armées Togolaises. La posture de l’homme politique et le fait qu’il soit vu comme un homme de consensus dérange quelques-uns. Mais le jeu dangereux de Germanos pourrait se retourner contre lui. L’armée togolaise compte des officiers bien formés et bien renseignés, qui savent démêler le vrai du faux et qui sont attachés au devenir de leur pays.
Général 5 étoiles et mille tentacules
En 2010, Raymond Germanos a été condamné en France, à dix mois de prison avec sursis pour avoir téléchargé sur son ordinateur plusieurs milliers de photos à caractère pédophile. Le ministre français de l’époque, Hervé Morin avait demandé sa radiation. Il aurait aussi ses entrées dans les milieux d’affaires français et étrangers.
Au Togo, Germanos est comme un poisson dans l’eau. Il a ses entrées partout, grâce notamment au réseau des Francs-maçons, fraternité à laquelle appartiennent presque tous les dirigeants du pays. Sur l’appartenance de Germanos à la franc-maçonnerie et ses liens avec des multinationales, le Nouvel Obs écrivait en 2000:
« La filière nucléaire française civile, via le Commissariat à l’Energie atomique et EDF, et plus encore la bombe atomique, en revanche, reste très liée aux maçons. » La bombe française était un vrai projet d’indépendance nationale, affirme un de ceux qui a connu cette épopée : c’était une affaire d’hommes et de conscience. » Tout s’est joué au sein d’une fraternelle, à la direction des affaires militaires du CEA. Dont le président est aujourd’hui Emmanuel Duval. Beaucoup d’industriels de la Défense sont maçons – dont Pierre Faurre, patron de la Sagem, membre de la GL, ou Serge Dassault (GO, actuellement sous le coup d’une mesure de suspension)… Et beaucoup de militaires aussi, à commencer par un des plus hauts gradés, le général cinq étoiles Raymond Germanos (GLNF), inspecteur général des armées. Via la Grande Loge nationale française (GLNF), des passerelles sont jetées vers l’industrie de défense des Etats-Unis, où l’implantation maçonne est très forte, comme dans tout l’establishment américain… »
On le voit à Lomé, dans les hôtels et restaurants les plus huppés. L’homme est connu pour ses mauvaises mœurs. Il aurait été chassé du Cameroun pour fait de pédophilie, après y avoir joué un mauvais rôle dans la réforme de l’armée. Il a trouvé l’occasion de s’installer à Lomé avec son épouse, sur laquelle circulent aussi des choses pas très claires…
Le silence de la France officielle
On s’attendait après l’échec du départ de François Boko le 28 mars à ce que le gouvernement français réagisse. Mais depuis lors c’est silence radio. Les pressions exercées sur la compagnie Air France, les menaces proférées contre l’avocat et ancien ministre n’ont pas encore suffi à pousser l’Elysée ou le Quai d’Orsay à mettre de l’ordre dans les choses. Et la sécurité de Boko en France après 14 années d’exil est devenue problématique.
D’après nos informations, l’ordre d’empêcher l’embarquement sur le vol n’aurait jamais eu l’aval des officiels français. De plus, à bord du même appareil d’Air France, les mains qui agissaient dans l’ombre auraient fait monter un personnage dont le rôle était d’éliminer Boko, si jamais il réussissait à embarquer. L’individu aurait voyagé en classe affaire, dans le même compartiment où Me Boko aurait dû prendre place.
Cela fait deux Français au passé sulfureux: un ancien universitaire et juriste d’une part, et un ancien général d’autre part, qui se la coulent douce à Lomé tout en jouant dans les eaux troubles de la dictature. Tous deux ont eu maille à partir avec la justice de leur pays et se comportent au Togo comme dans une colonie.
K. AGBOGLATI
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