Le retour annoncé au pays de Akila-Esso François Boko est en « bonne voie », vient de confier au Temps un proche de l’homme politique en exil. L’intéressé à en croire la même source multiplie des initiatives afin de se mettre définitivement au service du combat du peuple togolais pour sa libération et pour l’alternance. En attendant le grand événement, Le Temps revient sur les conditions dans lesquelles l’ancien ministre de l’intérieur a quitté le Togo en 2005 et les conséquences plausibles de son retour au bercail.
Exfiltration après intenses négociations
Plusieurs chancelleries occidentales sont intervenues en Avril 2005 pour faciliter le départ en exil du ministre démissionnaire. Mais les choses n’ont pas été faciles avec le président intérimaire Abass Bonfoh et surtout le groupe d’officiers fidèles à Faure Gnassingbé. Des menaces de mort avaient été proférées contre Boko et les chancelleries qui le protégeaient. Le régime n’acceptait pas que son plan de répressions contre les populations favorables au changement ait été mis à nu. Et surtout que le ministre de l’intérieur, qui plus est officier supérieur des Forces Armées Togolaises, ait voulu prendre la poudre d’escampette après avoir dénoncé le système. La suite des événements – avec plus de 500 Togolais massacrés – lui donneront malheureusement raison.
Si la France avait accepté d’offrir l’asile à Boko, deux autres puissances ont joué un rôle non moins important. Ce fut le cas de l’Allemagne qui dépêcha à Lomé un aéronef et des Etats-Unis qui avaient envoyé un véhicule blindé pour permettre à François Boko de quitter la résidence de l’Ambassadeur d’Allemagne où il était réfugié. Les diplomates de ces trois pays et celui de l’Union Européenne avaient été décisifs dans l’exfiltration de Boko.
Un acte de « grande intégrité et de courage» selon le Département d’Etat Américain
Le porte-parole adjoint du Département d’Etat Américain M. Adam Ereli avait tenu à saluer l’acte de bravoure et de grande responsabilité posé alors par l’homme politique François Boko, dans la déclaration ci-dessous :
Déclaration de presse Adam Ereli, porte-parole adjoint Washington DC 22 avril 2005 L’élection présidentielle au Togo
Les États-Unis notent avec une profonde inquiétude les allégations du ministre togolais de l’Intérieur contestant la crédibilité de l’élection présidentielle de dimanche. Le ministre Boko a fait preuve d’intégrité et de courage en partageant ses préoccupations concernant le processus électoral. Nous nous associons au président de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour demander aux autorités togolaises d’organiser les élections de manière libre et équitable. La communauté internationale examinera de près le processus de vote et de décompte des votes par les autorités togolaises. La réconciliation nationale pacifique au Togo nécessite des élections qui reflètent la volonté du peuple togolais. Nous appelons tous les chefs de partis politiques à insister pour que leurs partisans se comportent de manière pacifique. Tous les partis politiques au Togo doivent être prêts à travailler ensemble, maintenant et à l’avenir, pour promouvoir les intérêts de leur nation. Nous avertissons les autorités gouvernementales que les forces de sécurité doivent agir dans le strict respect des normes internationales des droits de l’homme. 2005/439.
Comment les autorités vont-elles accueillir celui qui a osé claquer la porte ?
Des tractations auraient commencé depuis quelques mois autour du retour de l’ancien ministre de l’intérieur et candidat potentiel à l’élection présidentielle de 2020. D’après nos informations, des contacts auraient eu lieu entre Paris et Lomé en novembre 2018 sans que l’on sache avec précision leur teneur et les résultats auxquels ils auraient abouti. M. Boko aurait insisté sur des mesures de sécurité pour sa personne et ses proches quand il mettra pied au pays. Il aurait aussi demandé que ses papiers d’identité (certificat de nationalité et passeport) lui soient délivrés. Nous n’avons pas d’indication sur l’issue de ces négociations.
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On apprend par ailleurs que des actions diplomatiques auraient été engagées du côté de Bruxelles, Berlin, Washington et vers certaines capitales ouest-africaines, afin que le retour de cet acteur politique intervienne dans de bonnes conditions.
Dans tous les cas, pour les proches de l’avocat togolais basé à Paris depuis 14 ans, le retour à Lomé interviendra « bientôt », quelle que soit l’issue des négociations avec les autorités. S’achemine-t-on vers un bras de fer ou bien la partie dirigeante va-t-elle entendre raison et laisser les choses se faire en douceur ? Rien n’est moins sûr !
Avec les relations tendues entre Boko et le régime de Faure Gnassingbé depuis toutes ces années, il est clair que le gouvernement ne sera pas toute aise pour étaler le tapis rouge pour recevoir François Boko. Le fait que ce dernier serait prêt à se positionner comme candidat des forces de l’opposition pour le scrutin présidentiel de l’année prochaine ne facilite pas les choses.
Quand la peur change de camp
Les spéculations les plus folles vont bon train, pour faire croire que François Boko ne pourrait pas rentrer dans son pays. Des médias proches de la mangeoire y vont de leur imagination, avec des scenarii les plus loufoques les uns que les autres. Ainsi lit-on que M. Boko pourrait être empêché de rentrer au pays. Ou encore qu’il allait être interpellé à son retour pour cause de « désertion de l’armée ». On dit aussi qu’on le laisserait rentrer pour ensuite l’empêcher de se présenter à l’élection présidentielle ; ou encore l’y autoriser puis truquer le scrutin comme on a l’art de le faire depuis des décennies.
Ce qui est sûr, c’est que Me Boko ne semble avoir cure de ces spéculations et menaces voilées. Notre source considérée comme un bras droit de l’ancien ministre assure que c’est le même courage qui a permis à Boko de dénoncer le désastre de 2005 qui l’anime aujourd’hui pour rentrer chez lui et user librement de ses droits civils et politiques.
Le Tems ne manquera aucune étape du bras de fer qui se profile ; un feuilleton politique qui s’annonce palpitant et qui va assurément bousculer toutes les projections sur l’avenir du Togo.
Le Temps
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