Togo : A qui profite le statu quo ?

Malgré le contrôle qu'il a sur tout l'appareil d'Etat et les fidèles qui l'entourent, le sort de Faure Gnassingbé n'est pas certain après 2020.

En apparence, le président Faure Gnassingbé est au sommet de son règne à la tête du Togo. Depuis 2005 et la succession chaotique de son père, il n’a jamais eu autant toutes les cartes politiques en main. Mais à une année de la fin de son troisième mandat, la toute-puissance du plus ancien chef d’Etat d’Afrique de l’Ouest cache un profond malaise de fin de régime.
Le dialogue politique est au point mort depuis que le pouvoir a réussi à organiser les élections législatives, qui lui ont donné un monopole quasi-complet de l’Assemblée nationale. Les réformes réclamées par l’opposition et promises par le gouvernement interviendront dans les prochaines semaines dans ces conditions opaques. UNIR au pouvoir aura la latitude de réviser la constitution et préparer à sa manière l’élection présidentielle, avec comme ambition naturelle de garder le pouvoir.  

Les fidèles en ordre de bataille 

C’est un gouvernement de fidèles que le non moins fidèle premier ministre Selom Komi Klassou a mis en place, quand il a été reconduit à la tête de l’exécutif, contre toute attente. Les ministères stratégiques sont entre les mains des personnes qui ont par le passé démontré leur dévotion au chef et leur attachement à la perpétuation de son règne. Il en est ainsi du ministre de l’administration territoriale Payadowa Boukpessi. Faure Gnassingbé compte sur son expérience pour maîtriser les réseaux administratifs territoriaux. Gilbert Bawara à la fonction publique aura plus de cartes politiques à jouer. Quant à Yark Dahmyane, son rôle de gendarme de la république et ses capacités de réseautage seront sollicités plus que jamais.
Le même dispositif est visible à l’assemblée nationale ou Yawa Tsegan devra fermer les yeux pour faire adopter tous les textes que le cabinet du président préparera.
Le plus dur pour le pouvoir cependant, ce n’est pas la nature des textes qui seront adoptés. Mais ce sont les positions que les acteurs nationaux et la communauté internationale vont afficher par rapport à toute velléité de quatrième mandat.

  En aucun cas…


Le principe de limitation de mandat obligerait Faure Gnassingbé malgré les provisions constitutionnelles qui lui seraient favorables à renoncer à briguer un quatrième mandat. Même avec une opposition affaiblie, si le président en poste décide de se porter candidat, il irait à l’encontre de ce qui passe de plus en plus comme une règle consacrée en Afrique de l’ouest. A cet effet, la situation en Cote d’Ivoire et en Guinée sera très scrutée par ses conseillers. Si dans le premier pays Alassane Ouattara brigue un troisième mandat, ceci serait un encouragement pour son « ami et frère » Gnassingbé du Togo. Même scénario en Guinée où on est presque au même stade de remaniement des textes ou du moins, de manifestation d’intérêt. Il est sûr que Faure Gnassingbé ne fera pas connaitre son intention avant le dernier moment.
La tendance qui monte au sein des forces de l’opposition est de parer à toute éventualité : s’organiser et peser sur le scrutin présidentiel que Faure Gnassingbé soit candidat ou pas. Ce qui suppose bien entendu que les adversaires du régime parviennent à obtenir des mesures susceptibles de contribuer un tant soi peu à la transparence de cette élection. On est encore loin de cela.

 
La communauté internationale aux aguets

Les regards seront tournés vers le Groupe des 5. En effet les Ambassades à Lomé qui représentent la France, l’Allemagne, l’Union Européenne, les Etats-Unis et les Nations Unies pourraient avoir un rôle à jouer dans la conciliation de la classe politique. Il y a pour cela au moins deux portes d’entrée : soit le G5 s’engage dans une médiation ouverte pour rapprocher les positions autour des réformes politiques et l’organisation des élections, soit ces ambassades utilisent des mécanismes de leur coopération pour intervenir dans le processus électoral. Une option n’excluant pas l’autre, le rôle du G5 serait déterminant après l’échec de la CEDEAO qui a abandonné le Togo à son sort.
La morosité qui caractérise le jeu politique cache la complexité de la situation. Si le pouvoir continue à user de faux-fuyant, il ne ferait que reporter les problèmes. L’année 2020 apparait comme cardinale dans la résolution de la longue crise au Togo. Soit on verra le bout du tunnel, soit la situation échappera aux protagonistes traditionnels sur le terrain. Et cette inconnue n’arrange personne.
 
K. Agboglati


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