Presse : Le PPT dément avoir reçu l’argent de la corruption

En pleine bourrasque de scandale de corruption, le Patronat de la Presse Togolaise dément que ses membres ont bénéficié des « cadeaux » du chef de l’Etat.

«Le PPT tient à informer l’opinion qu’aucun de ses membres n’a été bénéficiaire des enveloppes de 400.000 F CFA distribuées par le Président de la Haac comme cadeaux de fin d’année de la part du Chef de l’Etat à certains journalistes », selon le communiqué.

Le PPT tient donc pour vrai que le président Faure Gnassingbe a effectivement distribué des “cadeaux” en espèces aux journalistes et que le colis était sous pli.

En outre, cette organisation soutient que «Carlos KETOHOU n’a introduit aucune liste, ni effectué une quelconque négociation envers le Président de la Haac en faveur de ses membres ». Ce dernier aurait été victime de “cyberattacks” (sic) sur les réseaux sociaux, d’après le communiqué.

Le communiqué souligne d’ailleurs que toute autre déclaration contre Carlos Ketohou, le président du PPT, ne serait que diffamation.

Cependant, ce communiqué ne pourra pas ôter les doutes qui pèsent sur le sérieux du PPT depuis le déclenchement de cette affaire. Le communiqué intervient d’ailleurs dans un contexte de deux demissions dans ses rangs.

Tout d’abord, deux de ses membres démissionnaires, l’Alternative de Ferdinand Ayité et Le Rendez-vous d’Albi Alfa, ne sont pas revenus sur leurs démissions. Des départs qui risquent de fragiliser cette organisation plutôt proche de l’opposition et aux avant-postes de la lutte contre la corruption et pour la démocratie.

Ensuite, lors de son passage à l’émission Toc-Toc sur LCF, Carlos Ketohou a été confronté à Dominique Alizou, directeur de publication de l’hebdomadaire La Chronique, un journal notoirement proche du pouvoir. Et ce dernier, Monsieur Normal II, était scandalisé que l’on puisse parler de” l’argent de la corruption” en parlant des « cadeaux » du chef de l’Etat.

Lors de son intervention modérément combattue par Carlos Ketohou, Dominique Alizou a fait des révélations sur des opérations financières réalisées par lui et certains journalistes, y compris Carlos Ketohou. Des opérations qui relèvent des habitudes dans la presse privée togolaise.

Ainsi, avoue Dominique Alizou, lors d’un voyage officiel du chef de l’Etat aux Etats-Unis, les journalistes  ont-ils bénéficié chacun de 2.000 dollars supplémentaires comme «cadeau» du chef de l’Etat, ce en plus «des frais de mission» obtenus auprès du Trésor public.

Une autre fois, Dominique Alizou déclare avoir retiré dix millions CFA auprès du Secrétariat permanent du gouvernement et  équitablement réparti cet argent, 2 millions CFA à cinq journalistes, dont Carlos Ketohou. Il s’était agi d’un “devis” établi au nom d’un travail notoirement ficitif, à en croire M. Alizou, en tout cas pour une besogne qui ne relevait pas d’un travail ordinaire d’un journaliste.

Les 400.000 CFA de cadeau  du chef de l’Etat paraissent pipi de chat à côté des graves révélations faites par Dominique Alizou.

Presse et argent

Enfin, d’une façon  générale, il est un fait indéniable : l’argent régit les rapports entre le pouvoir et la presse privée togolaise. Beaucoup d’argent circule et de nombreux journalistes, notamment les fameux directeurs de presse s’en accommodent allègrement.

Il s’agit d’ailleurs d’une situation recherchée par les journalistes d’être soignés par le pouvoir pour « services rendus ». Ce qui jette un halo de doute sur la portée des informations distillées au public.

Dans une presse caractérisée par une absence totale de moyens, il n’est pas proprement scandaleux que l’Etat prenne en charge tout ou partie des frais de voyage des journalistes pendant une visite officielle du chef de l’Etat ou du Premier ministre.

Il en découle pour plus de transparence la nécessite que l’opinion publique soit renseignée  des missions qu’effectue  le chef de l’Etat. Et la participation de la presse privée ne peut apporter qu’un autre regard différent des reportages dithyrambiques de la presse officielle.

Cependant l’argent vient gâter ce qui apparait au prime abord une bonne idée. En dehors des frais de mission, normalement attribués à tout fonctionnaire en mission, et donc émargeant au budget de l’Etat, le fait de recevoir des gratifications du chef de l’Etat ne peut être considéré que comme un acte de corruption. Les journalistes peuvent difficilement nier les influences de ces dons exceptionnels du président sur leurs écrits.

Nettoyez la presse

On comprend dès lors les mièvreries de reportages lus çà et là dans la presse à l’occasion des visites du chef de l’Etat.

Avec cette affaire des 400.000CFA du chef de l’Etat s’ouvre publiquement le livre de l’histoire de la corruption de la presse privée. Les folles rumeurs racontées dans les gargotes de la capitale sous forme de médisance paraissent désormais vraisemblables.

Un mois après les Journées portes ouvertes de la presse privée, dont l’apothéose a eu lieu avec la distribution de « cadeaux » de la presse aux directeurs de sociétés de la place,  l’affaire des 400.000 CFA vient comme pour dénoncer l’imposture d’une certaine presse.

Il est temps  de nettoyer les écuries d’Augias !


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A propos Komi Dovlovi 1113 Articles
Journaliste chroniqueur, Komi Dovlovi collabore au journal Le Temps depuis sa création en 1999. Il s'occupe de politique et d'actualité africaine. Son travail est axé sur la recherche et l'analyse, en conjonction avec les grands  développements au Togo et sur le continent.

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