Le Patronat de la presse togolaise (PPT) enregistre une deuxième démission d’un de ses membres, suite au scandale corruption qui secoue la presse.
Cascade de démissions au sein de la presse privée à cause d’un don en espèces du chef de l’Etat togolais à une catégorie particulière de journalistes. Ferdinand Mensah Ayité, directeur du bi-hebdomadaire L’Alternative, journal critique à l’égard du pouvoir en place, vient de quitter en douce le PPT, «pour des raisons personnelles».
Cette démission fait suite à une première démission, le 9 janvier dernier, celle d’Albi-Alfa, Directeur de publication du journal Le Rendez-vous, et vice-président du PPT.
Ces départs au sein du PPT illustrent un malaise dans la presse. Le PPT est présenté comme proche de l’opposition, et ces journalistes, mythiquement incorruptibles, sont aux avant-postes de la lutte contre la corruption.
Pourtant cette confrérie des Robespierre de la presse privée se trouve elle-même entachée : l’un de ses leaders, en l’occurrence, son président, Carlos Ketohou, serait au cœur du scandale. Une histoire d’arroseur arrosé.
De quoi s’agit-il dans la presse ?
Selon des sources dignes de foi et corroborées par l’un des bénéficiaires, le Président de la République, comme «à l’accoutumée», aurait décidé de gratifier certains journalistes de subsides pour «bien passer les fêtes de fin d’année.» Un cadeau du président, dit-on, sans qu’on sache sur quels budgets émarge une telle générosité de Faure Gnassingbé.
L’argent aurait été remis à Pitang Tchalla, ci-devant président de la Haac, et grand pourfendeur, devant l’éternel, des comportements déviants dans la presse privée.
C’est par lui que le scandale est arrivé. Plusieurs dizaines de journalistes et des intervenants dans le monde de la communication, auraient perçu chacun 400.000 CFA pour la fête. Dans le plus grand secret. Jusqu’à ce que le secret est dehors…
Une machine digne de l’affaire Clearstream
Dans une machination digne des grands polars, le corbeau, celui qui aurait vendu la mêche concernant le partage d’une somme importante venant de la présidence de la République, serait lui-même, d’après son entourage, l’un des tenants et aboutissants de l’affaire.
Frustré de n’avoir pas pu toucher le jackpot ( 1,5 million CFA) qu’il aurait souhaité et ne pouvant pas se contenter des merles, 400.000 CFA, faute d’avoir les grives, le corbeau, aurait donc publié sur le réseau social whatsapp, la liste des présumés bénéficiaires de la générosité présidentielle.
Sur la liste, on trouve les fameux journalistes du CONAPP, le patronat proche du pouvoir, évidents et normaux destinataires de la générosité de Faure Gnassingbé.
Mais, excellente machination, la liste est truffée de faux bénéficiaires, des journalistes dont on voudrait peut-être entacher la « réputation ». Il y a des listes de 35 journalistes, d’autres de 60.
Résultat, une incompréhension et une confusion totales sur la vérité de la liste voire sur son existence réelle. Tout le monde soupçonne tout le monde tandis que de sérieuses suspicions pèsent sur les démentis formels apportés par certains présumés bénéficiaires.
Si l’on voulait tomber le discrédit sur la presse privée, on ne s’y serait pas pris autrement. Une affaire Clearstream à la sauce togolaise.
Et, comme pour rendre l’imbroglio encore plus difficile à démêler, le PPT signe un communiqué au vitriol pour fustiger l’attitude du Président de la Haac, M. Pitang Tchalla, le précieux missionnaire du chef de l’Etat, et des journalistes bénéficiaires.
Dans ledit communiqué du PPT, il est même demandé aux journalistes bénéficiaires de ne pas céder à la tentation d’entacher leur travail à cause de l’argent de « la corruption ».
Carlos Ketohou et Pitang Tchalla sur la sellette
Cependant, Carlos Ketohou, le signataire du fameux communiqué du PPT, est considéré par certains membres comme le fameux corbeau. En pleine réunion du PPT, il a le réflexe du journaliste d’investigation, appelle Pitang Tchalla au téléphone pour savoir si les allégations de la liste sont vraies. Comédie ? Décontenancé d’une telle outrecuidance, le président de la Haac aurait tout simplement raccroché sans broncher.
Depuis la découverte du pot aux roses, Carlos Ketohou est sur la sellette. Son PPT est en voie d’implosion avec le départ de ses membres. Pire, lui-même risque fort de perdre la face, jetant du discrédit sur tout son combat, surtout celui en matière de journalisme des droits de l’homme. Son journal, L’Indépendant Express risque d’en pâtir également, le contenu devenant suspect.
Mais le noeud de l’affaire, à savoir l’éthique bafouée, est en passe d’être oublié. On connait déjà les habitudes de la presse togolaise, facilement corruptible pour des clopinettes, cependant le comportement du Président de la Haac, institution de la République chargée de la régulation de médias, est proprement scandaleux si les faits sont avérés.
Si le président de la Haac se met dans le rôle du plus grand corrupteur commun, accepte de stipendier à tout va des journalistes, comment peut-il défendre cette institution devant la volonté manifeste d’un pouvoir central de contrôler et museler la presse ?
Depuis le début de l’affaire, Pitang Tchalla s’est emmuré dans un mutisme assourdissant tandis qu’un anonyme proche de la HAAC confiait à notre rédaction qu’il n’a pas agi en tant que président. Au nom de quoi alors aurait-il fait cela ?
Dans un communiqué, le président de l’ANC, Jean-Pierre Fabre, taxait Pitang Tchalla d’être illégitime. Cette affaire des dons présidentiels en argent à certains journalistes montre à suffisance qu’il ne fait aucuns efforts pour prouver le contraire à ses détracteurs.
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