Le président de la Cour Constitutionnelle de Guinée, Kelefa Sall, est menacé de destitution par ses pairs, avec le concours du président Alpha Condé.
Quelque chose ne tourne pas rond en Guinée. Le pays de l’exubérance de la pluie et du scandale géologique, s’apprêterait-il à entrer dans ses excès, ces zones de fortes effervescences qui le jettent chaque fois dans l’incertitude voire l’instabilité politique ?
Selon de nombreux médias guinéens et RFI, le président de la Cour Constitutionnelle, plus haute juridiction du pays, chargée de veiller au respect de la Constitution et surtout à la régularité des élections, est dans la ligne de mire du Président Alpha Condé.
Par conséquent, l’entourage de ce dernier reproche au magistrat Kelefa Sall sa droiture, de constituer un bouclier de la démocratie, en fait d’être un rempart contre un retour de l’autocratie .
Aussi Kelefa Sall est-il constesté par la majorité des Commissaires de la Cour Constitutionnelle qui l’avaient pourtant plébiscité pour son caractère trempé de démocrate.
Un pressentiment de Kelefa Sall
Les soubresauts que vit la Cour Constitutionnelle interviennent un an après l’investiture d’Alpha Condé pour un second mandat. Et les ennuis du Président Kelefa Sall viendraient de sa déclaration courageuse lors de la cérémonie d’investiture devant un parterre de chefs d’Etats africains.
Comme un pressentiment, le président de la Cour Constitutionnelle mettait en garde le président réélu Alpha Condé contre le péché mignon d’une modification de la Constitution pour illimiter le nombre de mandats.
« Evitez toujours les dérapages vers les chemins interdits en démocratie et en bonne gouvernance, gardez-vous de succomber à la mélodie des sirènes révisionnistes, car si le peuple de Guinée vous a donné et renouvelé sa confiance, il demeure cependant légitimement vigilant », conseille le président de la Cour Constitutionnelle en 2015.
Un président au-dessus de toutes les institutions
Mais en Guinée, le Président de la République se croit au-dessus de toutes les institutions.
Normalement, professeur de droit, passé par la Sorbonne, vieillard de 78 ans et plus de 50 ans d’opposition politique, Alpha Condé est censé être intelligent et démocrate pour accepter gaiement les avertissement de Kelefa Sall.
Que nenni ! Les rumeurs folles sur sa volonté de se représenter en 2020 seraient vraies. En témoignent les tentatives des autres membres de la Cour Constitutionnelle qui bénéficient d’un appui haut placé pour évincer « le téméraire et légaliste Kelefa Sall ».
La preuve : le ministre de la Justice, Cheick Sacko en personne, menace ouvertement le président de la Haute Cour Constitutionnelle pourtant au-dessus des institutions.
«Dans un organe constitutionnel, il n’y a pas que le président. Il est important qu’on travaille en collégialité. […] Et là, je m’adresse à toutes les institutions, y compris la Cour constitutionnelle », déclare le ministre Cheick Sacko, découvrant ouvertement le fournisseur des armes pour éliminer le président de la Cour Constitutionnelle.
Et ils sont en voie de réussir leur coup puisque les réunions de la Cour se tiennent désormais à l’absence du Président Kelefa Sall alors que réglementairement c’est lui qui doit les présider.
Les démocrates ont soutenu Alpha Condé à son arrivée au pouvoir en 2010, après le second tour le plus long d’une élection présidentielle jamais tenue en Afrique voire au monde.
Beaucoup avaient cru qu’avec le président du RPG, on allait avoir une vraie alternance en Guinée. Son passé d’opposant radical à Sékou Touré et à Lansana Conté plaidait en sa faveur.
Issu d’un second tour le plus long de l’histoire
Cet ancien de la Fédération des étudiants d’Afrique Noire de France (FEANF), un repère maoïstes et de staliniens, avait vraiment la tête du job pour changer un pays profondément marqué par plusieurs décennies de dictatures.
En dépit des tensions ethniques- c’est une récurrence en Guinée, exacerbées entre Peuls et les autres ethnies de la Guinée, lesquelles tensions sont attribuées à tort ou à raison à Alpha Condé de les attiser, l’essentiel de la communauté internationale, surtout la France avait pris fait et cause pour l’actuel locataire de Sékoutouréya.
Son élection dans ces conditions quelque peu démocratiques contre Cellou Dallein Diallo- un ancien Premier ministre du général ubuesque Lansana Conté- qui pour passer richissime n’aurait pas gagné honnêtement sa vie, représentait une vraie rupture avec l’ordre ancien.
Un ancien stalinien de la FEANF
Les soutiens du président guinéen en 2010 doivent se mordre le doigt aujourd’hui. Alpha Condé était un stalinien dans les années FEANF. Il n’a guère changé et il a la rancune tenace du Georgien, au point de prendre pour humiliantes les suggestions du Président Kelefa Sall.
Aussi n’est -il pas devenu le démocrate que l’on croyait. Pire, comme dans les cas que l’histoire a connus en ce qui concerne les pays communistes, il manque visiblement de psychologie pour lancer la Guinée sur le chemin du développement. Il fait du surplace.
Les Guinéens souffrent toujours de pénurie d’eau et d’électricité…dans un pays considéré comme le Château d’eau de l’Afrique de l’Ouest.
Incertitude sur l’avenir de la Guinée
Les Guinéens sont patients quant au retard à l’allumage du développement de leur pays. Ils savent qu’ils viennent de loin. De très loin. De Sékou Touré à Dadis Camara le schizophrène en passant par Lansana Conté, le malheur et la malchance ne leur ont fait aucun cadeau.
Mais on peut s’inquiéter de les voir devenir très nerveux et perdre leur patience si le vieillard stalinien attrape la « constitutionnite », cette nègrerie étrange qui pousse les dirigeants africains à s’éterniser au pouvoir en procédant par des tours de passe passe juridique à la modification des droits fondamentaux de leurs peuples.
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