L’Union Européenne signe les APE avec 6 pays africains dont l’Afrique du Sud

(Agence Ecofin) – Après 10 ans d’âpres négociations, l’Union Européenne et six pays membres de l’union économique et douanière sud-africaine (Botswana, Lesotho, Mozambique, Namibie, Afrique du sud et Swaziland) ont signé le 10 juin 2016 dans la localité de Kasane au Botswana, les accords de partenariat économique (APE), a-t-on appris d’un communiqué officiel. Bien que cet accord engage une part minoritaire des pays de cette sous-région (six sur quinze), la présence de l’Afrique du sud, l’économie la plus diversifiée d’Afrique et la plus développée de la sous-région, donne un poids particulier à cet accord.

La signature de cet accord devrait aussi inspirer d’autres sous-régions, notamment l’Afrique centrale où, dans un groupe de six pays qui résistent encore, le Cameroun a choisi de faire cavalier seul, avec un accord intérimaire qui entrera en vigueur en octobre 2016. L’UE devrait aussi bientôt finaliser son accord avec les pays d’Afrique de l’est.

Le ministre Botswanais de l’industrie et du commerce, Vicent Saretse, a parlé d’un accord historique qui marque le début d’une nouvelle orientation des relations économiques avec le partenaire européen. Du côté de l’Union Européenne, Cecilia Malmström, la commissaire au commerce, a défendu les opportunités de co-développement qu’offraient ces accords, qui introduisent notamment de la flexibilité dans les clauses du pays d’origine.
Mais la responsable européenne a reconnu que la richesse dont il est question, ne viendra pas automatiquement. Il faudrait encore pour cela, ajoute-t-elle, renforcer la coopération entre les deux blocs de partenaires.
De nombreux experts africains estiment que ces accords ne sont pas plus une solution pour le développement de l’Afrique que ne l’ont été les accords de Cotonou, qui offraient déjà l’avantage pour les pays d’Afrique des caraïbes et du Pacifique, de vendre tout sur le marché européen, sauf les armes, tout en protégeant leurs marchés et en générant des recettes budgétaires. Dans un tel contexte d’asymétrie commerciale, très peu de ces pays se sont véritablement développés et l’Afrique du sud se présente comme une exception.

Par ailleurs d’autres observateurs estiment que l’Afrique négocie mal ce nouvel accord, car la vraie raison de cette initiative n’est pas celle de développer l’Afrique qui a aujourd’hui diversifié ses partenariats, mais plutôt de protéger le marché européen de certains pays émergents (Brésil, Inde, Corée du sud, Turquie, Chine et autres). Ces derniers ont gagné en compétitivité et, en vertu de la clause de la nation la plus favorisée applicable dans le cadre de l’organisation mondiale du commerce, pourraient eux aussi revendiquer le bénéfice d’une asymétrie commerciale avec l’Europe, une situation qui pourrait faire perdre au vieux continent le contrôle sur son propre marché, et avec des millions d’emplois.

Un troisième niveau de reproche qui est fait à l’accord proposé aux ACP par l’Europe, c’est qu’il pérennise le système de rente, qui fait des pays africains notamment, des économies marginales de débouchés et d’approvisionnement en matières premières, dans le cadre d’un marché commun, où seuls les biens et les capitaux circulent librement, alors que pour les personnes, l’obtention des visas demeure un parcours difficile.
Pour d’autres experts cependant, même si ces accords recèlent encore des aspects d’iniquité, ils remplacent un cadre qui a été, pour l’Afrique notamment, l’une des plus grandes erreurs commerciales de l’histoire de la région. Si ces pays pouvaient en effet tout vendre en Europe sauf les armes, les barrières douanières imposées sur les intrants technologiques notamment (sous réserves des exonérations ciblées accordées aux exploitants de ressources et autres matières premières), ont plombé l’industrialisation qui était naissante dans la région, la confinant au statut de pourvoyeuse de matières premières.

La nouvelle alliance entre l’Union Européenne avec ses partenaires de l’Afrique australe donne le ton de la situation. Avec l’Afrique du sud, les échanges en 2015 ont atteint 44 milliards d’euros (soit 80% des échanges avec les pays engagés), dont 25 milliards d’euros d’exportations pour l’Union européenne. Une situation de déficit qui ne semble pas trouver de solution sur le court terme.

Tous ces aspects seront peut-être pris en compte lorsque l’accord sera soumis à la validation des parlements des pays concernés.
Idriss Linge


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A propos Emilie ORONG 960 Articles
Emilie Orong est une passionnée de l'écriture. Elle a rejoint L'Equipe Le Temps en 2015. Couvre l'actualité nationale en tous genre et a un regard pointu sur l'actualité africaine.

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