Il y a de l’eau dans le gaz dans les rangs de l’opposition. Les deux plus grandes coalitions actuelles, le Collectif Sauvons le Togo (CST) et la coalition Arc-en-ciel sont confrontés à des conflits internes qui pourraient conduire à leur implosion. La répartition des sièges à la Commission électorale nationale indépendante (Céni) constitue la pomme de discorde dans les deux regroupements de l’opposition.
L’Alliance pour la démocratie et le développement intégral (ADDI)- longtemps un allié de l’UFC et maintenant partenaire de l’ANC depuis 2010- a dénoncé au cours de sa conférence de presse ce 24 septembre les manœuvres de son allié pour s’arroger les trois sièges dévolus à la coalition à la Céni.
De son côté, l’Union pour la démocratie sociale (UDS-Togo) s’insurge contre présence de membres du CAR à la Céni au titre de la Coalition Arc-en-ciel. Ça tire dans tous les sens.
Le vocabulaire utilisé lors de ces dénonciations illustre la déception de ces partis. L’ADDI parle de “trahison”, de “forfaiture”, de “tsunami” et “d’amateurisme”. L’amertume est d’autant plus grande du côté de l’ADDI que ce parti est l’un des rares à avoir soutenu l’ANC au moment de sa scission avec l’UFC et lui a apporté le soutien de l’électorat de la Savane à la présidentielle de mars de 2010 et évité la Bérézina à l’opposition dans le Nord-Togo.
L’ADDI n’est pas contente du comportement que son partenaire principal a eu lors de la formation de la CENI. Nous exprimons ainsi notre indignation et dénonçons avec vigueur ce comportement d’un parti ami auquel nous avons toujours marqué la fidélité et la confiance, a indiqué le Professeur Aimé Tchaboré Gogué.
Antoine Folly, le Premier Secrétaire de l’UDS-Togo, a posé clairement le problème en parlant de manque de “justice” et d’”équité”. Dans le partage du “gâteau” ? Ce qui peut susciter des méfiances chez des petits partis membres des deux coalitions.
Chasser le naturel, il revient au galop
On a toujours déploré les tendances hégémoniques de l’UFC du temps de Gilchrist Olympio. L’ANC partie avec le fonds de commerce de l’UFC, en a grandement hérité l’ADN. La preuve, il n’a pas été possible pour les membres de l’ADDI- trois députés sur 19 de la coalition, de discuter avec l’ANC.
En dépit de nos efforts de discuter, aucune communication n’a été possible sur le sujet. ADDI ne veut pas être complice des errements politiques puisque certains leaders de l’opposition jusqu’à ce jour n’ont pas pris la mesure et l’ampleur des enjeux”, déclare amer le Professeur Aimé Gogué.
La ligne qui consiste à se présenter comme détenteur du monopole de l’opposition continue à prévaloir du côté de l’ANC, qui s’est d’ailleurs attendu avec l’UFC pour rouler l’ADDI dans cette farine. L’OBUTS d’Agbeyomé a reproché cet appétit d’ogre à l’ANC, quand on lui a refusé un siège sur la liste CST de Lomé-Golfe.
La même attitude prévaut du côté du CAR- 5 députés sur 6-, qui s’arroge la part du lion en ne permettant pas aux partis membres de la Coalition Arc-en-ciel d’être au moins présent à la Céni. A quoi ça sert une coalition, si un seul bénéficie de ce qui revient à tous ?
Vers une implosion de l’opposition ?
Ces dissensions peuvent-elles conduire à un éclatement des coalitions ? Pas sûr, mais il y a une forte probabilité. Du côté de l’ADDI, on essaie d’encaisser le coup tout en laissant le “parti ami” faire un geste de bonne volonté.
Nous voulons conserver notre place dans l’opposition en continuant d’œuvrer pour la constitution d’une plus large union de toutes les forces qui veulent s’inscrire dans la dynamique de l’alternance en 2015, rappelle le président de l’ADDI sous forme de menace.
Retenez-moi ou je fais un malheur ?
Par contre, du côté de la Coalition Arc-en-ciel, le risque d’éclatement est fort élevé. Le problème de la répartition des rôles à la CENI se greffe sur une série d’incidents ayant émaillé la vie de cette coalition ces dernières semaines. Divisée sur la question de la candidature à la candidature unique de l’opposition, divisée sur la désignation de Me Dodji Apevon comme candidat à la candidature unique, la Coalition Arc-en-ciel erre déjà comme un bateau ivre sur l’océan de la politique togolaise. Plusieurs figures historiques de cette coalition, Me Mohammed Tchassona et le Professeur Bassabi Kagbara, font part de façon tonitruante et publiquement de leurs désapprobations, le plus souvent sur des questions byzantines, et cachent à peine leurs envies de représenter la coalition. Le Secrétaire général du CAR, Jean Kissi, très peu roublard comme son mentor Me Yaovi Agboyibo, et les autres membres de la coalition se querellent comme des chiffonniers.
Tout ceci se déroule à quelques encablures de la présidentielle de mars 2015 alors que des rumeurs sur une tenue du scrutin au début du premier trimestre se font de plus insistante. Au lieu d’un rassemblement fort, l’opposition part déjà en eau de boudin.
Tout ce remue-ménage relance le débat sur la solidité de ces coalitions nées de façon subite, plus sur le ciment de la haine vouée au régime en place que sur une réelle volonté programmatique de changer un pays meurtri par 50 ans de règne tribalo-clanique des Gnassingbé & associés.
Le CST est constitué de bric et de broc, de partis politiques et d’associations droits-de-l’hommiste, rassemblé sur un objectif unique sans fond réel: le départ d’Eyadema. Très tôt, la dichotomie entre les intérêts des avocats à la tête du Collectif et la finalité politique de ce regroupement. Le CST peut même se permettre de devenir un exutoire des rebuts d’UNIR, le parti au pouvoir. D’où la constitution du groupe ANC-ADDI à l’Assemblée nationale pour se différencier des agissements parfois très peu responsables des avocats du CST.
Mais l’irresponsabilité est la chose la plus partagée au sein de ce collectif. Il est apparu également la tendance monopolistique et clanique de l’ANC, que ce soit au sein du FRAC ou du CST. L’ANC qui confond allègrement parti dominant et parti majoritaire, considère les autres formations même pas comme subsidiaires mais tout simplement comme des accessoires.
Vers un grand rassemblement de l’opposition en 2015 ?
C’est aussi le cas de la Coalition Arc-en-ciel, le regroupement politique le plus ridicule qui soit dans sa composition. L’Arc-en-ciel est un ramassis de partis défaits, de leaders victimes de la trop longue durée du processus démocratique, qui se sont agglomérés autour du CAR, devenu un parti tribal. Certes, l’Arc-en-ciel a réussi à prendre un siège dans le Guérin-Kouka, mais n’est-ce pas un épiphénomène, une exception qui confirme la règle ? La CDPA, le PDP, le MCD, Santé du Peuple, et plus prosaïquement, le NET, en dépit de leurs propositions politiques parfois sensées, sont devenus des partis marginaux.
Au vu de tout ceci, c’est donc l’atomisation de l’opposition qui se renforce malgré un semblant de regroupement et une envie d’unité. L’illusion a très peu duré.
En entrant dans les arènes, Alberto Olympio, le Président du tout nouveau Parti des Togolais a très tôt perçu le délitement de la classe politique et le désespoir des populations, en se mettant à l’écart des deux coalitions en présence. Il prône une nouvelle vision, le retour à une ligne politique cohérente dont l’objectif est de rassembler les Togolais de toute tendance sur un projet politique reposant sur la création d’un véritable Etat moderne dénué de tout particularisme tribal et clanique. A l’évidence, les coalitions actuelles courent à leur perte en 2015, le rassemblement de l’opposition dans un grand parti devrait être la solution alternative au micropartisme.
Alberto Olympio pourrait paraître au lendemain des élections comme l’homme de la situation.
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