L’opposant historique congolais Etienne Tshisekedi, qui à 81 ans souffre de problèmes de santé, a quitté Kinshasa samedi à l’aube à bord d’un avion médicalisé, à destination de Bruxelles.
Depuis plusieurs mois, la santé de celui qui s’était proclamé «président élu» après l’élection contestée de 2011 fait l’objet de spéculations et de rumeurs en République démocratique du Congo (RDC), alimentées par son absence de la scène publique.
Avant le décollage samedi à 05H25 (04H25 GMT), sa voiture a été conduite tout près du jet. De là, sous le regard d’une dizaine de membres de sa sécurité, M. Tshisekedi, trop faible pour marcher, a été transporté jusque dans l’appareil, a constaté un journaliste de l’AFP.
A bord du jet de la compagnie allemande Air Alliance, il est accompagné de son épouse Marthe, de l’un de ses enfants et d’un médecin. L’avion devrait faire plusieurs escales avant d’arriver à Bruxelles. La première sera à Douala, au Cameroun.
Son fils Félix Tshisekedi, chargé des relations extérieures de son parti, l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), première formation de l’opposition, était présent à l’aéroport mais est resté à Kinshasa.
Les conditions du départ de M. Tshisekedi semblent corroborer un résumé de son état de santé, rendu public par les autorités à l’occasion d’une demande d’autorisation de survol de l’espace congolais faite le 8 août pour un avion médicalisé d’Air Alliance.
Selon ce document, M. Tshisekedi présentait, outre le diabète dont il souffre depuis des années, une «perte de force» et des «difficultés (à) marcher seul» rendant nécessaire l’usage «d’une chaise roulante».
Une évacuation sanitaire du vétéran à l’éternelle casquette était en effet évoquée depuis plusieurs jours, et a donné lieu à des informations contradictoires.
Le 10 août, l’un de ses proches collaborateurs et une source gouvernementale avaient indiqué qu’une évacuation était envisagée car sa santé s’était beaucoup dégradée. Mais le vol n’avait alors pas eu lieu: «la famille refuse qu’il aille en Afrique du Sud, comme le veut son médecin, et préfère Bruxelles», avait expliqué la source au gouvernement.
– ‘Pas dans un état critique’ –
Cependant le secrétaire général de l’UDPS, Bruno Mavungu, avait démenti toute évacuation et accusé le gouvernement du président Joseph Kabila de vouloir «créer la confusion».
«Il devait voyager mais pour se rendre aux Etats-Unis, en Belgique et en Allemagne pour des raisons personnelles et politiques», avait déclaré M. Mavungu.
Dans un communiqué publié samedi matin, l’UDPS enfonce le clou. Elle affirme que son leader parti pour Bruxelles «n’est pas dans un état critique» et que, «après quelques semaines de repos, il entamera des activités politiques et diplomatiques avec les partenaires du Congo» et «rencontrera également la diaspora».
M. Tshisekedi reste incontournable dans l’opposition congolaise.
En 2006, il avait boycotté la présidentielle et en 2011 il avait contesté sa défaite face au président Joseph Kabila, dénonçant des fraudes et se proclamant «président élu».
Si le pouvoir a rapidement repris les choses en main, l’opposant n’a jamais dévié de cette position.
Né le 14 décembre 1932 à Kananga, dans la province riche en diamant mais très défavorisée du Kasaï occidental (centre), M. Tshisekedi a été ministre sous le dictateur Mobutu Sese Seko (1965-1997) avant de le renier en 1980, fustigeant les dérives du régime.
A sa sortie de prison en 1982 il a fondé l’UDPS, et en 1992 il est devenu pour quelques mois Premier ministre de la transition démocratique.
Son évacuation vers la Belgique, ex-puissance coloniale, intervient alors que son parti est divisé et que le débat sur la présidentielle de 2016 bat son plein: selon la Constitution, le chef de l’Etat est hors course mais l’opposition soupçonne le camp Kabila de manoeuvrer pour changer la donne.
Le 4 août, l’opposition a organisé un rassemblement hostile à toute révision de la Constitution qui permettrait au président – arrivé au pouvoir en 2001, élu en 2006 et réélu en 2011 – de se représenter.
Le lendemain, Jean-Bertrand Ewanga, secrétaire général de l’Union pour la nation congolaise (UNC), troisième parti d’opposition, a été arrêté pour «offense au chef de l’Etat» et «discrimination raciale ou ethnique». Il est en résidence surveillée dans un hôtel.
Le Temps avec AFP
En savoir plus sur Le Temps
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
Laisser un commentaire