Faure Gnassingbé: la volonté politique en question

La fin du dialogue entre les partis parlementaires pose le problème de l’étendue de la volonté du président Faure Gnassingbé de conduire des réformes démocratiques au Togo.
Faure
Faure Gnassingbé seul peut décider des réformes que son régime veut entreprendre

Dans ses différentes composantes, l’opposition togolaise a dénoncé le manque de résultat du dialogue politique qui a pris fin à Lomé le mardi dernier. Les coalitions « Collectif Sauvons le Togo » et « Arc-en-ciel » s’attendaient sûrement à ce que les discussions avec les représentants du pouvoir débouchent sur un accord sur les douze points à l’ordre du jour. La question de la limitation du mandant présidentiel et celle du scrutin présidentiel à deux tours n’ont pas permis aux protagonistes de trouver un compromis.

Opposition désabusée

Pour les observateurs avertis de la politique togolaise, «  l’échec » du dialogue n’est pas une surprise. Il est dû essentiellement aux conditions dans lesquelles ces discussions ont été organisées. On se rappelle que ce sont les partis d’opposition qui ont réclamé la tenue de ces négociations en prélude aux élections locales et présidentielles, dont le calendrier n’est pas encore connu. Jean Pierre Fabre et Faure Gnassingbé s’étaient rencontré en février dernier, à la demande du leader de l’Alliance National du Changement (ANC). Le président de la république a décidé par la suite que le dialogue devrait se dérouler dans le cadre de l’Assemblée nationale. L’objectif était de permettre la mise en œuvre des réformes constitutionnelles et institutionnelles. Le gouvernement dont le Premier Ministre Ahoomey-Zunu avait lancé les discussions avec la classe politique, s’est ensuite enfermé dans un rôle d’observateur, peu compréhensible.

Faure Gnassingbé, le dos au mur

Seul Faure Gnassingbé peut décider de l’étendue et de la portée des réformes que le gouvernement et l’Assemblée dominée par UNIR peuvent réaliser.

Faure Gnassingbé au pouvoir depuis 2005 à la suite de la mort de son père bouclera 10 ans de pouvoir en 2015. Pour une partie de l’opposition, le successeur du général Eyadema aura achevé sa mission et ne serait plus qualifié pour participer à la prochaine élection. Du côté du parti Union pour la République (UNIR) créé par Faure en 2012, la constitution en vigueur ne prévoit pas de limitation de mandat, et donc rien ne peut empêcher l’actuel chef de l’Etat à se porter candidat. Mais ces positions tiennent lieu de principe pour ces formations politiques.

Au-delà de ces tiraillements la vraie question concerne la volonté réelle du président Faure à créer au Togo les conditions d’une gouvernance normale. Le système politique en place est figé et ne favorise d’entrevoir aucune alternance pacifique à la tête du pays. La cadre normatif est favorable au parti au pouvoir et les adversaires du régime sont d’office condamnés à demeurer dans l’opposition ou à se rallier à la majorité perpétuelle, comme certains l’ont fait ces dernières années (cas de l’UFC de Gilchrist Olympio).

Quant au scrutin à deux tours, il est la principale soupape de sécurité du fils d’Eyadema. Ce point aurait pu être au centre des revendications que l’opposition devrait valablement porter.

Seul Faure Gnassingbé peut décider de l’étendue et de la portée des réformes que le gouvernement et l’Assemblée dominée par UNIR peuvent réaliser. Il peut ainsi revenir sur la limitation de mandat dans le but de redorer son blason, tout en s’accordant la possibilité d’être éligible pour deux nouveaux mandats. En effet toute réforme sur la durée du mandat remettrait les compteurs à zéro pour tout candidat potentiel, un principe de droit constitutionnel que certains opposants refusent pour le moment d’admettre. Il ne faut donc pas être surpris lorsque dans les prochains jours, l’Assemblée nationale vote la révision de la constitution dans ce sens. Quant au scrutin à deux tours, il est la principale soupape de sécurité du fils d’Eyadema. Ce point aurait pu être au centre des revendications que l’opposition devrait valablement porter. Il part de l’hypothèse que plusieurs candidats des partis d’opposition auraient la chance de contraindre le président en poste au deuxième tour et faire alliance pour le battre ensuite. Que Faure le concède de gré reviendrait à croire qu’il s’accorde potentiellement un prochain bail de dix ans sur le Togo.

Quels que soient les risques que ces réformes pourraient comporter pour le régime en place, elles s’imposent aujourd’hui. Si le gouvernement n’affiche pas clairement ses cartes dans les prochains jours, il ouvrira la voie à des contestations fortes qui remettraient en cause l’apaisement du jeu politique dont le président semble faire son cheval de bataille. Une telle initiative relève de sa seule volonté.

K. Agboglati

 


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