Togo, pays émergent en 2030: Le chantier herculéen de Kako Nubukpo

Les économistes qui entourent Faure Gnassingbé ambitionnent de faire du Togo un pays émergent en l’an 2030. Le projet est porté par le Professeur Kako Kossivi Nubukpo, ministre en charge de la Prospective et de l’évaluation des politiques publiques.  Ancien expert de l’UEMOA, cet agrégé d’économie est l’un des rares, sinon le seul membre du gouvernement, à un poste relatif au développement et à l’économie, à être à la fois un théoricien et un praticien réputé.

Ses travaux  de ce keynésien portent sur l’efficacité des politiques macroéconomiques dans l’UEMOA, en particulier sur la politique monétaire, le développement de la filière coton en Afrique, et plus généralement l’impact du risque et de l’incertitude sur les performances des économies africaines. A plusieurs reprises, il a eu maille à partir avec les dirigeants de la BCEAO et de la Commission de l’UEMOA,  quant à la gestion du franc CFA.

Sur la TVT ce 20 avril, il est revenu sur le programme « Vision Togo 2030 » qu’il portera à la connaissance du public dans 6 mois. Pour atteindre cet objectif, le gouvernement table sur un taux de croissance annuel de 7% avec « des richesses équitablement réparties, de bons services de santé, un système éducatif performant, une économie en développement », indique le professeur Nubukpo.

Kako NubukpoCette Vision Togo 2030 revient sur le devant de la scène après plus de 20 ans d’abandon des plans quinquennaux, suite à l’application des Programmes d’ajustement structurel (PAS) du FMI et de la Banque mondiale. Programme que l’on continue d’ailleurs d’appliquer en dépit des dénégations de l’actuelle directrice générale du Fmi, Christine Lagarde.

Dans le cadre de cette vision d’un Togo émergent, le pays  doit se doter d’une stratégie à longue vue. L’objectif repose sur des atouts économiques indéniables : le port autonome de Lomé, le corridor Abidjan-Lagos et Lomé-Ouagadougou, l’agriculture et les services.

Tout le projet est bâti en réalité autour du Port autonome de Lomé (PAL), dont la modernisation et sa situation géographique devraient  faire du Togo  l’un des premiers acteurs en Afrique de l’Ouest, en tant que porte d’entrée vers la sous-région et comme Hub de transbordement. Un projet « Ecomarine » aujourd’hui abandonné  était également dépendait du PAL.

Rien de nouveau sous le soleil. Depuis la colonisation allemande, les perspectives de développement ont été bâties sur ses atouts, repris par le gouvernement Olympio, mais abandonné par le gouvernement Eyadema.

Il faut juste applaudir que les dirigeants togolais ont désormais de l’ambition et ne sont plus confinés uniquement à la conservation d’un pouvoir kleptocrate.

Faure Gnassingbé voudrait faire de son pays le Singapour de l’Afrique, à en croire son ministre des affaires étrangères. L’analogie n’est pas gratuite, Singapour s’est également développé en profitant énormément de son port.

Mais comparaison n’est pas raison. Un pays ne peut se développer sans un système d’éducation moderne et adapté, ainsi qu’un système de santé performant. Or le système de santé togolais vit les heures plus cauchemardesques de son histoire, et l’éducation reste sur une pente déclive. Depuis deux ans, les blocs opératoires arrêtent cycliquement de travailler, à cause des ruptures de stocks des produits relatifs aux opérations. On constate une fuite générale des cerveaux. Le constat est fait de médecins togolais plus importants dans Paris et sa banlieue que dans le Togo.

En plus, en plein développement infrastructurel, le Togo a confié l’essentiel des travaux à des entreprises chinoises, et aucune entreprise togolaise digne de ce nom n’est en mesure de bénéficier du savoir-faire des chinois.

Autre chose: en parlant de Singapour comme source d’inspiration d’un futur développement du Togo, Faure Gnassingbé pense également à la Chine et à son système de pouvoir qui repose sur une dictature implacable.

Or, si la dictature chinoise pilote directement le développement économique, la togolaise ne dispose pas encore des ressources humaines pour le faire. Et au lieu de s’appuyer sur les Togolais de l’étranger, elle les écarte…pour des raisons de politique intérieure.

Ce n’est pas en fabriquant sa propre bourgeoisie, ses propres entrepreneurs, en fermant le marché intérieur à des entrepreneurs nationaux performants mais non liés au clan au pouvoir, que le Togo arrivera à atteindre son projet d’un pays émergent en 2030.

K. Dovlovi

Lire aussi l’éditorial: Le Togo, pays émergent en 2030?

 

 

 


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A propos Komi Dovlovi 1121 Articles
Journaliste chroniqueur, Komi Dovlovi collabore au journal Le Temps depuis sa création en 1999. Il s'occupe de politique et d'actualité africaine. Son travail est axé sur la recherche et l'analyse, en conjonction avec les grands  développements au Togo et sur le continent.

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