Les législatives 2024 ont fait une première victime dans l’Enseignement : le proviseur du lycée d’Alokoègbe, un collège-lycée du Zio, est démis de ses fonctions pour avoir parlé du délitement de son établissement, malgré l’autorisation tacite de sa hiérarchie.
«Il est mis fin aux fonctions de proviseur de Monsieur Agbenane Kokou Séka, professeur d’Enseignement général, classe exceptionnelle, 4ème échelon, en service au Lycée d’Alokoégbè (DRE-M)», indique le ministre Dodzi Kokoroko dans un arrêté en date du 3 mai. M. Agbenane Kokou Séka, qui enseigne depuis 18 ans, garde néanmoins sa fonction de simple enseignant.
Un reportage de la chaîne de télé française TV5 Afrique est la cause de cette dégradation administrative du proviseur. Dans ce document de 1min 17, le professeur évoque la situation infrastructurelle catastrophique de son établissement. Ce collège construit par les populations d’Alokoégbé est en délabrement, certains murs menacent de tomber. Malgré les appels incessants de l’école à la tutelle publique, la situation demeure étale. Ni la Direction régionale de l’enseignement, ni l’inspection ne se sont préoccupées du sort du collège.
Dans le reportage diffusé à la veille du scrutin du 29 avril, le proviseur s’inquiète aussi de l’emprise de la politique politicienne sur l’évolution de l’école. Le collège-lycée passera, cette année, sous la tutelle de la région, dans le cadre de la décentralisation et l’élection des conseillers régionaux . Le directeur espérait donc que les élus feraient moins de politique et seraient beaucoup plus proches des préoccupations locales.
Controverses autour du reportage
En somme, un reportage anodin, des propos crus sur la réalité locale mais pas vraiment outrageants pour l’image du Togo. Difficile de comprendre donc la sévère sanction du ministre… Peut-être reproche-t-il à l’enseignant de s’être adressé à un média étranger sans autorisation de la hiérarchie ? Généralement, les chefs d’établissement parlent sous anonymat s’ils veulent éviter la procédure- au vrai, la censure-, qui consiste à demander au journaliste d’adresser une demande d’autorisation au ministre des Enseignements ou à la DRE.
Des sources proches de TV5, le proviseur Agbenane Kokou Seka a bien reçu l’autorisation de sa hiérarchie pour ce reportage. Peut-être que la hiérachie ne s’attendait pas à des termes si peu diplomatiques. Le proviseur est connu pour ne pas faire usage de la langue de bois et d’être un peu trop direct, confie au Temps-Togo, un de ces proches.
Cependant, le ministre Dodzi Kokoroko, suspendu pendant trois ans par le Cames pour fraudes, et connu pour sa gestion autoritariste de l’Université de Lomé, essaie de couvrir ses propres arrières. Sa gestion de l’école depuis son arrivée au ministère n’est guère reluisante. Il y a certes des mesurettes portant sur les congés, la semaine culturelle, et le programme scolaire, mais pas la grande réforme attendue à la fois sur le plan infrastructurel, le personnel enseignant, et surtout le programme scolaire qui n’a pas été revu depuis 1975.
L’année dernière, la mort d’un enfant suite à l’effondrement du mur d’une école publique bâtie sur fonds propres des villageois, a suscité l’indignation sur les réseaux sociaux en début d’année scolaire. Généralement, les écoles togolaises croupissent dans un état lamentable, surtout celles de l’intérieur du pays et de la région des savanes.
Depuis son arrivée au ministère, Kokoroko qui avait fait déjà des coupes sombres dans le budget du ministère, subit des critiques de la part du corps enseignant qui lui reproche sa gestion autoritaire, le casse des grèves, et le limogeage d’enseignants grévistes.
La situation catastrophique des infrastructures scolaires est de notoriété publique. Cela mériterait-il qu’on sanctionne avec une telle dureté un enseignant pour avoir dit un secret de polichinelle?
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