« Dans le journalisme, l’honnête homme est celui qui se fait payer l’opinion qu’il a ; le malhonnête, celui qu’on paie pour avoir l’opinion qu’il n’a pas », Edmond et Jules de Goncourt
Un pays où le meilleur éditorialiste est un humoriste est une nation en état de mort cérébrale. Elle court à sa perte. Au Togo le concept même d’intellectuel est devenu un gros mot tant l’espace de la pensée est dominé par des amuseurs et des griots. Ceux qui usurpent le noble titre d’auxiliaires de la pensée sont des appuis de la dictature et produisent que du vent. Renoncement, cynisme, cupidité, hypocrisie et donc médiocrité sont les seuls outils d’une radioscopie de l’espace intellectuel visible au Togo. Ce pays qui regorge de compétences, juge dangereux ses meilleurs enfants capables de ciseler son destin glorieux d’or de l’humanité. Il faut les écarter, les museler s’ils ne sont pas assassinés ou exilés. Place nette pour une espèce dangereuse et pernicieuse de miliciens ; agents de la propagande, collaborateurs zélés du crime d’État perpétré contre le peuple. Cyniques et veules, grassement rémunérés pour leurs basses œuvres, ils font office de journalistes.
Il ne s’agit point ici d’instruire le procès du journalisme. Il est de vrais journalistes qui essaient d’exercer avec sérieux et abnégation le noble et exigeant métier de porter l’information à leurs contemporains. J’indexe plutôt cette engeance armée d’un vague bagage intellectuel et d’une syntaxe incertaine qui écume la presse et les médias en service commandé de désinformation du peuple. J’accuse précisément ces assassins de salle de rédaction drapés dans de sombres manteaux de « sachants ». Toujours médiocres, ils tuent l’intelligence et la vertu au Togo des Gnassingbé. Ils tiennent le haut du pavé et paradent en conjuration d’abrutis. Ils sont pompeusement qualifiés de leaders d’opinion. On leur octroie des moyens, beaucoup de moyens pour tenir leur véritable rôle de trafiquants d’opinion.
Les avez-vous vu à l’œuvre ces propagandistes de la dictature ? Armés de leur seul ventre, ils charrient la vilenie de l’hypocrisie et du mensonge. Ils ont renoncé à la pensée. Ils ne réfléchissent pas, ils reflètent la volonté mortifère du tyran de Lomé 2. Intervieweurs, ils sont les pourfendeurs féroces et impitoyables de la vérité. Ils se présentent journalistes, ce sont des procureurs. Ils ne portent pas la contradiction, ils portent le glaive. Leur seul objectif est de plaire à leur mandant. Défense et illustration de la dictature, leur seule boussole. Peu importe le peuple. Le conformisme est confortable. La vérité peut attendre, pourvu qu’ils soient quelque chose sous la dictature avec la claire conscience qu’ils ne seront rien sous la démocratie. Journaliste ! c’est leur métier, prétendent-ils. Ils ne savent pas que le journalisme est un sacerdoce, une oblation au service de la vérité. Ils ignorent que le journaliste est dépositaire d’une noblesse de caste exigeante parfois jusqu’au sacrifice suprême. Au contraire, dépourvu de talent, sa seule cupidité en bandoulière, la canaille journaliste est un trapéziste qui travaille sans filet et engage la vie. Pas la sienne, mais bien celle du peuple contre le prix du sang. Aussi n’hésitent-ils pas à se fondre dans l’obscurité de la neutralité sous une dictature et à juger en procureur sans jamais rendre la justice au peuple. On peine à croire que ces tartuffes font le même métier que celui qu’avaient magnifié André Gide, Albert Londres, Albert Camus ou Norbert Zongo.
Non, assurément je ne convoque pas le journalisme à la barre de l’histoire. Je sais trop sa grandeur et ses exigences. Je sais qu’à distance de cette horde de propagandistes sont de vrais journalistes. Ils se tiennent courageusement au seuil de la vérité et tentent de donner ses lettres de noblesse à une si haute mission d’éveilleur de conscience et de faiseur d’opinion. Ce sont des héros ordinaires qui dressent un barrage de vertu contre l’océan de déraison et de honte d’une gouvernance tyrannique. Défenseurs de la liberté, de la race de Ferdinand Ayité, de Fabbi Kouassi et de quelques autres, ils prennent courageusement le parti de la vérité et de l’honneur. Il faut bien du courage à ces combattants de l’extrême, à ces frêles colonnes de lumière qui brillent obstinément au service de la vérité. Il n’est pas aisé de faire œuvre de journaliste sous la mitraille. Taraudés par le souci de la vérité et la quête du sens, ils cherchent à dissiper les épaisses brumes de l’histoire violente qui s’écrit sur la terre de nos aïeux. Vous les reconnaîtrez à coup sûr. Ils méritent d’être salués et soutenus.
Non, définitivement je ne désigne pas le journalisme à la vindicte. Je dénonce cette presse collaborationniste et ses acteurs. Vous les croiserez. Ils sont parmi nous. Ils se poussent du col et revendiquent, souvent bruyamment, le vernis de la respectabilité et de la notabilité. Assurés d’impunité, ils se déboutonnent et se lâchent. Si vous les croisez, lapidez-les avec les pierres tombales de la vérité qu’ils assassinent, appliquez-leur le fouet de la critique.
Jean-Baptiste K.
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