L’audience du procès Kokoroko &co vs Sasso Pagnou a été renvoyée au 9 décembre afin de permettre aux parties de produire les témoins-clé de l’affaire, dont l’un n’est autre que le Secrétaire général du Cames Bertrand Mbatchi. Adama Kpodar, Dodji Kokoroko et Babakane Culibaley n’étaient pas présents lors de cette audience, contrairement à l’enseignant Sasso Pagnou.
Le président du tribunal Baba Yara demandait à la partie adverse de prouver que les plaignants Kokoroko, Kpodar et Coulibaley, qui ont déposé une plainte collective, perpétraient leurs œuvres en réseau.
Le conseil du défendeur, Me Ndjelé, va produire des témoins-clés de cette affaire, et l’un des témoins n’est autre que l’actuel Secrétaire général du Cames, M. Bertrand MBatchi. C’est avec ce dirigeant que le Cames a décidé de mettre fin aux fraudes répétitives relatives à la gestion des carrières des enseignants.
Cette situation jetait du discrédit sur le Cames, accusé de répandre « la médiocrité, l’incompétence, l’arrogance futile, l’inculture dans [les] universités et centres de formations du supérieur».
Grâce à la volonté de M. Mbatchi de nettoyer les écuries d’Augias, le Conseil des ministres du Cames, après investigations, a donc lourdement sanctionné , le 29 mai 2019, plusieurs enseignants titulaires, tous des facultés de droits des universités de la zone.
Souvent pour des raisons non-académiques, mais certainement politiques, voire la fraternité de confrérie ou par simple jalousie ou incompatibilité d’humeur, des professeurs titulaires produisent des rapports d’évaluation fantaisistes pour promouvoir ou briser la carrière de leurs collègues.
« Les promotions des enseignants et des chercheurs du supérieur prononcées par le Cames regorgent trop de vices et de faussetés et se réduisent aux recrutements de la médiocrité au sein des universités de son espace », écrivent deux professeurs titulaires béninois dans Le Cames : la nébuleuse qui entrave l’essor du Bénin et de l’Afrique.
Un livre noir qui en dit long suffisamment sur les pratiques très peu glorieuses dans les universités francophones d’Afrique. Les valeurs comme « la probité », « l’intégrité », « la compétence » et « l’indépendance » sont étrangères à nos universités, affirment les auteurs.
Adama Kpodar et Dodji Kokoroko, figures universitaires de la pensée soumise ?
Ainsi, les Togolais Adama Kpodar et Dodji Korokoro ont été épinglés ; le premier produisant un rapport d’évaluation identique, à «la virgule près, y compris le point-virgule», de concert avec Francisco Djedro Meledje, professeur titulaire à l’Université d’Abidjan. Quant au second, Dodji Kokoroko, il a été sanctionné pour avoir fait de la codirection truquée de son amie béninoise, Dandi Gnamou, pour l’aider à obtenir le grade de professeur titulaire. Cette dernière a par conséquent été déchue de son titre par le Conseil des ministres du Cames.
En association avec Babakane Coulibaley, ils ont porté plainte pour diffamation contre Sasso Pagnou, enseignant à l’Université de Kara. M. Pagnou s’est estimé victime du « réseau » dans un courriel privé adressé à M. Mbatchi. Le courriel s’est retrouvé dans le dossier d’instruction du Cames contre les deux universitaires togolais condamnés.
C’est ainsi que les trois universitaires togolais se sont estimés diffamés. Cependant, de forts soupçons de trafic d’influence par des mains invisibles pèsent dans le dossier Pagnou. Ce dernier a été recalé par deux fois pour sa candidature au statut de maître-assistant. Une première fois, les rapports d’évaluation ont disparu par enchantement, y compris des ordinateurs, tandis qu’une seconde fois, les évaluateurs ont rejeté le dossier pour « insuffisance qualitative des travaux« . Une appréciation d’une légèreté docimologique et pédagogique incroyable qui dénote du manque de sérieux des évaluateurs du Cames.
L’affaire Kokoroko & co contre Pagnou est révélatrice des problèmes des universités du Togo : les compromissions du monde universitaire avec la politique et la soumission de l’intellectuel au pouvoir politico-militaire.
Les trois plaignants sont considérés comme des soutiens du pouvoir de Faure Gnassingbe. Dans le débat politico-judiciaire sur la Constitution, MM Adama Kpodar et Dodji Kokoroko ont alors été les fieffés partisans de la modification. En retour, ils s’accrochent impunément à leurs postes malgré l’affront subi lors du sommet du Cames à Cotonou les 27, 28 et 29 mai dernier.
Le ministre de l’Enseignement supérieur du Togo a pourtant voté les sévères sanctions prises à l’endroit des deux universitaires togolais et leurs comparses. Ce qui peut être considéré comme un désaveu des autorités politiques, qui les ont nommés.
Certes, les syndicats enseignants, le SNES et le SEST, ont montré par leur silence assourdissant une forme de leur lâcheté dans cette affaire du Cames. Les mêmes syndicats, prompts à lever des mouvements de grève pour des arriérés de primes ou de meilleures conditions de travail, deviennent par contre atones quand il s’agit de l’honneur de leurs universités. La soumission de la pensée au pouvoir politico-militaire serait-elle générale dans les universités du Togo ?
Rendez-vous donc le 9 décembre prochain pour connaître de l’évolution de ce dossier.
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