Justice : Condamnés par le Cames, Adama Kpodar et Dodji Kokoroko s’obstinent à faire condamner un enseignant par la justice de Kara

La justice de Kara jugera ce lundi d’une affaire dans laquelle les professeurs titulaires Dodji Kokoroko et Adama Kpodar, soutenus par les puissants du pays, veulent faire condamner l’enseignant Sasso Pagnou.

Ce lundi 28 octobre, après des mois de report, le tribunal de première instance de Kara reprend le jugement en correctionnelle de l’affaire les professeurs titulaires Kokoroko, Kpodar et Coulibaley contre Sasso Pagnou.  Il s’agit de l’affaire dans la scandaleuse affaire Cames.

A l’issue de cette dernière,  Dodji Kokoroko et Adama Kpodar, respectivement président de l’Université de Lomé et vice-président de l’Université de Kara, ont été sévèrement sanctionnés par le Cames. En mai dernier, les deux dirigeants sont interdits de toute participation aux activités du Cames, de certifier ou authentifier des documents émanant des établissements d’enseignement supérieur pour une durée de trois (03) ans.

Alors que leur affaire était en instruction au niveau du Cames, les trois professeurs titulaires ont porté plainte collectivement contre Sasso Pagnou pour diffamation. Enseignant à l’Université de Kara, ce dernier  s’estime, dans un courrier adressé au Secrétaire général du Cames, aussi victime du «réseau» des deux professeurs titulaires. Il a d’ailleurs porté plainte auprès du Cames pour le double rejet fantaisiste de sa candidature au statut de maître-assistant. Les plaignants réfutent l’accusation d’agir en «réseau».

En principe, vu le passif des deux plaignants, le troisième Babakane Coulibaley a une affaire en instruction par le Cames, la tenue de ce procès peut paraître incongrue. «Le fait même d’avoir fait une plainte collective est la preuve d’une action en réseau», déclare au Temps, un avocat de la place qui s’étonne qu’un tel procès ait lieu. S’ils tiennent toujours à ce procès au lieu de faire profil bas et trouver une issue honorable par la négociation, c’est qu’ils ont des soutiens, a ajouté l’avocat.

Selon des témoignages, effectivement des puissants locaux seraient à l’œuvre  souterrainement pour faire condamner Sasso Pagnou. Les frères d’une organisation  secrète à Kara et à Lomé se seraient ligués contre M. Pagnou. Et Kokoroko et Kpodar ont le soutien de Faure Gnassingbe qui les a maintenus à leurs postes respectifs en dépit du scandale qui jette du discrédit sur les institutions d’enseignement supérieur au Togo.

Aussi, dans l’entourage du chef de l’Etat, il se dit que les deux ont rendu un « service énorme » dans le débat sur la modification de la Constitution. Pourtant, leur inutilité dans ce tripatouillage saute aux yeux. On n’avait pas besoin de leur laïus juridique pour procéder au toilettage de la constitution,  il a suffi tout de même d’organiser un scrutin controversé pour disposer d’une majorité factice prompte à ce faire.

David contre Goliath

C’est donc un combat de David contre Goliath qui se joue demain au tribunal de première instance de Kara. Contre les professeurs titulaires soutenus par les puissants du pays et le réseau maçonnique, se dresse avec fierté et humilité Sasso Pagnou, un enseignant issu d’un milieu modeste qui n’entend faire carrière dans l’enseignement que par son propre travail.

« Je ne compte pas sur les pistons pour réussir. Depuis le début de cette affaire, on m’a toujours demandé d’aller négocier avec Kokoroko et il me fera évoluer », dit-il.

Après le deuxième rejet de sa candidature au titre de maître-assistant, il a voulu tout plaquer et repartir à Lyon (France), là où il obtint son doctorat en droit, spécialité Finances publiques et fiscalité. C’est sa mère qui l’en dissuada.

« Si ta volonté de repartir, tu peux, par contre si c’est à cause des hommes que tu veux quitter le Togo, c’est que tu as préféré la fuite au combat », nous confie M. Pagnou.

Si la famille et les amis le soutiennent, ses collègues enseignants eux l’ont abandonné. Certainement par lâcheté.

«Ils n’avaient qu’à subir comme tout le monde et attendre son heure pour être maître-assistant », ont déclaré deux enseignants au Temps. « Pourquoi fait-il le brave ? », s’interroge un autre. Hallucinant.

Il faut noter qu’aucun des deux syndicats enseignants présents dans les deux universités du Togo n’ont condamné  voire exigé la démission de Kokoroko et Kpodar après leurs suspensions du Cames. « Celui qui les a nommés ne sait pas qu’il doit les démettre et pourquoi voulez -vous qu’on le fasse à sa place? », s’interroge un enseignant.

Seuls deux enseignants syndiqués, après avoir attendu en vain une réaction des  syndicats, ont écrit eux-mêmes deux lettres demandant aux deux dirigeants universitaires de démissionner.

Tout repose désomais sur les épaules du juge Baba Yara, le président du tribunal de première instance de Kara. C’est lui qui évitera l’hypocrise d’une justice qui condamne le baudet au profit du lion. Ainsi, le scandale de l’enseignement supérieur ne jetera pas l’opprobre et l’humiliation sur la justice togolaise déjà fragilisée.


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A propos Tony Feda 151 Articles
Journaliste indépendant. Ancien Fellow de l'Akademie Schloss Solitude (Stuttgart, Allemagne), Tony FEDA s’intéresse à la sociologie, la culture- ses domaines de prédilection sont la littérature et les arts de la scène du Togo. A travaillé pour plusieurs journaux dont Le Temps, Notre Librairie. www.culturessud.com. Depuis août 2018, s'inspirant de Robert Park et de Bourdieu, il entame sur son blog www.afrocites.wordpress.com des projets sur des thèmes concernant la ville.

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