Présidentielle sous hautes tensions

KENYA-CRISIS/

Alors que le déroulement de la campagne se fait jusqu’à présent dans la sérénité, les dispositions prises par les dirigeants indiquent tout de même que le scrutin du 25 avril 2015 risque de déboucher sur des violences auxquelles le Togo est accoutumé.

La mise sur pied par le gouvernement d’un  «Comité veille et alerte» jeudi dernier est une première dans l’histoire des processus électoraux au Togo.

Ce comité est institué :

Afin de préserver le climat de paix, de sécurité et de sérénité, et de promouvoir la concertation et la recherche des solutions appropriées aux incidents et aux difficultés pouvant survenir au cours du processus électoral, le gouvernement a décidé d’instituer un comité de veille et d’alerte, selon le communiqué.

Le comité est chargé du recueillement et du traitement «de tout incident lié au processus électoral, notamment les incidents de sécurité, les problèmes de collage d’affiches ou de lieux et emplacements des meetings et réunions, etc.»

 Son organisation s’étend sur le plan national et préfectoral. Sur le plan, le Comité est composé de :

– Le ministre de l’Administration Territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités Locales, président ;

– Le ministre de la Sécurité et de la Protection Civile, vice-président ;

– Le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, membre ;

– Le ministre des Droits de l’Homme, de la Consolidation de la Démocratie, membre ;

– Le ministre de la Communication, de la Culture, des Arts et de la Formation Civique, membre ;

– Le président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), membre ;

– Un représentant de chaque parti ou regroupement de partis politiques ayant un candidat à l’élection présidentielle, membre.

Et au plan préfectoral, sa composition est répartie comme suit :

– Le préfet, président ;

– Le Commandant préfectoral de la FOSEP 2015, membre ;

– Le président de la Commission électorale locale indépendante (CELI), membre ;

– Un représentant par parti ou regroupement de parts politiques ayant un candidat à l’élection présidentielle, membre ;

– Un représentant de la chefferie traditionnelle, membre.

La Commune de Lomé a aussi une organisation spéciale  composée de :

– Le préfet du Golfe, président ;

– Le président de la Délégation Spéciale de la commune de Lomé, 1er vice-président ;

– Le président de la Délégation Spéciale de la préfecture du Golfe, 2ème vice-président ;

– Les commandants de la FOSEP 2015 de la commune de Lomé et de la préfecture du Golfe ;

– Les présidents des Commissions électorales nationales indépendantes (CELI) ;

– Un représentant par parti ou regroupement de partis politiques ayant un candidat à l’élection présidentielle ;

– Deux représentants de la chefferie traditionnelle.

Dans ce cadre de l’institution de cette commission, le président sortant Faure Gnassingbé a pris un décret de révocation de Teko Koudowovoh, commandant de la FOSEP, et l’a remplacé par le Lieutenant-colonel Akpovi. Un changement inexpliqué.

Sensibilisations à outrance par des artistes à la solde du pouvoir

Avant le début de la campagne électorale, Gilbert Bawara, ministre en charge de  l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales, a fait des tournées tant à Lomé-surtout dans les zones réputées être des places fortes de l’opposition et dans sa périphérie- qu’à l’intérieur du pays, en vue de la sensibilisation des populations sur le thème de la non-violence, tout en appelant les électeurs à ne pas respecter la campagne de boycott du Front Tchoboé, du Parti des Togolais et du CAR et des organisations des droits de l’homme.

Dans la même veine, le PNUD a financé à hauteur de 252 millions CFA une campagne dénommée «Artistes sans violence». Coachés et dirigés par la vedette de la musique traditionnelle King Messan, ces artistes sillonnent  le territoire en faisant des chansons sur le thème de la non-violence.

Cependant, leur début a montré que ces artistes sont manifestement à la solde du pouvoir UNIR et du président sortant. King Messan a chanté à la gloire du régime en place tandis que «l’humoriste» Gogoligo s’accoutre de pied en cape aux couleurs d’UNIR. Difficile de faire plus dans le militantisme.

Soupçons de fraude

Les Togolais ont la phobie des élections. Dans un passé récent, le processus électoral a tourné au chaos ; le scrutin d’avril 2005 a débouché sur plusieurs centaines de morts et plus de 40 milliers de réfugiés à l’extérieur du pays.

Malgré toutes les apparences, le scrutin se déroule sous hautes tensions. Les 8000 gendarmes et policiers de la FOSEP déployés dans le cadre de la sécurité du scrutin ne constitue pas une assurance tous risques contre des élections sans violence.

C’est que le processus électoral est sorti en réalité de son cadre légal, et le pouvoir et les candidats de l’opposition dont une partie est vouée aux gémonies, réalisent un forcing pour aller à cette présidentielle.

Absence de réformes constitutionnelle et institutionnelle, fichier électoral corrompu, convocation du corps électoral dans des conditions violant la Constitution – avec la bénédiction de la Cour Constitutionnelle-, vote anticipé des militaires, imposition d’un logiciel de décompte, lourds soupçons de fraude, peuvent obérer le bon déroulement du scrutin et laisser planer l’incertitude sur les lendemains post-électoraux.

En dépit d’un appel au report de dix jours demandé par la CEDEAO et de la mise en garde de l’OIF en ce qui concerne la non-fiabilité du fichier électoral, quatre candidats de l’opposition ont appelé au suffrage de leurs concitoyens dans des conditions qui ne garantissent ni la liberté ni la démocratie du vote.

Le Togo a toujours connu des élections aux résultats controversés. La présidentielle 2015 ne déroge pas à cette règle. Cinq candidats participent au scrutin de dimanche:

– Faure Gnassingbé, président sortant, au pouvoir depuis 2005, deux mandats à son actif;

– Jean-Pierre Fabre, candidat du CAP 2015, une coalition des partis de l’opposition. Président national du plus grand parti de l’opposition.

– Aimé Gogué, président de l’ADDI, parti très implanté dans la Savane.

– Gerry Taama, anien sous-officier de l’armée togolaise, le premier à avoir pris sa retraite, et président du NET.

– Me Tchassonna Traoré, Président du MCD, notaire de son état.


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A propos Komi Dovlovi 1103 Articles
Journaliste chroniqueur, Komi Dovlovi collabore au journal Le Temps depuis sa création en 1999. Il s'occupe de politique et d'actualité africaine. Son travail est axé sur la recherche et l'analyse, en conjonction avec les grands  développements au Togo et sur le continent.

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