Dans un communiqué conjoint rendu public ce 1er octobre, la Conférence des évêques du Togo (CET)’, le Bureau exécutif de l’Eglise protestante presbytérienne du Togo, et le Comité exécutif de l’Eglise méthodiste du Togo, interpelle la classe politique et lui demande de réintroduire la question des réformes à l’Assemblée nationale et d’y trouver une issue positive.
[…] tout en respectant les positions exprimées par les diverses formations politiques représentées ou non à l’Assemblée Nationale, la Conférence des Evêques du Togo, le Bureau Exécutif de l’Eglise Evangélique Presbytérienne du Togo et le Comité Exécutif de l’Eglise Méthodiste du Togo adressent un appel pressant au Chef de l’Etat, au Premier Ministre et à son Gouvernement, au Président de l’Assemblée Nationale, à tous les députés et à tous les responsables de l’opposition togolaise en faveur d’une nouvelle initiative visant à réexaminer les questions introduites auprès de l’organe législatif de notre Pays en vue d’y trouver une issue plus positive, indique le communiqué.
Les églises chrétiennes recommandent à la classe politique de passer outre les “considérations partisanes et égoïstes” afin de faire avancer la cause de la démocratie et permettre un déroulement dans la sérénité de la présidentielle 2015.
Tout en comprenant certainement l’esprit de clocher des responsables politiques, les dirigeants religieux déplorent l’échec du dialogue politique intertogolais qui s’est déroulé en juin 2014 au siège de Togotélécom, sous la facilitation du prélat catholique, Mgr Nicodème Barrigah-Bénissan. Ils portent un doigt accusateur sur l’intransigeance de la classe politique, responsable de “cette rebuffade essuyée par le peuple togolais”.
Les églises considèrent l’échec comme
“un regrettable recul enregistré dans l’engagement pris par les mêmes acteurs d’une part depuis plus de huit ans dans le cadre de l’APG, et, d’autre part, depuis plus de deux ans dans le processus de mise en œuvre des recommandations de la CVJR”, d’après la déclaration conjointe.
Préconisées par l’Accord politique global et fortement recommandées par la CVJR, les réformes institutionnelle et constitutionnelle sont censées amener la Togo sur la voie d’une transition démocratique en déverrouillant la Constitution taillée sur mesure et les institutions aux mains du parti au pouvoir. Depuis 8 ans, le peuple togolais attend en vain du Président Faure Gnassingbé de les mettre en oeuvre.
Les discussions intertogolaises au siège de Togotélécom ont échoué d’une part à cause de la volonté manifeste de l’opposition (ANC-ADDI-Coalition Arc-en-ciel) de revenir à la Constitution de 1992 et d’empêcher Faure Gnassingbé d’être candidat à la prochaine élection présidentielle. D’autre part, le pouvoir UNIR a une plus grande responsabilité dans l’échec du dialogue par son refus même de discuter les propositions de l’opposition, misant sur sa majorité mécanique à l’Assemblée nationale pour s’opposer aux réformes.
Le comble fut atteint quand la majorité UNIR actuelle a rejeté en bloc le projet de loi portant réforme constitutionnelle soumis par son propre gouvernement et comportant un article sur le refus fait au président élu de faire plus de deux mandats. Un texte par contré voté par l’opposition, minoritaire.
Réaction tardive et timorée
L’appel des églises chrétiennes, s’il est salutaire, paraît quelque peu tardif. La présidentielle aura probablement vers la fin du premier trimestre 2015, et beaucoup d’eau a coulé sous le pont depuis le 30 juin 2014. Même si la possibilité de faire reprendre le vote de la réforme constitutionnelle par l’Assemblée nationale ne peut pas être écartée, il faut tout de même noter que les réformes institutionnelles sont déjà engagées par la majorité au pouvoir. La recomposition de la CENI et de la Cour Constitutionnelle dont on dénonce la mainmise par le pouvoir, vient d’être rapidement effectuée par l’Assemblée nationale et le Président de la République.
Est-il possible de défaire tout ceci ? La réaction des églises intervient tout juste une semaine après la prestation de serment des membres de la Cour constitutionnelle et de la CENI. L’organisation d’une présidentielle sans lesdites réformes préconisées par les instances de consensus que furent l’Accord politique global d’août 2006 et la CVJR, et souhaitées par l’opposition peuvent laisser planer des menaces sur le déroulement de la présidentielle 2015. Pour un pays qui a frôlé en 2005 la guerre civile, le rappel de piqûre des Eglises chrétiennes ne peut être que bénéfique. Même si on peut noter qu’à l’instar de leurs consoeurs de la République démocratique du Congo qui ont ouvertement appelé au renoncement d’un troisième mandat par le président Kabila et à la non-modification de la Constitution, les Eglises du Togo sont restées un peu trop timorées.
Reste à savoir si elles seront au moins écoutées. Après l’armée, les Eglises demeurent le corps social le mieux organisé.
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