Situation inédite sur le théâtre politique national: cette après-midi, Jean-Pierre Fabre, Président de l’ANC rencontre le chef de l’Etat Faure Gnassingbé, au menu l’ardente question des réformes constitutionnelles et institutionnelles à mener avant la présidentielle de 2015. Si la rencontre est plus ou moins inattendue, elle pourrait cependant paraître comme une opération cosmétique destinée à peaufiner l’image de chef de l’opposition de Jean-Pierre Fabre.
Le président de l’Alliance nationale pour le changement (ANC), Jean-Pierre Fabre, rencontre le chef de l’Etat Faure Gnassingbé cette après-midi à 14 heures. L’information a été confirmée ce matin par Eric Dupuy, secrétaire national à la communication de l’ANC.
Cette rencontre intervient après un échange épistolaire entre le chef de l’Etat et celui qui revendique le statut de chef de l’opposition (statut constitutionnel). Elle intervient également après une tournée de l’ANC à l’intérieur, pour prendre le pouls du pays, à un an de la présidentielle 2015.
Dans une lettre à Faure Gnassingbé, Jean-Pierre Fabre a réclamé l’ouverture d’un dialogue entre pouvoir et opposition sur les réformes constitutionnelles et institutionnelles, avant la présidentielle 2015.
Dans une correspondance, en réponse, en date du 25 février, le chef de l’Etat a souligné que « le cadre le plus indiqué pour débattre utilement des réformes envisagées conformément à l’esprit de l’Accord Politique global » est l’Assemblée nationale, « où les principaux courants politiques sont représentés. » Il lui a demandé en outre de » prendre attache » avec le Premier ministre pour la faisabilité de l’entreprise. Les législatives de juillet 2013 ont été remportées largement par UNIR, le parti au pouvoir.
Une réponse qui n’a pas l’assentiment de Jean-Pierre Fabre, qui a renvoyé une seconde correspondance demandant une rencontre avec le chef de l’Etat. Ce qui sera concrétisé cette après-midi à 14 heures.
Difficile de savoir l’issue d’une telle rencontre sera positive, les positions étant diamétralement figées en ce qui concerne non seulement le cadre de ces discussions mais surtout le contenu et la portée des réformes.
L’ANC souhaite le vote d’une loi sur le mandat présidentiel avec effet rétroactif sur le mandat actuel du chef de l’Etat, qui se retrouverait dans ce cas empêché d’être candidat à sa propre succession en 2015. Craignant une « majorité mécanique » du parti au pouvoir, l’ANC ne veut pas de ces discussions au parlement.
Selon le parti au pouvoir, la Constitution actuelle autorise Faure Gnassingbé à rempiler pour un troisième mandat, d’autant plus que l’accord obtenu dans le cadre du CPDC-rénové, qui limite le mandat présidentiel à 5 ans renouvelable une fois, n’est pas rétroactif.
Toute la classe politique est unanime sur la nécessité des réformes politiques (constitutionnelles et institutionnelles) à conduire. Elles constituent d’ailleurs la pierre d’angle des recommandations de la CVJR, jugées indispensable pour la paix et la réconciliation.
Mais le sujet est un serpent de mer. Depuis l’accord politique global (APG) d’août 2006, auquel tout le monde se réfère pour ces réformes, rien n’est fondamentalement entrepris et la classe politique est divisée sur le contenu et le cadre.
Le pouvoir, large vainqueur des législatives d’octobre 2007et de juillet 2013, croit que l’APG, qui préconise un dialogue politique dans un Cadre permanent de dialogue et de concertation (CPDC), est caduque, à partir du moment où les textes des réformes passeront de toute façon à l’Assemblée nationale.
Dissensions au sein de l’opposition
Cette rencontre constitue tout de même une situation inédite dans le microcosme politique national, Jean-Pierre Fabre s’étant donné publiquement le statut d’opposant radical, ayant taxé toute stratégie de dialogue de compromission avec le pouvoir.
Son ex-parti, l’UFC, a d’ailleurs beau jeu de lui rafraîchir la mémoire quant à cette attitude ambiguë, le président national de l’ANC ayant approuvé les négociations souterraines du parti de Gilchrist Olympio avec le pouvoir RPT.
Par le passé, des opposants à l’instar d’Agboyibo ou Edem Kodjo ont rencontré Eyadema ou Faure Gnassingbé sans que cela paraisse en soi comme un événement d’importance.
Mais la rencontre Faure Gnassingbé- Jean-Pierre Fabre dénote de l’évolution de la scène politique, caractérisée depuis 2010 par une guérilla politique violente entre le pouvoir d’une part, l’ANC et le Collectif Sauvons le Togo (CST) d’autre part. Le financement des partis politiques a changé la donne des rapports entre pouvoir et opposition, qui se normalisent et se civilisent, d’où une certaine décrispation de la scène politique. En dépit d’une stratégie de la rue que ne semble pas vouloir abandonner l’ANC, premier parti de l’opposition au parlement. La visite de Jean-Pierre Fabre à Faure Gnassingbé relève donc d’une certaine normalité, et ne devrait pas susciter autant de bruits.
Cependant, si l’opposition est unanime sur les réformes par le dialogue, les partis restent divisés quant à la démarche de Jean-Pierre Fabre, au moment où l’on parle d’une stratégie unitaire en vue de la présidentielle de 2015.
Dans ce cas, pour certains, la rencontre Faure Gnassingbé-Jean-Pierre paraît comme une opération de communication du leader de l’ANC pour asseoir son profil de chef de l’opposition.
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