« De l’urgence de protéger nos artistes contre les billets bleus » (David Kpelly)


Adjaho Junior est, après Frédéric Gakpara et feu Folo, l’un des très rares humoristes togolais qui me font rire. J’ai découvert tout récemment Hervé Djessoa alias Professeur Abawoe qui est également drôle avec un humour très intelligent.
Adjaho Junior est donc, était donc, dois-je déjà apprendre à dire, un humoriste que j’appréciais beaucoup par le personnage qu’il interprète : un propriétaire terrien Adja-Ewé spécialiste dans la roublardise, la double-vente de terrain, les envoûtements… Il y a quelques semaines, j’écoutais un de ses audios où il se prononçait sur la crise politique togolaise, demandant avec ironie au Président comment il compte partir du pouvoir avec toutes les atrocités qu’il commet, s’il compte partir comme Blaise Compaoré, ou Kadhafi, ou Yaya Djammeh (l’audio est en commentaire)…
J’ai donc été choqué hier en regardant cette vidéo du même Adjaho Junior perché sur une victoire, la bouche pleine de salive, battant campagne pour UNIR. Le réflexe, dans ces situations, de nous qui militons pour la libération de notre pays, est de vouer les artistes qui jouent à ce jeu aux gémonies. Mais je crois qu’il est temps que nous nous posions les vraies questions devant la récurrence du phénomène.
La dictature togolaise a eu le temps nécessaire de conditionner notre pays de telle sorte qu’on ne peut y vivre, entreprendre quoi que ce soit et réussir, sans, d’une manière ou d’une autre, lui avoir prêté allégeance. Dans certains cas, il est même impossible de pouvoir survivre sans se prostituer dans les antichambres du pouvoir.
Nos frères artistes, journalistes, fonctionnaires, entrepreneurs, blogueurs vivant au pays souffrent cruellement de cette situation, confrontés au terrible dilemme d’être condamnés à perpétuellement vivre dans une dèche totale ou à se compromettre avec un régime qu’ils détestent. Ils finissent, humains poussés par l’instinct de survie et les besoins physiologiques, par choisir la deuxième option. Et il devient à la limite cynique, méchant, de toujours les traiter d’indignes. Aidons-les à survivre pour pouvoir résister à la corruption.
Il nous revient, à chacun de nous, vivant au Togo ou non, de faire du soutien de nos artistes encore restés intègres, surtout ceux du Mouvement des artistes engagés, MAET, une priorité. Ils ne cherchent pas la lune, ils veulent juste vivre de leur art. A chacun de leurs spectacles, achetons et offrons leurs tickets. Organisons-nous, nous qui sommes hors du Togo, dans nos pays d’accueil, pour les inviter à des tournées.
Un ami s’est, il y a quelques jours, proposé d’aider un d’entre eux avec son matériel de sonorisation durant un concert. Multiplions des initiatives de ce genre. Nous ne pouvons pas continuer à les renier alors que nous ne leur avons pas tendu la main quand ils ont besoin de soutien.

David Kpelly (opinion publiée sur Facebook le 24/01/2019)


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A propos Joséphine Bawa 55 Articles
Responsable Desk politique et Afrique Joséphine Bawa capitalise 17 ans d'expérience en matière de communication et journalisme. Diplômée de Wit University (Johannesbrg, South Africa) elle a collaboré avec diverses agences de presse internationales dont AP, Reuters. Josephine dirige le desk politique de la Rédaction du journal Le Temps. Joséphine est également consultante auprès de plusieurs cabinets en Afrique et en Amérique du Nord.

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