Ali Bongo veut restaurer la chefferie traditionnelle dans le jeu politique

A l’occasion de la célébration du 55ème anniversaire de l’indépendance de son pays, le président Ali Bongo Ondimba, a l’imagination débordante. Le successeur d’Omar Bongo a déclaré que l’indépendance, c’est aussi “la défense et la sauvegarde des valeurs ancestrales positives“.  Un brainstorming impressionnant de son entourage vient d’accoucher d’une nouvelle idée : l’institution d’un Conseil national des chefferies traditionnelles. Il a déclaré vouloir aussi- par un tour de passe passe juridique qui ressemble beaucoup à un blanchiment de recel- léguer son héritage à la jeunesse gabonaise.

J’instruis le gouvernement de prendre toutes les dispositions utiles, et dans les formes pertinentes, pour créer, dans les meilleurs délais, le Conseil national des chefferies traditionnelles du Gabon, a déclaré le président Ali Bongo Ondimba dans une allocution radiotélévisé.

Comme dans beaucoup de pays africains, le président du Gabon  a exprimé le vœu de voir ces chefferies traditionnelles être les dépositaires des us, coutumes et traditions reconnues et organisées par l’Etat. Pour le chef de l’Etat gabonais, ce conseil devrait apporter une meilleure à l’harmonie et à la cohésion de la nation.

En réalité, la volonté présidentielle constitue une présidentielle pour les sociologues et les politologues. Présent avant la pénétration coloniale, l’institution de la chefferie traditionnelle a presque  disparu du jeu social gabonais dès le début des indépendances.  Elle se trouve en phase résiduelle. Seules quelques chefferies traditionnelles subsistent encore, notamment chez les peuples du littoral habitant la région de l’Estuaire.

C’est dire que la majorité des Gabonais (tranche d’âge de 0-55 ans) l’ignorent. Comment comprendre alors la volonté de Bongo de remettre dans le jeu social une institution qui n’a plus aucune existence ? Une incursion dans les pays d’Afrique peut donner quelques indices pour comprendre le jeu de Bongo.

Pendant la colonisation, les pays administrés par l’Angleterre vivaient sous un régime appelé indirect rue. Les territoires sous le régime de l’indirect rule étaient alors gérés par des chefs indigènes au profit de la nation coloniale. Ces chefs traditionnels lui garantissaient en général des avantages commerciaux (monopoles de commerce, concessions) et versaient l’impôt, en échange de quoi, la puissance coloniale garantissait militairement leur pouvoir.

De ce fait, à l’indépendance, et en dépit de la succession les chefferies traditionnelles ont acquis une certaine notoriété et le respect de l’administration post-coloniale. Les chefferies traditionnelles sont très organisées dans ces pays et jouent un puissant rôle social et politique- es chefferies traditionnelles dans la Volta Region ont par exemple un chef supérieur des Ewés. Ainsi peut-on voir l’ancien chef de l’Etat ghanéen, John Atta Mills se baisser pour saluer le chef des Ashanti ou le chef supérieur des Ewés. C’est dire la place de cette chefferie au sein des institutions post-coloniales non seulement en tant que gardiennes des us et coutumes, mais aussi dans la régulation sociale.

Des sbires des régimes anti-démocratiques

Ce n’est pas le cas dans les pays francophones, où fut exercée un système appelé l’administration directe : Les colonies sont administrées par la métropole, représentée sur place par des fonctionnaires européens très puissants et des gouverneurs dans les colonies françaises. Ici, les chefs traditionnels n’ont pas eu le prestige de leurs homologues de la zone anglophone. Manipulés à souhait  par le colonisateur français, qui peut les destituer comme bon lui semble, en nommaient d’autres, et en faisaient des instruments d’oppression.

Dans les pays francophones, le chef coutumier perdit de son pouvoir et surtout de son prestige. Il est tout simplement au service du pouvoir central.

La restauration de la chefferie traditionnelle par Ali Bongo Ondimba n’est pas une mauvaise chose en soi s’il entend en faire une institution politique nouvelle jouant un rôle central dans la vie politique et sociale du Gabon. Mais elle serait une très mauvaise idée si le but inavoué est de perpétuer une tradition dans les pays francophones qui fit des chefs traditionnels des sbires des régimes allergiques à toute forme de démocratie.


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A propos Komi Dovlovi 1100 Articles
Journaliste chroniqueur, Komi Dovlovi collabore au journal Le Temps depuis sa création en 1999. Il s'occupe de politique et d'actualité africaine. Son travail est axé sur la recherche et l'analyse, en conjonction avec les grands  développements au Togo et sur le continent.

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