L’opposition politique togolaise se cherche. L’aventure de la présidentielle 2015 a eu pour conséquence de creuser un grand fossé entre les partis du CAP 2015 et ceux qui ont décidé de boycotter le scrutin. Les divergences sont profondes et pour certains, le divorce serait même consommé, entre le Comité d’Action pour le Renouveau de Me Dodji Apevon et l’Alliance des Forces du Changement (ANC) de Jean-Pierre Fabre. Au moment où UNIR s’organise pour former un nouveau gouvernement, du côté de l’opposition, c’est la gueule de bois.
Ce n’est pas nouveau: au Togo, l’opposition n’est pas organisée. Quelques petites officines politiques autour de quelques leaders qui se reconnaissent une certaine popularité tentent de braver le régime. Depuis 1994 (victoire arithmétique du couple CAR-UTD aux législatives), les partis de l’opposition n’ont plus réussi à bousculer le pouvoir, habitué à gagner les élections avant même leur tenue. En plus de cette désorganisation, l’opposition politique a connu une véritable saignée ces dernières années, avec le départ de certains de ses cadres, partis rejoindre les rangs de l’UNIR (le RPT reformaté à la manière de Faure Gnassingbé). Certains leaders (Edem Kodjo, Zarifou Ayeva, Leopold Gnininvi…) ont pris leur retraite politique. D’autres comme Yaovi Agboyibo continuent à agiter le microcosme loméen sans convaincre.
Le Chef de file contesté
Jean-Pierre Fabre dont le parti ANC est celui qui a le plus d’élus à l’Assemblée nationale assure la fonction de chef de file de l’opposition. Au lendemain de la présidentielle, Fabre fait face au double défi de défendre ce qu’il appelle sa “victoire” à cette élection – pourtant émaillée de graves irrégularités selon le CAP 2015 – et maintenir sa crédibilité en tant que chef de l’opposition. A vrai dire la contestation ne vient pas seulement du CAR. La fronde est également menée par des partis et associations membres du Front Tchoboe, un collectif formé à la veille de l’élection pour exiger des réformes politiques préalables à ces consultations. Même si ce dernier groupe est plutôt modéré dans ses critiques, on y trouve des acteurs qui ont ont pignon sur rue et animent relativement bien le jeu et les débats publics à Lomé. Tel est le cas de l’ancien député Habia et de Claude Améganvi du Parti des Travailleurs.
Mais le sort de Jean-Pierre Fabre n’est pas si singulier. L’opposition a rarement eu à s’aligner derrière un seul leader. Même au temps de l’opposant historique Gilchrist Olympio, on trouvait des récalcitrants qui préféraient jouer aux indépendants. Et puis, ces opposants souffrent d’un mal incurable d’ego inversement inconciliables, compromettant toute alliance viable.
Le risque d’enlisement
Ce qui caractérise l’opposition politique togolaise aujourd’hui c’est le sentiment généralisé d’épuisement. Face aux échecs répétés, il n’y a plus de ressource pour mobiliser les militants et engager une dynamique viable. Si Fabre et ses collègues s’accrochent à la contestation de l’élection (en dehors des voies légales) ils courent le risque à terme de se marginaliser. Il leur est devenu d’ailleurs de plus en plus difficile de mobiliser les militants à Lomé; les forces de l’ordre ayant trouvé les moyens de museler les marches organisées récemment.
Au-delà d’une entente entre les forces politiques, c’est le manque d’une stratégie unitaire qui fait le plus défaut. Il n’existe aucun projet autour duquel on pourrait espérer que les partis s’accordent pour établir un rapport de forces avec UNIR.
Pour convaincre, il faut bien que les opposants innovent. Mais aucun parti pris individuellement ne peut aujourd’hui engager une dynamique porteuse et durable. Le pouvoir UNIR aura donc tout beau jeu à dicter sa loi et à surprendre dans ses actions pour empêcher l’ancrage d’une démocratie véritable au Togo.
K. Agboglati
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