Enseignement : L’affaire Dodji Kokoroko-Adama Kpodar en trois questions

Des pratiques très peu académiques mais qui ressemblent à de graves abus de pouvoir sont portés devant la Commission d’éthique et de déontologie du Cames. Le Cames c’est l’institution créée à l’instigation de la France par les états francophones d’Afrique pour reconnaître les diplômes, et les grades des enseignants universitaires.  L’idéal de mettre ensemble de petites universités africaines moyennement dotées, faciliter la circulation des savoirs parait dévoyé,  d’après les pratiques et abus de pouvoirs révélés au cours des réunions de la Commission d’éthique et de déontologie qui se déroulent du 16 au 21 avril à Ougadougou,  capitale de siège du Cames.

 Des universitaires originaires du Togo, du Bénin, et de la Côte d’Ivoire sont impliqués dans ces affaires proprement scandaleuses et convoqués devant la commission pour être confrontés à leurs accusateurs. Les universitaires accusés se sont dérobés en faisant intervenir leurs conseils. Et pourtant, si leurs conseils peuvent parler en leur nom, comme l’autorise le règlement intérieur, ce dernier ne permet néanmoins pas qu’ils interviennent à la place de leurs clients pendant les confrontations.

Les pratiques dont on parle ne relèvent pas des guéguerres académiques classiques entre universitaires mais de turpitudes semblables à des pratiques « mafieuses » ou « politiques » car le mot « réseau » revient souvent dans les témoignages et les courriels que Le Temps a pu visionner. Les universitaires togolais mis en cause sont des proches du pouvoir togolais. Dodji Kokoroko paraît comme une caution intellectuelle du pouvoir dans le milieu universitaire. Et Adama Kpodar, le vice-président de l’Université de Kara, n’a pas hésité à proposer au cours d’un colloque organisé par l’Université de Lomé la création d’une cinquième République au Togo, comme solution aux problèmes de réformes constitutionnelles et institutionnelles non engagées par le pouvoir.

Qui sont les universitaires impliqués ?

Ils sont pour la plupart des professeurs agrégés des facultés de droit et dirigeants d’universités. Il s’agit de Dodji Kokoroko (président de l’université de Lomé), Adama Kpodar (Vice-président de l’Université de Kara), l’Ivoirien Djedjro Francisco Meledje,  du Burkinabé  le Professeur Augustin Loada, de la Professeure Dandi Gnamou.

Qui sont les accusateurs ?

Ils sont enseignants et sont empêchés de façon peu orthodoxe de monter en grades universitaires. Il s’agit de Jean Nazaire TAMA du Bénin, Sasso Pagnou du Togo, le Doyen Joël Aïvo du Bénin et le Doyen Georges Barnabé Gbago du Bénin, du Docteur Victor Topanou, du Docteur Philippe Noudjenoume, du Professeur Koffi Jondo, lequel a d’ailleurs perdu un poste à la DASS de l’Université de Lomé pour s’être opposé à « ces pratiques ». Les grades visés sont ceux de Maître-assistant, de Maître de conférence, et de Professeur agrégé.

De quoi sont ils accusés ?

Les affaires portent sur l’existence d’un « réseau » mis sur pied par Dodji  Kokoroko et Kpodar pour recaler certains candidats et « faire passer leurs amis ». Selon les pièces versées au dossier et les témoignages, on a par exemple  l’email envoyé par le président de l’Université de Lomé , Dodji Kokoroko aux membres du dernier concours d’agrégation pour demander de recaler un candidat de l’Université de Kara. Un autre mail a été envoyé par le même Dodji Kokoroko au précédent concours d’agrégation,  toujours aux membres du jury, pour demander de recaler les candidats Togolais, Franck Somali et Sylvestre Kpédou.  On évoque également un mail dans lequel,  le professeur Adama Kpodar, vice-président de l’Université de Kara, fait la proposition à un Professeur Béninois « de mettre sur pied   un réseau composé de lui-même Kpodar et Kokoroko au Togo, et de Salami, de Madame Gnamou et d’un professeur au Bénin,  dont « l’objectif sera de décider de qui pourra être Maître -Assistant, Maître de conférence et de Professeur Titulaire en droit public dans l’espace Cames ».

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Avec des « complicités » au sein du Cames, le « réseau » peut même faire disparaître des rapports d’évaluation des jurys. Il en est ainsi du cas du Togolais Sasso Pagnou, candidat au grade de Maître- assistant.

Pour rappel, dans cette affaire, ce n’est pas l’Université de Lomé qui est mise en cause  mais Dojdi Kokoroko intitu personae. Le président de l’Université de Lomé et son « ami » Adama Kpodar sont tous les deux suspendus du Comité consultatif général du Cames depuis plus d’un an.

Une autre plainte visant un dirigeant universitaire togolais

Une autre plainte visant un dirigeant universitaire togolais est en cours, de source proche du CAMES. Il s’agit de Coulibaley Babakan, doyen de la Faculté de droit de l’Université de Kara. Il aurait contacté un universitaire sénégalais pour faire recaler l’enseignant Alemao au concours d’agrégation. Selon le règlement du CAMES, il faut deux témoignages pour ouvrir un dossier. La procédure vient d’être lancée.

A suivre !

A propos Komi Dovlovi 1019 Articles
Journaliste chroniqueur, Komi Dovlovi collabore au journal Le Temps depuis sa création en 1999. Il s'occupe de politique et d'actualité africaine. Son travail est axé sur la recherche et l'analyse, en conjonction avec les grands  développements au Togo et sur le continent.

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