Réformes et élections: l’équation casse-tête qui divise les opposants togolais

Tableau du grand artiste togolais Sokey Edorh: "Promenade d'Ogbossou" ©

La Coalition des 14 partis de l’opposition qui a mené la fronde contre le régime Gnassingbé depuis Août 2017 se disloque. Les partis politiques membres ne s’entendent plus sur rien. Surtout au sujet des réformes politiques et des élections locales (2019) et de la présidentielle (2020), chacun suit son chemin. Dans le cafouillage cependant, quelques éclaircis pour remobiliser les forces démocratiques et provoquer l’alternance.

Le CAR, le PNP, Togo Autrement et d’autres partis ne participaient plus aux rencontres de la coalition. L’ANC et le Parti des Togolais viennent de la quitter formellement. A l’issue du conclave de la C14 ayant réuni 9 des partis associés le 20 février, il a été décidé que ces partis allaient travailler ensemble pour les élections locales et pour le scrutin présidentiel. Mais seuls deux partis membres: ADDI et CAR ont vu leurs candidats retenus par l’Assemblée contrôlée par UNIR et ses partenaires. Les autres n’ont pas jugé utile de faire acte de candidature. Sur l’autre tableau, la présidente de cette Assemblée quasi-unicolore a annoncé pour bientôt le début de l’examen des projets de révision de la constitution, aux fins des réformes politiques. C’est dans ce contexte que le PNP, acteur principal des mobilisations anti-régimes annonce de nouvelles manifestations à partir du 13 Avril prochain.

La C14 a vécu…

Avant même le départ annoncé par l’ANC le 22 Mars, la coalition battait de l’aile. La réorganisation annoncée en grande pompe et le « grand mouvement citoyen » clamé par les uns et les autres n’auront été que des vœux pieux. Il existe plusieurs pommes de discorde, mais il ne fait pas de doute que c’est sur la question électorale que les partis membres de l’agonisante C14 se seront le plus butés. Un parti politique apparemment important comme le PNP ne veut pas entendre parler d’élection. En annonçant la reprise prochaine des manifestations, cette formation choisit de faire cavalier seul, et surtout d’apparaître aux yeux de tous comme le seul parti radical face à la dictature. Une attitude jugée « populiste » par certains observateurs.

Après avoir réclamé pendant longtemps le « retour à la constitution de 1992 » et « le vote de la diaspora », le PNP table maintenant sur « l’application intégrale de la Feuille de route de la CEDEAO ». Cette mise à jour apporte une sorte de réalisme dans la position du parti d’Atchadam. Mais en même temps, en excluant toute participation au processus électoral sans la mise en oeuvre de réforme, le PNP joue gros, avec le risque de se marginaliser.

Les autres partis politiques de la C14 n’ont pas une approche plus pertinente. Ainsi l’ANC dont le leader Jean-Pierre Fabre était le précédent Chef de file de l’opposition, tout en misant sur les élections (sans toujours le dire avec clarté) n’a pas jugé bon de se faire représentant au sein de la CENI. Il en est de même de ses (anciens) alliés tels que la CDPA, le FDR, UDS-Togo, Les Démocrates, etc…

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L’incapacité des 14 partis politiques autrefois coalisés à s’entendre sur un minimum de stratégie commune pour participer aux élections est le signe que ces partis souffrent de sérieuse carence en termes de capacité d’action politique. Et cela se voit aussi s’agissant de leur position au sujet des réformes politiques. Pour ce qui est des élections locales, c’est le grand large!

Comment influencer les réformes politiques?

La seule chose que les adversaires d’UNIR puissent faire aujourd’hui est de faire en sorte que les réformes promises soient conformes aux engagements que le régime avait pris. Notamment les formulations contenues dans les propositions de l’expert constitutionnaliste de la CEDEAO.

Dans une publication sur sa page Facebook ce 24 mars, l’expert Dany Ayida, par ailleurs Président du mouvement Engagement pour un Avenir Apaisé (proche de François Boko) donne son avis sur ce que devrait être la stratégie des opposants:

Le problème est que l’opposition jusqu’à présent n’a pas un leadership efficace qui permette de peser véritablement sur le processus, en l’absence de représentants au sein des institutions de l’Etat, notamment l’Assemblée nationale et la CENI. Cette faiblesse se voit aussi du côté des organisations de la société civile. Les premiers continuent de réclamer vaille que vaille lesdites réformes, alors même qu’il n’existe plus de passerelle leur permettant de formuler des propositions qui seraient prises en compte par le pouvoir UNIR. En outre, ce qui passe aujourd’hui pour « opposition parlementaire » n’est en réalité qu’un résidu de petits partis sans envergure ni présence réelle, et qui plus est se placent en en rupture de banc avec la grande majorité des partis dominants de cette opposition.

La société civile est encore plus hétéroclite. Les organisations traditionnellement engagées dans le processus démocratique sont aux abonnés absents. On a remarqué qu’elles n’ont pu désigner de représentants pour la CENI d’une part et d’autre part sont inaudibles dans les débats sur les réformes. Ce vide est en train d’être comblé par le mouvement des Forces Vives Espérance pour le Togo du père Affognon. Cette organisation a tenu son forum citoyen les 16 et 17 mars à Lomé. L’ambition affichée fut de « fédérer les énergies et les stratégies« . Au final, une panoplie d’engagements et d’attentes a été déclinée sans que l’on sache comment l’organisation va les faire aboutir dans le contexte actuel.

Les forces dites démocratiques sont plus que jamais en position de faiblesse face au régime de Faure Gnassingbé. Elles ne sont pas relevées de l’uppercut des « législatives unilatérales » du 20 décembre 2018.

Toutefois les développements récents sur la scène politique portent quelques graines d’espoir. Il en est ainsi de l’accueil réservé par les partenaires américains à l’ancien ministre de l’intérieur et opposant François Boko, récemment à Washington, sans omettre les intentions manifestées du côté de l’Elysée de voir la situation politique au Togo se normaliser. Le retour de ce dernier au pays, annoncé pour la fin de ce mois de mars est considéré par beaucoup d’observateurs comme un facteur susceptible d’apporter un nouveau tonus aux acteurs en lutte pour le changement au Togo.

K. Agboglati

Cet article est illustré par un tableau de l’artiste Sokey Edorh, un des plus célèbres artistes plasticiens du Togo. La Rédaction du journal Le Temps lui est reconnaissant pour cette collaboration exclusive.

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