Le président Nana Dankwa Akufo-Addo en visite au Togo du 2 au 4 mai

Le président Nana Dankwa Akufo-Addo entame ce mardi une visite officielle à Lomé portant sur plusieurs sujets de coopération économique et de sécurité.

Démocratiquement élu en décembre 2016 au cours d’une élection transparente et libre en battant le sortant John Mahama, le président ghanéen Nana Dankwa Akufo-Addo  entame sa  première visite officielle au Togo. Symboliquement, le voyage s’effectuera par voie terrestre (196 kms), le locataire de la Jubilee House résidera au Togo du 2 au 4 mai. C’est le premier long séjour d’un chef d’Etat ghanéen  au Togo.

Ce long séjour témoigne de l’importance des sujets à l’ordre du jour  parmi lesquels «[ la] sécurité, [ la] agriculture, [ la] santé, [ le] commerce, [ l’] économie numérique, [ l’] environnement et [ l’] énergie », selon un communiqué de la présidence togolaise.

Longtemps conflictuelles, les relations entre les deux pays voisins se sont nettement améliorées avec le départ du président Jerry John Rawlings du pouvoir, la mort d’Eyadema en 2005, le délitement de l’opposition togolaise réfugiée dans ce pays voire le changement de politique chez l’ex-opposant historique Gilchrist Olympio.

Une situation dont a habilement tiré profit Faure Gnassingbé  pour tisser des liens forts avec les successeurs de Jerry John Rawlings, surtout avec le président John Kuffuor. Aujourd’hui, on peut parler d’un axe Accra-Lomé marqué notamment par des visites fréquentes officielles du chef de l’Etat togolais à Accra. Même si la rumeur prête au président togolais d’y mener des affaires privées, la coopération entre les deux pays s’est considérablement accrue ces dernières années.

Sur financement de l’Union Européenne, cette coopération s’est concrétisée par la construction du poste frontalier Noepé/Akanu, qui devrait servir à désengorger le poste-frontalier d’Aflao et desservir une ligne régionale dans le projet d’une voie de Grand contournement de Lomé.

Les domaines possibles de coopération

Sur le plan énergétique, le Togo dépend fortement du Ghana, via le barrage d’Akossombo. Cependant, contraint par son boom économique et les mauvaises politiques énergétiques adoptées ces 20 dernières années, Accra fut obligé de réduire drastiquement la fourniture d’électricité au Togo.

Du coup les deux pays ont diversifié leurs sources d’énergie : Le Ghana construit l’une des centrales solaires les plus grandes d’Afrique occidentale tandis que le Togo avec la Centrale Contour Global arrive à couvrir presque ses besoins en énergie.

Compte tenu des conflits politiques du passé, les deux pays pourtant liés par la géographie et l’histoire n’ont pas su unir leurs efforts pour développer une coopération ambitieuse dans le domaine de l’éducation, de l’énergie et de l’économie.

Le Togo très ancré dans son système éducatif et de formation nourris au biberon français et moulé dans le carcan de l’UEMOA, pourrait s’inspirer du modèle ghanéen indépendant qui ne manque pas de qualités, surtout en ce qui concerne la formation secondaire et universitaire. Les campus d’Accra et les résidences universitaires disposent d’infrastructures qui n’ont  rien à envier aux modèles européens voire nord-américains.

 De même les deux pays pourraient créer des  échanges entre professeurs d’anglais et de français, l’enseignement de la langue de Shakespeare au secondaire au Togo étant d’une médiocrité absolue. La gratuité de l’enseignement primaire est aussi un modèle non-néglieable.

Dans le domaine agricole, le Ghana est d’un grand intéret pour l’agriculture le Ghana, en dépit de ses énormes potentialités dépend importe une partie de sa consommation céréalière (maïs) du Togo. En revanche, le Ghana développe une industrie agro-alimentaire plus qu’embryonnaire mais à la vitalité certaine.

C’est  sur le plan de la circulation des biens et des personnes et du commerce que la coopération entre les deux pays nécessite d’être revue malgré quelques améliorations ces dernières années. Par exemple, la frontière est désormais ouverte 22H sur 24h contre 18H  dans un passé récent alors que le flux des voyageurs et des biens est important.

Le poids du passé ralentit les efforts dans ce domaine : Le régime togolais a la phobie du Ghana et sa politique étrangère à l’égard de ce pays est empreinte de phantasmes basés sur d’éventuelles attaques armées de son opposition par sa frontière ouest. La libre circulation des personnes légalement garantie par les textes de la CEDEAO est entravée par des harcèlements des services de l’immigration des deux côtés de la frontière. Quant aux biens, l’exonération d’impôts des produits communautaires n’est qu’un vœu pieu, les industriels et les agriculteurs payent des taxes douanières des deux côtés de la frontière.

Néanmoins le Togo gagnerait à développer son commerce avec ce pays, un  grand marché à la démographie galopante de 26 millions d’habitants, pour un Produit intérieur brut de 47 millions dollars US, un revenu par habitant de 1450 dollars, une population moins pauvre (24,2% sous  le seuil de la pauvreté). Boosté par la production du pétrole, le Ghana connaît une croissance soutenue, en dépit de la  crise énergétique. Les prévisions sont de l’ordre de 7,5 % (2017) et 8,4% en 2018. Le pays développe d’énormes infrastructures routières, scolaires et hospitalières.

Le Togo paraît un nain avec ses 7 millions d’habitants, son PIB de 4 milliards de dollars US, avec ses 7 millions d’habitants dont  plus de la moitié vit sous le seuil de pauvreté.

Démocratie contre dictature militaro-civile

A l’indépendance, les rivalités entre le Togo et le Ghana étaient très fortes en matière politique. Dans les deux pays  régnaient deux leaders ambitieux et charismatiques. L’Osagyefo Kwame N’krumah, père de l’indépendance, chantre du panafricanisme, s’opposait à Sylvanus Olympio, père de l’indépendance du Togo, brillant économiste plutôt pragmatique en matière de politique panafricaine. Les deux régimes ont viré à l’autoritarisme et ont fini par imposer un système de parti unique. Si Olympio est resté libéral et pro-occidental, Nkrumah s’est abonné à la chapelle communiste. Mais les deux pères de l’indépendance ont été victimes d’un coup d’Etat.

Après plusieurs années d’instabilité marquées par des coups d’Etat, le Ghana a retrouvé la stabilité et une longue transition démocratique sous Jerry John Rawlings. Depuis 1993, le pays est installé en démocratie et connaît plusieurs alternances au pouvoir, des régulières, libres et transparentes.  Les institutions constitutionnelles fortes et indépendantes du pouvoir exécutif, de même qu’une société civile dont le rôle majeur dans l’avancée démocratique est indéniable.

Deux partis politiques, le NPP et le NDC se partagent le pouvoir depuis les années 1990, en dépit de leur opposition idéologique, on peut noter sans doute qu’une ligne social-démocrate et une économie de marché dictent le tempo de la vie politique. Ce qui fait qu’un président libéral du genre Akofo-Addo peut vouloir faire voter la scolarité gratuite au secondaire.

Le Togo est antinomique du Ghana en termes de régime politique. D’un côté une démocratie tandis que de l’autre côté d’Aflao sévit une des dictatures les plus détestables en Afrique.

Depuis 1967, le Togo vit sous le joug d’un régime militaro-civil dirigé par une même famille, les Gnassingbé. Malgré l’adoption de la démocratie en 1992, le pays vit une démocratie en trompe-l’œil, conduite par le même parti, le RPT-UNIR. Les institutions sont émasculées voire verrouillées et très dépendantes du parti au pouvoir. Depuis l’arrivée de Faure Gnassingbé au pouvoir en 2005 à travers un coup  d’Etat sanglant, il a vu se succéder trois président ghanéens. Le quatrième est son hôte de cette après-midi.

Lors de sa présidence, John Mahama avait proposé la limitation des mandats présidentiels à deux dans l’espace CEDEAO, une mesure que Faure Gnassingbé et l’ex-petit roitelet de Gambie, Yahya Jammeh avaient mis en échec.

Nana Dankwa Akufo-Addo à l’écoute de son peuple

L’un des symboles majeurs de l’exemplarité du Ghana, c’est le voyage par la route du président Nana Dankwa Akufo-Addo. Un bienfait de la démocratie, c’est la disposition des dirigeants ghanéens à l’écoute des citoyens prévenus. Ayant fait campagne sur le thème de la corruption et de la déminution de la dépense publique, en faiant le voyage de Lomé par la route, le locataire de la Jubilee Flagstaff House, réduit non seulement les frais onéreux d’un voyage présidentiel par avion mais aussi en profitera pour connaître de l’Etat d’une  région, la Volta Region qui bruisse ses dernières années de velléités irrendentistes.

 

 

 

A propos Komi Dovlovi 1013 Articles
Journaliste chroniqueur, Komi Dovlovi collabore au journal Le Temps depuis sa création en 1999. Il s'occupe de politique et d'actualité africaine. Son travail est axé sur la recherche et l'analyse, en conjonction avec les grands  développements au Togo et sur le continent.

Laisser un commentaire

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*