Gerry Taama aurait préféré les opposants togolais en prison en 2015

La victoire inattendue d’un opposant connu inconnu face au président-soldat gambien Yahya Jammeh est diversement appréciée au sein de l’opposition togolaise. Si la CDPA salue une victoire de la démocratie, dans un post sur Facebook, Gerry Taama avance que l’embastillement des leaders de l’opposition à été salutaire pour le bonheur des Gambiens.

Mettez-les en prison 

« Yaya Jammeh a sans doute rendu un immense service à son pays en faisant enfermer tous les leaders politiques avant les élections« , écrit le Président du Nouvel Engagement Togolais (NET), avant de planter des dards dans le dos des leaders du CAP 2015 accusés ni plus ni moins d’être des ethnocentristes.

Dans son argumentaire, selon Gerry Taama, le changement en Gambie n’a été tout d’abord possible que grâce à la seule volonté de Yahya Jammeh de ne pas frauder les résultats et de s’abstenir de la force pour reprendre à son compte la victoire de l’opposant Adama Barrow, laissant penser à un possible arrangement entre le pouvoir sortant et l’homme d’affaires. La politique ne serait donc qu’une affaire de buisiness. As usual.

« La première est que l’alternance est d’abord une histoire d’homme et non de système politique. Et en Afrique, c’est celui qui est au pouvoir qui fait l’alternance. »  Il donne l’exemple de  Jammeh et de Compaoré qui  ont accepté partir en protégeant et/ou respectant leur peuple.

Argumentaire tiré par les cheveux

L’opposant qui se fait analyste  oublie pourtant de parler du contexte politico-social, les rapports de force sur le terrain, au sein de l’armée supposée à la solde du sergent-président avant la présidentielle du 1er décembre 2016. Comme tout le monde croyait la présidentielle jouée d’avance, personne n’a vu venir. Normal. Même après, Gerry Taama n’essaie pas de se remettre en question. Si changement il y a, c’est le bon vouloir du despote qui aime tant son peuple et ne veut pas faire couler le sang ! Sans déconner. Il établit une comparaison avec Blaise Compaoré, le despote déchu du Burkina Faso, chassé par une jeunesse en colère. Le capitaine tombeur de Thomas Sankara n’aurait pas voulu de bain sang. Faux !  Les rapports de force au sein de l’armée n’étaient pas du tout favorables à Blaise. Mais ça, Gerry Taama qui fut lieutenant dans les Forces armées togolaises (FAT) n’a pas osé une comparaison entre l’armée togolaise majoritairement ethno-tribale et son homologue gambienne, plus hétérogène.

Tribalisme et compagnie

Et pour aller plus loin dans son argumentaire tiré par les cheveux, l’opposant-paysan (il dirige maintenant une ferme agro-pastorale) affirme que l’opposition togolaise est la pierre d’achoppement de l’alternance démocratique. La preuve : l’opposition togolaise souffre d’un « mal ethnique » et a tendance à exclure les opposants originaires du Nord. D’où le refus des populations du Nord de voter pour l’opposition !

Pour finir, le Togo est esclave du mal ethnique. Avant d’entrer en politique, je trouvais qu’on exagérait un peu sur le mal ethnique, mais mon immersion dans le microcosme m’a fait découvrir une autre réalité. Le vrai opposant ne vient pas du nord. Résultat, le nord continue et va continuer à voter utile pour le meilleur candidat du nord, écrit le soldat expert en communication devenu fermier, tout en étant dans un passé récent un libraire.

C’est le récit d’un Parcours de combattant d’un opposant politique originaire du « Nord ». Etonnant de la part d’un Saint-Cyrien que l’on croyait plus intelligent que la moyenne de l’armée. En réalité, le sous-officier Gerry Taama aurait mieux fait de s’occuper de ses moutons dans sa ferme.

Parcours d’un combattant 

Car, numériquement, le Nord est  inférieur au Sud. Et si un Nord monolithique votait « utile » pour « le meilleur candidat du Nord », comment alors ce candidat arriverait-t-il à gagner face à un Sud majoritaire,  raciste et exclusif ? En faisant voter les bêtes sauvages?

On est souvent très loin d’imaginer les liens dans lesquels le tribalisme enferme même ceux qui croient ne pas être tribaliste parce qu’ils ont pour époux une femme du « Sud ».

Gerry Taama a beau jeu d’accuser les leaders du CAP 2015, mais il y a une certitude qui ne trompe pas: l’opposition togolaise est alimentaire, qu’elle soit paysanne ou de cette bourgoisie commerçante ou de robe. Et les vrais opposants, on les reconnaît à leur ascétisme politique. Ils ne s’acoquinent pas du pouvoir des Gnassingbe !

A propos Komi Dovlovi 1013 Articles
Journaliste chroniqueur, Komi Dovlovi collabore au journal Le Temps depuis sa création en 1999. Il s'occupe de politique et d'actualité africaine. Son travail est axé sur la recherche et l'analyse, en conjonction avec les grands  développements au Togo et sur le continent.

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