TITI : Cette taxe incompréhensible

PETITION

Il faut d’abord d’emblée convoquer l’histoire récente. Nous sommes en février 2013 et le Togo vient de se faire éliminer de la Coupe d’Afrique des Nations. A la surprise générale, les usagers du réseau mobile sont informés d’un surcoût de 5 FCFA/min sur leurs appels, destinés à soutenir l’équipe nationale de football. Stupeur dans ce pays où les coûts de communications sont déjà exorbitants, où la facturation téléphonique est d’une opacité étourdissante, et où malgré tout cela, la qualité du service fourni est à repousser les limites de la patience. A ce jour, nul ne sait où atterrissait le revenu de cette surfacturation unilatérale, ni ce qu’est devenu le produit de cette collecte imposée, destinée à soutenir à l’époque une équipe nationale déjà éliminée, faut il le rappeler

Depuis, le petit Togo a poursuivi son petit bonhomme de chemin. Deux ans plus tard, période pour période, le gouvernement togolais nous revient avec un nouveau surcoût sur les communications. Cette fois l’attelage est tout autre. Le bas de laine revêt des oripeaux encore plus flous. Exit l’assiette des communications intérieures; on s’attaque à présent aux communications extérieures entrant sur le territoire national. Et le surcoût, telle une bête sauvage encore plus affamée bondit vertigineusement de 5FCFA à 25 FCFA. Consternation Totale !  (Remarquez que cette fois, le Togo n’est plus qualifié pour la CAN)

Faisons une analyse technique de cette trouvaille. La taxe en question est assise sur l’interconnexion téléphonique internationale.

Que renferme ce terme ? L’ARCEP, le régulateur français des communications électroniques et des postes définit l’interconnexion comme « le raccordement des différents réseaux de télécommunications entre eux afin de permettre à l’ensemble des utilisateurs de communiquer librement ».

Plus près de nous, l’interconnexion est également définie à l’article 4 de la loi “Lawson de 2012  modifiée en 2013 sur les communications électroniques.

L’interconnexion téléphonique internationale fonctionne selon la même logique mais est assise sur des accords commerciaux entre opérateurs de divers pays. Concrètement, les opérateurs négocient entre eux un prix pour l’ensemble des communications effectuées d’un pays à un autre puis se partagent ensuite les recettes issues du volume des communications effectuées entre les pays.

C’est précisément ce volume qui constitue l’assiette sur laquelle va s’appliquer le surcoût de 25 FCFA généré par l’introduction de la TITI. La conséquence directe est une hausse du prix des communications vers le Togo. En d’autres termes, Désormais (depuis le 1er Janvier de cette année) qui que vous soyez, quand vous appelez le TOGO, 25 FCFA seront ajoutés à vos frais de communications.

Faisons un petit calcul.

Si nous nous référons au rapport de l’autorité de régulation des Télécoms togolais sur l’évolution du marché au second trimestre 2014, nous retrouvons assez facilement les données sur les minutes d’appels internationaux qui rentrent au TOGO :

ARTP
En prenant pour l’exemple ici le T2 2014 des deux opérateurs mobiles Togocel & Moov (le trimestre dont les chiffres sont les plus bas) nous obtenons 26 920 134 minutes venant de l’international pour Togocel et 15 540 535 minutes côté Moov (Atlantique Telecom).

Un peu d’arithmétique :

4 x (26 920 134 + 15 540 535) = 169 842 676 Minutes

(4 représentant le nombre de trimestres dans l’année)

Ensuite : 25 FCFA x 169 842 676 Minutes = 4 246 066 900

En gros, au bas mot, cette taxe permettra à l’état togolais de récupérer une somme de quatre milliards deux cent quarante six millions soixante six mille neuf cent (4 246 066 900) de nos francs.

En continuant notre analyse, on remarque que la logique du gouvernement togolais est assez incompréhensible. Dans un monde des télécommunications où la tendance doit être baissière afin de rendre les prix abordables, la démarche du gouvernement togolais est clairement à rebours de la normalité.

De plus, une hausse du prix des communications vers le Togo risque fort logiquement d’occasionner une baisse du volume des appels venant de l’étranger, ce qui peut rendre cette taxe totalement improductive.

On se pose donc la question : Pourquoi cette taxe ?  Où iront les 4 246 066 900 FCFA ?

TITI servira à financer en partie la couverture maladie universelle. L’intention est louable mais le modus operandi laisse songeur. L’ordre normal des choses voudrait qu’une réforme d’envergure de l’hôpital public soit réalisée avant qu’une couverture maladie universelle puisse être déployée. Comment emménager un accès aux soins gratuit pour tous quand les structures de soins sont-elles mêmes dans un remarquable état de sinistre avancé ?

Un état si déplorable que ni le Président, ni le premier ministre (dernier en date à venir se faire soigner dans l’un des grands hôpitaux français), ni aucun autre membre de notre gouvernement ne se fait soigner dans nos hôpitaux publics. On se demande pourquoi ?

Dans un pays où nous ne disposons même pas de Ministre de la santé plein, on se demande à quoi vont réellement servir ces fonds ainsi prélevés.

Plus que jamais, il importe de surseoir à la mise en place de cette taxe.

Pour la première raison que c’est toujours une mauvaise idée d’augmenter le prix des communications, quelle qu’elles soient. Les télécommunications sont un instrument de socialisation et non une variable d’ajustement fiscale pour financer divers projets aux contours flous.

La deuxième raison est que le calcul du gouvernement a toutes les apparences de la chausse-trappe parfaite. Dans le secteur très concurrentiel des télécommunications, la course est au plus bas prix et non l’inverse. Il existe donc un réel risque de détournement des usagers du téléphone vers les outils VOIP comme Viber. Le résultat immédiat de cette situation serait une baisse des recettes de l’interconnexion et donc une taxe totalement inefficace.

TITI

Enfin, chat échaudé craint l’eau froide. Vu l’opacité totale ayant entouré les recettes de la première surtaxe de février 2013, il serait déjà de bon ton que le gouvernement commence par nous faire enfin les comptes de cette précédente opération.

Le bon peuple togolais mérite tout de même de savoir ce qu’est devenu le pécule qui lui avait déjà été prélevé sur les communications intérieures. Il ne s’agit en rien de refuser de participer à la mise en place d’une CMU, mais la dernière fois qu’une surfacturation a été décidée, rien n’a été clair.

Et pourquoi ne pas déjà mobiliser ces fonds pour débuter le financement de la CMU avant de penser à une autre taxe ?

Et pourquoi ne pas plutôt faire face aux responsabilités qui sont celles du gouvernement à savoir créer de l’emploi pour permettre aux travailleurs d’avoir des salaires décents qui leur permettront de souscrire à une éventuelle assurance maladie ?

Cette taxe injustement perçue sur les appels internationaux entrants au Togo ressemble plus à un aveu d’échec à cette mission de l’instance dirigeante du pays plus qu’autre chose.

Signer cette pétition au :  https://www.change.org/p/gouvernement-de-la-r%C3%A9publique-togolaise-surseoir-%C3%A0-la-mise-en-place-de-la-taxe-titi?just_created=true

Ecrit par Liebe BAt et Tido A

A propos Emilie ORONG 960 Articles
Emilie Orong est une passionnée de l'écriture. Elle a rejoint L'Equipe Le Temps en 2015. Couvre l'actualité nationale en tous genre et a un regard pointu sur l'actualité africaine.

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