Décryptage : M. Dahuku Péré, son état de santé et la situation de son parti

Dahuku Péré

L’ancien président de l’Assemblée nationale, Dahuku Péré, redevenu député lors des dernières législatives, a été démis, cette semaine, de son mandat pour raisons de santé. M Dahuku Péré avait en effet été victime d’un grave accident de la route-le week-end du 25 au 27 octobre 2013- en allant dans la circonscription de Blitta remercier ses électeurs. Par un tour de passe passe dont il a seul le secret-mais que l’on peut comprendre-, M. l’ancien Président de l’Assemblée nationale, président du Parti de l’Alliance démocratique, s’est présenté sous la bannière d’UNIR, le parti au pouvoir, lors des législatives de juillet 2013.

Quelle est la situation de son état de santé  ?

Quelle est la situation sanitaire réelle de M.Dahuku Péré ? Les médias dans leur ensemble ont parlé de « troubles psychiques » ou  » troubles cognitifs », mais paradoxalement quand on lit les articles, il s’agit en réalité de difficultés motrices. L’ex renégat du RPT se déplace effectivement en fauteuil roulant et ses ennuis de santé relèvent de traumatismes au niveau de la hanche. L’ancien dignitaire du RPT n’aurait pas porté de ceinture de sécurité lors du grave accident duquel ses gardes du corps sont sortis indemnes. Un proche de la famille a confié que son état est extrêmement grave voire « désespéré ».

Dans quel hôpital se soigne-t-il ?

Contrairement à ce que les médias togolais annoncent, M Dahuku Péré n’est pas soigné actuellement au pavillon militaire du CHU Sylvanus Olympio. Il suit des traitements à l’hôpital de Natitingou, un hôpital de classe 1 au nord du Bénin, réputé pour accueillir de nombreux malades des pays voisins, y compris le Togo.

A-t-il les moyens pour subvenir aux soins ?

Ses moyens sont  insuffisants pour des traitements qui nécessitent des ressources importantes. Avant son évacuation en France, le député était pris en charge au pavillon militaire du CHU Sylvanus Olympio par l’Etat. Il en est également de son séjour dans un hôpital français. Mais  austérité obligé, les traitements furent interrompus parce que l’Etat s’est déclaré être dans l’incapacité de continuer à payer des frais hospitaliers. Depuis Dahuku Péré dépendrait de sa famille, surtout sa femme, et de la charité de ses amis, d’après une source anonyme.

L’Etat doit-il prendre en charge ses frais hospitaliers ?

Ancien ministre RPT du Travail et de la Fonction publique (1990-1991), ancien président de l’Assemblée nationale (1994-1999), M. Dahuku Péré  ne s’est pas enrichi par ses postes politiques et ne fait donc pas partie de la classe des nouveaux riches. Exclu du RPT par le Comité Central en août 2002, suite à une lettre ouverte incendiaire écrite à Eyadema, le dissident a mené une longue et éreintante traversée du désert, synonyme quelquefois de sécheresse financière. Tous les vivres lui furent coupés par le général Eyadema et il ne bénéficiait pas des privilèges et indemnités dus à son état d’ancien Président de l’Assemblée nationale.

Selon un article du  bihebdomadaire L’Union du 5 décembre,  la situation d’un ancien président de l’Assemblée nationale du Togo est ainsi définie :

«Un décret en conseil des ministres fixe le montant ainsi que les modalités de versement de cette rente». Cette disposition de l’article 3 alinéa 3 de la loi n°2007-013 du 19 juin 2007 devra connaître son application depuis que le décret est pris courant premier semestre 2008. C’est ce que rêvent les anciens patrons du parlement. Selon le décret, le bénéficiaire doit empocher 500.000 F par mois au titre de la rente viagère.
Les indemnités du Président de l’assemblée nationale sont aussi maintenues pour une durée de trois mois à la cessation de fonction. A l’issue des trois mois, il lui est alloué la rente viagère mensuelle. Le paiement de la rente viagère cesse le jour où son bénéficiaire devient à nouveau un P.A. En cas de décès, les ayants droit (conjoint, conjointes, enfants mineurs) en perçoivent pendant une période de cinq ans.
La loi n°2007-013 du 19 juin 2007 s’applique à tous les anciens présidents de l’assemblée nationale vivants, depuis sa promulgation.

En réalité, le Togo ne compte pas beaucoup de présidents d’Assemblée nationale, mais pour des raisons politiques, M. Péré Dahuku et son ex-compagnon, l’ancien Premier ministre Agbeyomé Kodjo, n’ont pas pu bénéficier de leurs privilèges d’anciens dirigeants. M. Dahuku Péré n’aurait commencé à jouir de ces indemnités d’anciens hommes d’Etat qu’en 2012 voire 2013. Une probable explication à sa candidature à la députation sous la bannière du parti UNIR. Notons au passage que l’Ancien Premier ministre Agbeyomé Kodjo ne jouit également pas de ces avantages, contrairement aux Premiers ministres Edem Kodjo, Joseph Kokou Koffigoh et  Kofi Sama. D’où les gesticulations courroucées  passées de M. Agbeyomé Kodjo.

Reste la question préoccupante de la situation d’un homme d’Etat, d’un honnête homme d’Etat, aujourd’hui dans les profondeurs de l’abîme, qui est ravalée au rang d’un simple manant de Bohou, localité d’origine de la Kozah de M. Péré.

Une telle situation d’indigence devrait faire peut-être réfléchir ceux qui servent honnêtement la République ?

Demeure également une autre situation incohérente, la position réelle du Président Faure Gnassingbé sous l’instigation duquel M. Dahuku Péré aurait décidé de devenir député d’UNIR.  Alberto Olympio, président du Parti des Togolais, affirme que Faure Gnassingbé est immensément riche et ne devrait pas lorgner vers les deniers de l’Etat du Togo et par conséquent devrait être libéré des soucis du quotidien pour travailler au bonheur des Togolais. Un président riche est-il moins charitable au point d’oublier la situation d’un ancien Président de l’Assemblée nationale ? En ralliant les rangs d’UNIR, M. Péré Dahuku ne l’a-t-il pas servi lui, le Président de la République, chef de faction, que l’Etat du Togo ?

Quelle est la situation actuelle de l’Alliance ?

L’ex-renégat du RPT avait suscité  mépris et incompréhensions lorsqu’il s’est présenté sous la bannière du parti au pouvoir, une émanation de son ancien parti qu’il avait vomi.  Evidemment, pudique, M. Dahuku Péré ne s’est jamais expliqué sur son acte de prestidigitation  politique qui ne lui ressemblait pas du tout.

Son attitude est d’autant plus curieuse que le Parti de l’Alliance démocratique pour la Patrie (L’Alliance), peu convaincue de la démarche, ne l’a pas suivi. Il s’agit donc d’une échappée solitaire que M. Péré Dahuku a assumée jusqu’au bout en étant dans une position inconfortable, politiquement et moralement peu recommandable d’être un politicien hybride qui est député pour le compte d’un parti tout en assurant la présidence d’un autre opposé à ce dernier.

Ourna Gnanta
Ourna Gnanta

Mais, en écho à la transhumance hypothétique de son mentor,  un autre militant, Ourna Gnanta, avait défrayé la chronique en faisant une déclaration tonitruante sur le ralliement de la « majorité » de l’Alliance à l’UNIR. Cette attitude de transhumance  pendait déjà au nez d’Ourna Gnanta, une brebis galeuse, un rodéo de la politique du ventre, selon un proche du parti. Ayant senti l’irréversibilité de l’état de santé gravissime de M. Péré et son incapacité de retour à la vie politique, M. Ourna Gnanta a donc voulu saborder le parti en s’alliant au parti au pouvoir. Ce qu’il pourrait faire tout de même tout seul.

Le 30 juillet, le comité exécutif de l’Alliance a rétabli la vérité en qualifiant le comportement du prestidigitateur d’ »hystérique et tendancieux ».

Le Comité Exécutif de L’ALLIANCE porte à la connaissance de ses militantes, militants, sympathisantes et sympathisants que cette déclaration maladroite et personnelle est un acte hérétique et tendancieux qui n’engage que lui seul », selon un communiqué  signé par M. AGBODJAN-PRINCE Séwa Dométo Edem, le Secrétaire Général du parti.

Un  rétablissement qui a le mérite de tirer les choses au clair. L’Alliance reste toujours un parti opposé un pouvoir en place.

Triste carrière politique 

Mais quelle est la force réelle de l’Alliance aujourd’hui. En passant à l’opposition à Eyadema et en décidant de fonder un parti politique, M. Dahuku Péré partait quelque peu sur des chimères. Sans ressources financières et humaines conséquentes, la politique sous les tropiques est difficilement tenable. Selon le marché partisan togolais, les dirigeants politiques de l’opposition les plus prépondérants  sont populaires dans leur fief. On ne peut pas tirer les mêmes  conclusions en ce qui concerne le Parti de l’Alliance, très peu implanté dans la Kozah et guère mieux ailleurs. L’entreprise de M. Dahuku Péré, faite dans l’ambition chimérique de damer le pion au RPT dans son  fief de la Kozah, voire dans la partie septentrionale du Togo, et de se faire adouber par les leaders de l’opposition originaires du Sud, s’est avérée un cuisant échec. Oubliant la redoutable machine qu’était le RPT dont il était membre, il s’est fait brûler les doigts et les ailes.

La vie  politique de M. Dahuku Péré n’a véritablement pas été une des plus heureuses. Cet apprenti chrétien à la morale bigote d’un ancien séminariste, n’a jamais su faire son trou dans le marigot à crocodiles qu’est la politique togolaise. Accusé faussement de fomenter un coup d’Etat contre la Conférence nationale souveraine en juillet 1991,  l’ancien ministre de la Fonction Publique fut récompensé en prenant la tête du RPT et de diriger l’Assemblée nationale, à la suite des élections législatives de 1994. Un travail qu’il  fit honnêtement.

Ce fut tout. Depuis il traîne un masque d’un éternel banni, un paria, un homme défait,  un raté du train des honneurs et du politique, qui, s’il a mené sa vie sans imposture, ne peut même en récolter les fruits. Paradoxalement, c’est sur une turpitude politique qui va enténébrer sa vie que ce malchanceux du jeu politique est poussé dehors. Il doit à présent mener un combat solitaire contre la maladie.

A propos Tony Feda 134 Articles
Journaliste indépendant. Ancien Fellow de l'Akademie Schloss Solitude (Stuttgart, Allemagne), Tony FEDA s’intéresse à la sociologie, la culture- ses domaines de prédilection sont la littérature et les arts de la scène du Togo. A travaillé pour plusieurs journaux dont Le Temps, Notre Librairie. www.culturessud.com. Depuis août 2018, s'inspirant de Robert Park et de Bourdieu, il entame sur son blog www.afrocites.wordpress.com des projets sur des thèmes concernant la ville.

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